lundi 3 octobre 2011

Vera Lynn, la mascotte du régiment














Pour soutenir le moral des soldats anglais pendant la seconde guerre mondiale, la chanteuse Vera Lynn n’a pas ménagé ses efforts, en animant des émissions de radio pour les épouses des prisonniers, en chantant dans la jungle birmane ou dans des hôpitaux de fortune, sous les bombardements. Une générosité et une sincérité que le public anglais n’a jamais oublié, comme en témoigne le surprenant succès d’une des ses dernières compils, qui a surclassé David Guetta et Eminem au top anglais.
Une ressortie en DVD de ses films tournés pendant la guerre nous permettent de redécouvrir cette icône de la seconde guerre mondiale.



Née en 1917 à Londres, la petite Vera a connu la misère de la grande dépression qui a suivi le crash de 1929. Son père et son oncle, licenciés, ont l’idée d’animer des spectacles pour entretenir le moral des ouvriers : la gamine timide, trop grande pour son âge, monte sur scène, pour égrainer quelques refrains. Gauche et peu confiante, elle recueille pourtant beaucoup d’applaudissements. Embauchée pour quelques galas, l’adolescente intéresse certains orchestres de la variété qui lui confient quelques refrains chantés. Elle enregistre notamment avec la formation d’Ambrose, la plus populaire du moment et chante lors d’une des toutes premières retransmissions télévisées (alors au stade expérimental) d’un spectacle de variété en Angleterre (en 1938)
Après le déclenchement de la seconde guerre mondiale, la Grande Bretagne subit une série de bombardements meurtriers par l’aviation allemande. Dans ce climat de terreur et de désarroi (on compta près de 15 000 morts), les anglais avaient plus que jamais besoin de divertissement, d’espoir et d’évasion. La toute jeune chanteuse anime alors une émission de radio destinée aux soldats, où sont lus et transmis des messages des familles. Il va sans dire que le programme, très émouvant, recueille toute l’attention des britanniques. Vera y chante des refrains teintés d’espoir sur le retour au foyer, la liberté retrouvée. « Il y aura à nouveau des oiseaux bleus sur les blanches falaises de Douvres », « souhaite moi bonne chance quand tu me dis au revoir » et surtout « we’ll meet again » (nous nous reverrons) que la voix plaintive et haut perchée de la vedette rend particulièrement touchante. La chanson, si évocatrice, devient un succès sensationnel qui peut être comparé chez nous au j’attendrai de Rina Ketty. Un refrain d’espoir dont le succès ne s’est jamais démenti au Royaume uni et qui sera repris par bien des crooners. (Elle est même utilisée, dans sa version originale, dans le parc Disneyland pour illustrer une attraction !)
Vera Lynn devient alors la fiancée des soldats : ce n’est plus une chanteuse mais une institution. Elle obtient un succès considérable en interprétant Yours, la version anglaise d’une mélodie sud-américaine cuando vuelva a tu lado, dont elle va faire un tube international (repris dans les 70’ par Julio Iglesias « où est passée ma bohème »).
Le cinéma va s’intéresser au phénomène. D’abord, un film dénommé We’ll meet again comme son célèbre tube qui se base partiellement sur sa propre histoire. Amoureuse d’un soldat écossais qui lui préfère sa meilleure amie (la ravissante Patricia Roc), elle préfère se consacrer à entretenir le moral des troupes… S’il ne fallait garder qu’une image de ce film, ce serait évidemment sa finale, où l’on retrouve la chanson juchée sur une estrade en train de chanter pour une nuée de soldats qui l’écoutent religieusement avant de reprendre avec elle le fameux refrain.
Pour le reste, il faut avouer que l’artiste est timide, gauche, guindée et franchement pas à l’aise. Mais bon, pour ces petits films de propagande, on ne lui saurait lui en vouloir.
Le second « rythmn serenade » n’est guère meilleur, et on en retiendra surtout sa version de « qu’est-ce qu’on attend pour être heureux » de Ray Ventura, enfin un air pimpant à l’enthousiasme communicatif qui tranche avec les balades tristounes et sirupeuses (mais o combien appréciées à l’époque !) et les adieux sur les quais de gare de ce mélo musical.
Le dernier du lot « One exciting night » est un peu plus amusant. On signalera au passage que les 3 films ont été réédités en DVD dans un coffret avec sous-titres anglais.
Toujours très impliquée dans le sort des soldats, la star n’hésite pas à se rendre en extrême orient pour donner un peu de baume au cœur aux militaires, en chantant dans les hôpitaux ou les casernes les plus esseulées.
La chanteuse rentrera très éprouvée moralement de ce périple, en décidant d’abandonner sa carrière juste à la fin de la guerre pour se consacrer à son mari (un musicien servant dans la RAF) et à sa fille née en 1946.
Pourtant, le feu sacré continue de bruler dans ses veines et l’artiste recommence les tournées à la fin des années 40, en reprenant en anglais pas mal de titres de Piaf comme si tu partais, l’hymne à l’amour ou Padam padam. Elle fait un tabac en chantant en duo avec Bing Crosby à la télé américaine et classe 2 titres dans les charts américains dont « auf wiedersehen » qui connaitra le même succès en Allemagne. La star qui a tant soutenu les alliés deviendra une grosse vendeuse de disques en Allemagne en reprenant notamment la ballade irlandaise de Bourvil dans la langue de Goethe. Malgré les changements importants dans le monde de la variété, Vera Lynn va enregistrer avec beaucoup de régularité jusque dans les années 80.
A son répertoire on trouve aussi bien une superbe version de Tonight de West Side Story que les derniers tubes à la mode du groupe Abba ou de Barry Manilow, ou encore quand on a que l’amour de Brel servis par sa superbe voix ample et puissante
On retiendra aussi le fameux « it hurts to say goodbye » que Gainsbourg traduira pour Françoise Hardy en « Comment te dire adieu », que je vous recommande fortement d’écouter tant la voix et la personnalité des deux chanteuses est différente !
Anoblie par la reine d’Angleterre (elle était très amie avec la Queen mum) Vera Lynn est devenue une légende vivante du show business, connue autant pour son talent que sa générosité et sa participation à des galas de charité. En 1980, les Pink Floyd lui rendent hommage dans leur album the wall en lui consacrant une chanson.
Souffrant d’emphysème, la chanteuse a fortement réduit ses apparitions publiques avant de faire ses adieux en 1998 lors d’un concert au palais de Buckingham, après le décés de son mari (après 57 ans de mariage). Elle témoigne encore dans les écoles primaires du blitz et de la seconde guerre mondiale, en se dévouant avec toujours autant d’intérêt aux démunis et aux soldats.
En 2009, la chanteuse a surpris le monde entier en classant une compilation N°1 au top anglais, évènement incroyable, qui fait d’elle l’artiste la plus âgée jamais classée dans un hit parade ! Une longévité exceptionnelle qui traduit toute l’affection et l’admiration que lui portent encore les britanniques pour lesquels elle a toujours été bien plus qu’une excellente chanteuse. Vera Lynn qui passe souvent ses vacances en France, au cap d’Antibes, a pris la nouvelle avec beaucoup de modestie et de bonheur. Un toast pour Dame Vera !!

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