dimanche 30 août 2009

Irene Dunne, grande dame du cinéma américain









Née à Louisville (Kentucky) en 1898 (et non en 1904 comme elle l'a longtemps prétendu), Irene Dunne s‘installe chez ses grands parents dans l‘Indiana après le décès de son père, un inspecteur de la brigade fluviale. Diplômée du collège musical de Chicago, le jeune femme après avoir raté son audition pour le Metropolitan opéra de New York, décide de se rabattre sur l’opérette en tentant sa chance sur les scènes de Broadway. Doublure de Peggy Wood, l’actrice est catapultée sous les feux de la rampe, quand la star du show se retrouve aphone. Remarquée par le célèbre monteur de revues Flo Ziegfeld (dans un ascenseur!), l’actrice est engagée pour la tournée du musical Show boat. Après son mariage avec un dentiste en 1928, l’actrice a l’intention de mettre un terme à sa carrière quand les studios de la RKO en quête de nouveaux visages et surtout de bonnes voix pour les premiers films parlants lui proposent un contrat. Coiffant sur le poteau 18 autres comédiennes, l’actrice remporte le rôle principal féminin du western Cimarron, et déjà une nomination à l’Oscar avant d’être cataloguée dans une série de mélo lacrymaux pour public féminin, de qualité parfois discutable. « j’ai tant pleuré dans ces films, qu’on aurait pu remplir plusieurs piscines ! »déclara plus tard Irène.
Back Street et le secret magnifique, deux mélos de meilleure facture que les précédents vont faire d’elle une des plus grandes stars des années 30. La RKO très secouée par la dépression propose à l’actrice de revoir son salaire à la baisse en échange d’un intérêt sur les profits : un marché qui va s’avérer gagnant pour l’actrice. Fortune faite, l’actrice préfère ne plus renouveler son contrat avec la firme et voguer de ses propres ailes en choisissant elle-même son matériel, sans plus jamais subir de contraintes. Un luxe inouï pour l’époque qui va lui permettre d’aligner un grand nombre de films de qualité, alors que la plupart de ses collègues, prisonnières de longs contrats, sont contraintes d’accepter ce que leur studio leur propose. Dans les premiers temps, Irène décide de renouer avec ses racines et un genre qui lui tient (et qui nous tient) à cœur : la comédie musicale. C’est vrai qu’à la RKO, on a rarement misé sur ses cordes vocales jusqu’à présent hormis dans le mélo le secret de mme blanche ou dans le piètre western musical Stingaree où elle entonne même à un extrait de Faust (de façon assez correcte). On la retrouve dans trois opérettes du fameux compositeur Jerome Kern le nostalgique et pas très convaincant Un soir en scène, dont on retiendra surtout le plaintif why was I born et Roberta dont elle partage l’affiche avec Astaire et Rogers. Le couple de fabuleux danseur est si charismatique, qu’il a tendance à éclipser notre actrice même si elle parvient à retenir l’attention en nous livrant le classique et universel « smoke gets in youri eyes » avec émotion. Elle s’y révèle égale à sa collègue Jeanette Mac Donald, c’est-à-dire que sa façon de chanter a pris un sacré coup de vieux aujourd’hui. Sans être grinçante, sa voix se traîne comme sur un vieux phonographe et se révèle peu agréable à l’écoute, enfin, ça n’engage que moi! On a gardé la meilleure opérette pour la fin: il s’agit du fameux Show boat (théâtre flottant) , dans sa meilleure version signée James Whale (plus connu pour ses films d‘horreur). Irene, qui a longtemps joué le rôle de Magnolia en tournée, n’a aucun mal à se glisser dans la peau de cette jeune actrice (alors qu’elle a déjà 38 ans!) éprise d’un joueur invétéré. Entourée d’une distribution mythique (Paul Robeson, Helen Morgan), l’actrice brille dans ce film réaliste qui mêle avec beaucoup de talent sentimentalisme, humour et drame sur des airs immortels. Loin d'être amateur de son ramage, j'avoue pourtant que j'apprécie fort sa version toute personnelle du classique "can't help lovin' that man" qu'elle chante et danse avec une bonhommie tout à fait épatante, alors que dans toutes les reprises, ce fameux air est chanté souvent superbement, de façon déchirante, comme un blues. Un film superbe, rediffusé en son temps sur ciné classic, qu’on attend toujours sur DVD.
