dimanche 15 février 2009

Alice Faye, la blonde caline






Parmi les grands noms de la comédie musicale, il convient de rendre hommage à Alice Faye (1915-1998), la blonde crooneuse de la FOX.

Née dans une famille très pauvre, dans un des quartiers les plus mal famés de New York, elle devient très tôt girl dans des revues, pour subvenir aux besoins de sa famille. En 1931, le chanteur Rudy Vallée, concurrent de Bing Crosby et grand séducteur, craque complètement pour la toute jeune femme et lui suggère de s’essayer à la chanson. Il l’impose dans son émission de radio, alors même que saisie par le trac, elle a raté la finale de la chanson qu’elle a interprétée devant les sponsors de la radio.





En 1934, la FOX propose un rôle à Rudy Vallée dans une version filmée de la revue George White Scandal. Tout naturellement, il s’arrange pour placer Alice dans le numéro d’ouverture « Nasty Man ». Son rôle doit en principe se limiter à ces 3 minutes. Mais quand la vedette du film, la star européenne Lilian Harvey décide d’abandonner le film, Alice qui récupère son rôle ! Un scénario digne de 42 ème rue et de tant d’autres films musicaux ! Mais quand on revoit plus de 70 ans après la fameuse séquence, c'est vrai que la jeune chanteuse, en justaucorps à paillettes a déjà un "je ne sais quoi" qui fait la différence.
Puis, suite au scandale provoqué par les révélations de l’épouse de Rudy Vallée qui accuse Alice d’être une voleuse de maris, la jeune vedette est reléguée dans des films de série B, où décolorée en blonde platine, elle donne l’image d’une Jean Harlow de seconde zone. Des films de cette période, les amateurs de musical retiendront surtout "George White Scandals of 1935" à cause de l'impayable "unkadola", parodie du "continental" et de la "carioca", où les danseurs finissent par envoyer leurs partenaires féminines dans les airs, puis à sauter par dessus comme si c'était des cordes (en fait, elles sont remplacées par des mannequins) ; c'est hilarant!



L’arrivée en 1936 de Darryl Zanuck aux commandes de la Fox va tout changer. Peu certain des qualités de comédienne de la chanteuse (il lui refuse plusieurs rôles dramatiques, après bouts d’essais), il lui trouve en revanche un charme certain et un réel charisme (on raconte qu’elle lui rappelait sa maman !). Exit le look Harlow. En deux films, Alice Faye se métamorphose. Son nouveau style beaucoup plus naturel met mieux en valeur sa chaleureuse présence, notamment Tcin tchin (1936) avec la petite Shirley Temple où elle est mignonne à croquer.



Elle devient rapidement une superstar (et en cette fin des années 30 la vedette féminine la plus rentable des USA) grâce à L’incendie de Chicago, où elle remplace Jean Harlow tragiquement disparue (en DVD zone 2 depuis peu) et la Folle parade, tous deux d’Henri King. L’incendie de Chicago est un film catastrophe dont les effets spéciaux paraissent encore remarquables aujourd’hui, avec une véritable tension dramatique et des acteurs fort bien dirigés (notamment Alice Brady). La folle parade, musical basé sur les airs immortels d’Irving Berlin offre à Alice une de ses meilleures compositions : de la fille vulgaire du début à la femme mure et blessée de la deuxième partie. Elle y chante le fameux « Alexander’s ragtime band », introuvable en 78 T…et pour cause : Darryl Zanuck refusait qu’Alice enregistre des disques pour que les fans retournent voir ses films plusieurs fois pour l’entendre chanter (curieuse politique !)

S’ensuivent plusieurs comédies musicales qui remporteront un succès considérable aux USA et en GB où Alice est particulièrement appréciée (Tin Pan Alley avec Betty Grable, et des comédies exotiques aussi kitsch que divertissantes destinées à distraire le public américain et à soigner les relations avec l’Amérique du Sud : Une nuit à Rio (habile comédie bien troussée), Week End à la Havane, et l’incroyable Banana Split, connu pour ses numéros musicaux baroques sortis de l’imagination délirante de Busby Berkeley).Pour ma part, j'ai un gros faible pour les révoltés du Clermont (little old New York) d'Henry King où elle est impayable en jeune aubergiste un peu sotte amoureuse de l'inventeur du bateau à vapeur. Décidemment Henry King savait parfaitement tirer partie des talents de la comédienne, hélas parfois mis en veilleuse dans des comédies un peu trop conventionnelles où sa chaleur humaine suffit néanmoins à faire la différence.



Le charme d’Alice repose sur sa voix chantée (une voix de crooneuse, veloutée, rauque et tendre, qui susurre, l’air enamouré, des ballades romantiques), sa voix parlée, un don certain pour la fantaisie, et un tempérament paisible (certains diront bovin) : c’est la jeune fille idéale, l’adorable voisine attachante que chacun rêve de rencontrer. Pour reprendre les mots d’un critique, elle possède également une sorte de « vulnérabilité caressante » qui annonce Marilyn Monroe.

En 1943, Hello Frisco Hello, opérette en costumes en technicolor flamboyant sera un triomphe. Elle y chante You’ll never know, un air sentimental destiné aux épouses esseulées dont le mari est parti à la guerre, qui résonnera dans le cœur de nombreux américains et restera longtemps lié au nom d’Alice (Comme Zanuck refuse qu’elle l’enregistre, ce sera le crooner Dick Haymes qui récoltera les marrons du feu en en vendant un million d’exemplaires). Elle abandonne le cinéma après Crime Passionnel (1945) (où elle est excellente), estimant que le studio a coupé ses meilleures scènes pour privilégier Linda Darnell. Elle ne tient plus à persévérer dans le genre musical et préfère laisser ses rôles à Betty Grable ou June Haver. Soucieuse de réussir sa vie privée (après l’échec de son mariage avec Tony Martin), elle se consacre à sa famille, ses deux filles, et à la radio aux cotés de son mari le comique Phil Harris, très en vogue dans les années 50.

Toujours dans l’ombre de son mari (connu pour de mémorables doublages dans des films de Disney, ou des sketches très aimés aux USA), Alice ne renoue qu’occasionnellement avec son public (State Fair en 1962, un remake plutôt décevant de la foire aux illusions et des apparitions TV où elle s’en tire souvent très avantageusement).
Elle garde aux USA et en GB beaucoup de fans, en dépit de son inactivité : les magazines spécialisés dans le cinéma ancien lui consacrent souvent leur une. La télévision américaine rediffuse ses films à la demande des téléspectateurs.
A la fin de sa vie, Alice Faye s’est beaucoup consacrée à la santé des personnes du troisième âge pour lesquels elle a animé moult conférences.
Un site américain, fondé par des fans dévoués, lui est consacré : alicefaye.com


Alice Faye chante a journey to a star dans Banana split (1943) :








2 commentaires:

  1. Je viens de voir/écouter quelques extraits vidéos de Mlle Faye sur YouTube. J'aime bien sa pose imperturbable - un sommet du kitsch TV ? - dans Blue Lovebird

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  2. Je ne vais pas te dire le contraire René Claude, j'adore Alice faye. Blue lovebird est un extrait du film le roman de Lilian Russell, et est tout à fait symptomatique du style Faye : immobile,le plus souvent adossée contre un mur ou une colonne, avec un gros plan final.
    Le succès remporté par ses films en DVD (déjà deux coffrets consacrés à cette artiste, alors que beaucoup d'actrices de la même époque comme Loretta Young n'ont pas eu cet honneur) prouve qu'elle intéresse toujours les cinéphiles.

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