samedi 7 mars 2009

Germaine Damar, la fierté du Luxembourg






Connaissez-vous des acteurs luxembourgeois ?
Je ne pense pas qu’il y en ait beaucoup : René Deltgen, Juliette Faber, et pour la comédie musicale, la délicieuse danseuse Germaine Damar qui fut la vedette de nombreux films musicaux européens des années 50 : des spectacles chantés et dansés sans prétention, avec un coté complètement factice qui évoque furieusement les publicités Jean Mineur de la même époque.

Née en 1929 , Germaine se découvre très jeune un talent pour la danse acrobatique. Après avoir remporté plusieurs concours de danse, elle monte avec sa sœur un numéro de cabaret les Sœurs Vialine et se produit dans plusieurs salles de cinéma et music halls : notamment à l’ABC en 1941, en première partie d’Edith Piaf. Après la guerre, elle continue sa carrière en solo dans différents cabarets de France, Espagne, Maroc et même d’Egypte (elle aura notamment le privilège de danser pour le roi Farouk°). Au début des années 50, elle retrouve à nouveau sa sœur et le compagnon de celle-ci pour une série de spectacles en Europe.


Lors d’une tournée en Grèce, elle sympathise avec Zarah Leander. La célèbre chanteuse suédoise contacte alors un producteur allemand pour lui proposer de tester la jeune danseuse : Geza Von Cziffra le grand spécialiste du film-revue germanique (Rêve blanc, un numéro du tonnerre…) cherche justement une jeune ballerine pour remplacer Maria Litto sur le tournage de « Tanzende Sterne »1952 : Germaine est engagée sur le champ et devient célèbre immédiatement. Le film n’a rien de mémorable : une petite comédie sans prétention, avec des numéros de cabaret, devant des décors en carton pâte, sur des airs de boléro ou fox trot chantés par Gerhard Wendlandt, sorte de réplique allemande d’André Claveau.
Il est étonnant de constater à quels points les allemands étaient friands de comédies musicales dans les années 50. L’optimisme qui se dégageait de ces productions simplettes allait de pair avec le miracle économique que connaissait le pays. Alors, l’intrigue comptait peu : on allait surtout au cinéma pour entendre les dernières chansons à la mode : plusieurs sous-genres se dégagent parmi ces productions musicales, et Germaine Damar s’est prêtée aux différents styles avec aisance :
- le heimatfilm, film « du terroir », avec danses folkloriques comme Rendez vous à Konigsee (1957, qui empruntait son titre original à un tube de Gitta Lind), le film opérette (adaptation de grands classiques de Lehar ou Kalmann, souvent remis au goût du jour, avec des gags misant sur les anachronismes comme le Comte du Luxembourg (1957)), le film sur glace (dont les numéros sont souvent très réussis comme Symphonie en or (1955)) et bien évidemment, le schlagerfilm, sorte de hit parade filmé avec tous les succès du jour : un maximum de chansons souvent platement filmées. Germaine Damar eut l’honneur de jouer dans le film qui lança la vogue ce genre très particulier Schlagerparade (1953) qui réunissait une distribution prestigieuse et internationale (Maurice Chevalier, Johannes Heesters) En 1955, elle tient la vedette de Musique pour vous , hommage à une émission de radio diffusant des disques à la demande (avec entre autres Joséphine Baker au programme).

Dans ces différents films, Germaine est radieuse et charmante : une délicieuse ingénue.. Ce n’est sans doute pas une grande comédienne (de toute façon, les rôles qui lui sont proposés ne lui laissent guère la possibilité de le démontrer) mais elle joue avec beaucoup de fraîcheur et de naturel. Pour la danse, on peut vraiment regretter le manque d’imagination des chorégraphes, si encore il y en a un sur le plateau : l’artiste semble souvent improviser.
Parmi ses meilleures séquences, le passage onirique de An jener finger zehn (son meilleur numéro probablement) d’Erik Ode, un réalisateur assez doué pour les films musicaux plus connu en Allemagne pour son rôle dans une série policière, les sympathiques scènes de danse d’Otto le joli cœur (1955) et le ballet du film Révolte au Music hall (1958). En revanche, les scènes de danse (si on veut appeler cela comme ça) de Mille étoiles brillent pour Patricia (1958, schlagerfilm bâti sur la célèbre chanson de Perez Prado) ou de Sérénade au Texas (1959 avec Luis Mariano) sont bien piteuses.

Bien évidemment, les cahiers du cinéma et autres critiques de cinéma ne sont pas tendres avec les films musicaux germaniques qui franchissent la frontière. Le magazine belge « Ciné Revue » est moins coriace à leur égard ; S ‘agissant du comte de Luxembourg, il évoque un spectacle agréable où Germaine Damar est bien jolie!
Germaine a plusieurs fois donné la réplique au facétieux chanteur Peter Alexander et au ténor suisse Vico Toriani : dans les deux cas, elle sert uniquement de faire valoir au chanteur vedette et ne danse quasiment pas. Que dire de Tabarin (1958) un de ses rares films français avec Michel Piccoli et Annie Cordy : je ne me souviens même pas de sa présence !
Elle est bien mieux mise en valeur dans le Charme de Dolores (1957) de Geza Von Cziffra dont le talent pour le film musical est 100 fois supérieur aux tacherons filmant à la va-vite les schlagerfilms. Le film remportera d’ailleurs un succès très important à l’exportation. Notons au passage que dans sa fort peu délicate autobiographie, Geza Von Cziffra évoque brièvement Germaine Damar et la vie sentimentale de celle-ci, avec aussi peu de tact que que les autres nombreuses comédiennes qu’il épingle dans son livre (Garbo, Zarah Leander, entre autres).

Après une discrète romance avec le comédien Georg Thomalla (le partenaire de son premier film), Germaine va partager quelques années la vie d’un riche industriel, spécialisé dans l’import export de machines à coudre. Ce dernier, complètement étranger au monde du cinéma entreprendra pourtant le tournage d’ un reportage sur la famille princière de Monaco, après avoir obtenu l’accord de Grace Kelly (qui rêvait sans doute d’un come-back à l’écran). Afin de renforcer les chances de succès du film, il décide finalement d’intégrer les parties filmées au palais monégasque à une intrigue gentiment romanesque dont Germaine est la vedette, et d’engager Frank Sinatra en guest star : un résultat complètement hybride et un vrai ratage.


Au début des années 60, la carrière de Germaine est sur le déclin : dans le sirupeux film espagnol Sissi 63, elle ne tient qu’un petit rôle. Lors d’un voyage en Argentine, à l’occasion d’un festival cinématographique, Germaine a la surprise d’être reçue comme une reine par le public argentin qui l’a adoré dans le charme de Dolores. Lors d’une réception, elle rencontre un millionnaire américain dont elle tombe amoureuse. Elle tourne un dernier film en Espagne (Escale en hifi 1964), et abandonne l’écran pour se marier et s’installer en Floride.

Depuis le décès de son mari, elle a fait une petite apparition dans Cannabis aux cotés de Christophe Lambert.
Sur la ZDF et les nombreuses chaînes germaniques, on rediffuse occasionnellement ses films (surtout « Soucis de millionnaire » 1957, qui bénéficie de la présence du comique Heinz Erhardt, très populaire outre Rhin.).
Le reflet charmant d’une époque insouciante.

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