La furie de l’or noir réalisé par Mamoulian (1938) sur un livret de Kern et d’Oscar Hammerstein ne tient pas toutes ses promesses. Prévu en technicolor, le film sera tourné en noir et blanc. En voulant conjuguer drame épique, western et opérette , le réalisateur a sans doute vu trop grand pour bien cerner son sujet, d’autant plus que les chansons ne sont guère mémorables hormis the folks who live on the hill, chanté par Dunne qui sera repris par beaucoup de chanteurs ultérieurement. Les critiques sont mitigées et d’aucun soulignent qu’Irène ne vaut pas Jeanette Mac Donald dans ce genre d’opérettes (même si elle est coiffée et vêtue dans un style très similaire) et qu’elle est trop mure pour le personnage. Peut-être un peu vexée par la comparaison, Irene ne s’aventurera plus sur le territoire de l’opérette filmée où Jeanette MacDonald va encore briller pendant quelques années.
Après cette parenthèse musicale, l’actrice va faire preuve davantage de flair en s’orientant vers les screwballs comédie (Théodora devient folle, cette sacrée vérité) où sa fantaisie, son entrain et son jeu spirituel vont enfin trouver l’écrin qui lui convient parfaitement. A l’occasion, il lui arrive aussi d’y pousser la chansonnette comme dans quelle joie de vivre (1938) un exemple(pas le plus réussi) de ce genre de film un peu foufou avec des personnages déjantés évoluant dans un doux délire. Las chansons qu’Irène y entonne, pourtant encore issues de la plume de Jerome Kern, ne sont guère mémorables. Par la suite, Irène ne va plus chanter que de façon très occasionnelle à l’écran et ses interprétations ne feront pas l’objet d’enregistrements commerciaux.
C’est notamment le cas dans Elle et lui (1939) un superbe mélodrame et probablement l’une de ses prestations les plus mémorables ou Veillées d‘amour, toujours avec Charles Boyer, dans lequel elle interprète fort plaisamment la sérénade de Schubert. Comme la plupart de ses films, celui-ci fera l’objet d’un remake très réussi dans les années 50. On peut presque le regretter car du coup les versions originales interprétées par Irène disparaîtront longtemps du circuit pour ne pas nuire aux remakes. On a déjà déploré le fait que sa version de show boat soit presque invisible, mais faut il rappeler que Roberta, racheté par la MGM, échappa de peu à la destruction!
Après quelques mélodrames sentimentaux tournés pendant la guerre, l’actrice obtient encore de jolis succès dans des films familiaux et nostalgiques comme maman (1948). Mais l’échec retentissant d’une biographie de la reine victoria (1950) et d’une comédie idiote vont brutalement mettre un terme à plus de 20 ans de succès. A ce sujet, l’actrice avouera qu’elle n’était pas forcément le meilleur juge des rôles qui lui convenaient le mieux, et qu’elle avait failli renoncer à Anna et le roi, un de ses plus grands triomphes (qui fera l’objet lui aussi d’un remake (musical). Pourtant, elle s’est rarement trompée de metteurs en scène (sur ce point, elle était intraitable) et a su fort intelligemment mener sa carrière en privilégiant toujours la qualité. Dans les années 50, cette fervente républicaine et catholique pratiquante a animé, sans grand succès quelques spectacles à la télévision avant d’être nommée déléguée aux nations Unies par le président Eisenhower.
Comme elle l’a avoué, elle manquait d’ambition et a toujours privilégié sa vie privée à sa carrière à l’écran. Après le décès de son mari en 1965, l’actrice s’est retirée de la vie sociale en accordant avec parcimonie quelques interviews , avec beaucoup d’humilité et une bonne dose d’humour.
Après avoir assisté à une projection de l’exorciste, et constaté l’agitation du jeune public , Irène Dunne se demandait quelle serait leur réaction si on leur montrait l’un de ses vieux films…
Car comme on l’a déjà précisé, pendant de longues années, ses vieux films, qui ont presque tous fait l’objet de remakes, étaient totalement invisibles pour des raisons bassement mercantiles, aussi l’actrice fut elle injustement oubliée. Nominée plusieurs fois à l’Oscar, elle n’a jamais remporté la récompense suprême pour la seule raison qu’étant une artiste en free lance, aucun studio n’avait intérêt à lui attribuer un prix d’interprétation.
Quelques hommages lui furent néanmoins rendus avant son décès en 1990 et les jeunes générations ont à présent plus de facilités d’admirer son travail et ses films les plus connus, grâce aux DVDs. Certaine compilations sur CD présentent également certains de ses anciens enregistrements sur 78 tours presque toujours signés Jerome Kern comme I told every little star ou en I grow to old to drame qui furent respectivement chantés à l’écran par Gloria Swanson et Evelyn Laye, et qu’Irene n’a livré que sur disque.

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