Avec ses refrains exotiques et sa voix perlée et mélodieuse,
Marie-José a probablement été l’une des
chanteuses françaises les plus populaires dans les années 40 et 50. Celle qui s’était
fait une spécialité du tango chanté, a souvent enregistré des chansons de
films, voire doublé vocalement certains artistes de cinéma. On a tendance à
oublier qu’elle a commencé sa carrière avant-guerre en tant que comédienne
avant de bifurquer vers la chanson.
Née en Algérie, en 1914, d’une maman espagnole et d’un papa
instituteur, Marie José a toujours adoré chanter, même si son père voyait d’un
très mauvais œil la possibilité d’une
carrière artistique. Parallèlement à des études d’infirmière, elle suit 2 ans les cours
du conservatoire à Oran. Consciente de ses limites dans le domaine lyrique,
elle reconnaîtra pourtant que ses cours lui ont amplement servi par la suite
pour placer sa voix. En 1937, la jeune femme se rend à Paris pour passer son
diplôme d’infirmière…et en profite pour essayer de concrétiser ses projets
artistiques.
Elle fait un peu de figuration dans le film Naples aux
baisers de feu dont la vedette est Tino Rossi. Grâce au soutien de Michel Simon,
acteur de génie, la jolie brunette aux yeux de braise obtient quelques rôles un
peu plus substantiels mais très secondaires dans Rappel immédiat de Léon Mathot,
un bon drame sentimental avec Mireille Balin ou Ils étaient neufs célibataires,
comédie désinvolte de Sacha Guitry. Les
deux films connaîtront un beau succès commercial.
En 1939, Marie José joue au théâtre aux côtés d’Alice Cocéa
dans la comédie Pacifique. Elle retrouve aussi son ami Michel Simon dans le
film Circonstances atténuantes, une irrésistible comédie, moult fois
rediffusées à la télé dans les années 60 et 70. Le clou du film est
probablement la java gouailleuse de Van Parys « comme de bien entendu »
que tous les protagonistes égrainent dans un café : un vrai petit bijou de
cinéma populaire d’avant-guerre ! Marie José la chante aussi partiellement
même si elle avouera plus tard détester ce morceau (il est vrai très éloigné de
son futur répertoire de chanteuse !). Marie José commence à graver des
premiers disques dès 1938, dans un style qui fait penser à la chilienne Rosita Serrano
ou à l’espagnole Imperio Argentina (dont elle reprend le célèbre Piconero).
Marie José déclarera que sa principale influence fut pourtant Joséphine Baker
et c’est vrai qu’après réflexion, on peut retrouver dans ses roucoulades
quelques petites similitudes.
En 1942, Marie José remporte un très gros succès avec le bar
de l’escadrille, une émouvante chanson qui délivrait un beau message de paix et
d’espoir en pleine occupation. Son enregistrement des « fleurs sont des
mots d’amour » du film la fausse maîtresse se vendra plus que la VO de
Danielle Darrieux. En 1943, Marie José est donc devenu une chanteuse quand elle
fait une brève apparition (dans son propre rôle) dans le chef d’œuvre de Claude
Autant Lara « Douce » (elle y chante « un peu d’amour »
devant une Odette Joyeux complètement désabusée) ou les caves du Majestic.
Après-guerre, Marie José va poursuivre avec un fort succès
sa carrière de chanteuse (on se souvient notamment de ses tangos Impossible ou
Lis moi dans la main tzigane, qui ont fait rêver toute une génération). Des airs
romantiques aux paroles parfois un peu cucul comme elle le concédait elle-même,
mais auxquelles sa voix vibrante et chaleureuse donnait toute la flamme
nécessaire.
Marie José n’a pas pour autant entièrement tourné le dos au
cinéma puisqu’elle doublera vocalement plusieurs actrices et notamment
Françoise Arnoul dans son premier l’Epave (qui fera scandale en raison d’une
scène déshabillée pour laquelle l’actrice sera également…doublée !!).Elle
chante aussi le fameux Pigalle de Georges Ulmer dans le film 56 rue Pigalle.
Afin de consacrer le plus de temps possible à sa famille et
ses trois enfants, Marie José s’éloignera des cabarets et des music halls dans
les années 50, tout en continuant à graver d’innombrables disques pour les
firmes Odéon puis Festival. Au passage, elle enregistra des succès des films Quai
des orfèvres, l’étoile de Rio, Paradis perdu, la colline des adieux, Orfeu
negro, l’étranger au paradis, les girls, la valse de l’ombre…
En dépit du grand succès du tango Si tu m’écrivais en 1961, l’arrivée
des yéyés et d’un nouveau style musical vont reléguer la chanteuse au second
plan. A la suite d’un accident vocal, elle décide de tout arrêter pour se
consacrer au doublage en français de film espagnols ! Décidemment, le
cinéma a toujours tenu une place de choix dans la vie de la chanteuse.
Grâce à Pascal Sevran, la chanteuse a fait quelques prestations télévisées dans
les années 80-90 (en play-back sur ses vieux vinyles). Décédée en 2002, elle a
laissé dans le souvenir des gens qui l’ont côtoyée l’image d’une femme pétillante, drôle et très
attachante.