lundi 23 mars 2009

Eleanor Powell, la reine des claquettes




Il est temps de rendre hommage à Eleanor Powell, la plus grande danseuse à claquettes d’Hollywood et les aficionados du musical hollywoodien ne me contrediront pas ! Même si elle n’avait pas la personnalité juvénile et attachante de Ruby Keeler, ni la féminité d’Ann Miller, sur un plan purement technique, Eleanor Powell était certainement la plus douée. Certes, ses talents se limitaient aux numéros dansés (elle était souvent doublée pour le chant, et assez insipide dans les scènes de comédie), mais sa vivacité, sa précision et son énergie ont beaucoup apporté au tap-dancing.

Née en 1912, Eleanor Powell a débuté enfant en dansant dans de nombreux spectacles. Même si ces goûts la portent plutôt vers le ballet classique et la danse de salon, elle se met aux claquettes, pour pouvoir trouver plus facilement du travail (à la fin des années20, les producteurs recherchaient en priorité des tap dancers). On raconte que ses professeurs lui attachaient des sacs de sable aux pieds pour éviter des mouvements trop larges.
Vedette de plusieurs revues, Eleanor Powell triomphe notamment dans les « George White scandals » en 1934. Aussi, lors de l’adaptation à l’écran de cette revue par la Fox en 1935, un numéro de claquettes lui est confié (hélas, elle ne participe pas au meilleur moment du film, une parodie du continental de la Joyeuse divorcée, où les danseurs balancent en l’air leurs partenaires comme des poupées de chiffon) . La première apparition de la jeune femme à l’écran (en pantalon, pour éviter des mouvements acrobatiques disgracieux) passe pourtant inaperçue.

Louis B Mayer, le patron de la MGM, bien décidé à miser de nouveau sur le genre musical qui avait connu une désaffection du public au début des années 30, propose à la jeune artiste d’être la vedette d’un film baptisé Broadway Melody of 36, en hommage au premier succès musical du studio. Après avoir subi des soins intensifs en instituts de beauté (toutes les bios semblent indiquer qu’à l’origine, c’était un vilain petit canard. Pourtant, elle m’a paru très mignonne dans George White Scandals of 35), la jeune femme entame le tournage. Bien secondée par divers artistes de talent, Eleanor devient une vedette de l’écran du jour au lendemain. Chacun se souvient de la finale, avec Eleanor descendant à grandes enjambées un escalier en colimaçon, dans un décor de navire avec des canons en carton pâte. Pourtant, je préfère le charment numéro, bien moins tape à l’œil qu’elle danse sur le toit d’un immeuble (sing before breakfast). Le triomphe du film vaudra à Eleanor un contrat de 7 ans avec la firme du lion.

L’amiral mène la danse (1936) vaut surtout pour les magnifiques chansons de Cole Porter et tant pis si l’intrigue ne tient pas debout. (Eleanor incarne une danseuse qui remplace au pied levé la capricieuse chanteuse Virginia Bruce dans un show).
Le règne de la joie(1937) figure à mon avis parmi les sommets artistiques d’Eleanor. Le numéro final est particulièrement éblouissant : quelle énergie et quelle précision dans le geste ! Contrairement à certaines de ses collègues qui dansent les claquettes en faisant de nombreux tours sur elles-mêmes, Eleanor nous propose une chorégraphie beaucoup plus inventive et élaborée, acrobatique tout en restant infiniment classe, et toujours avec un glorieux sourire. En outre, elle se charge toute seule de la chorégraphie, veillant sur l’emplacement des caméras, et le montage des séquences : fait rare à Hollywood ! Je n’ai pas vu Rosalie (1937) avec Nelson Eddy mais le film est surtout connu pour l’extravagance du numéro final avec 2000 figurants et 27 caméras pour filmer Eleanor.

En 1940, c’est la rencontre au sommet : Fred Astaire le plus grand danseur du monde partage avec Eleanor l’affiche de Broadway qui danse. Certains critiques seront déçus par le manque d’alchimie entre les 2 danseurs, chacun se concentrant sur ses propres pas, sans qu’il y ait de réelle symbiose comme entre Fred et Ginger ou Rita. Pourtant, certains numéros sont admirables, notamment celui de « begin the beguine », d’abord en rumba puis en swing, une véritable leçon d’élégance et d’efficacité : un des must de l’histoire du film musical.
De divorce en musique (1941) on retiendra surtout la grandiose finale élaborée par le génial Busby Berkeley et un charmant numéro au cours duquel Eleanor danse avec un fox-terrier : craquant.

Depuis le début de sa carrière à la MGM, il semble que ses patrons n’aient jamais fait totalement confiance à Eleanor pour mener à bien un film (compte tenu de ses talents de comédienne plutôt limités), en l’encadrant de nombreux chanteurs (Frances Langford, Judy Garland, etc..) et comiques. A partir de 1942, il semble qu’ils misent bien davantage sur le comique Red Skelton, qui a plus de scènes que la danseuse dans Croisière mouvementée (1942). Pourtant le numéro dansé de « toréador » d’Eleanor vaut 100 fois les pitreries stupides du clown Skelton. Il semble que le torchon brûle ensuite entre Eleanor et sa hiérarchie. Prévu d’abord en couleurs (il n’en subsiste qu’une scène qui sera intégrée dans la Parade aux étoiles), Mlle ma femme (1943) atteindra finalement les écrans en noir et blanc avec beaucoup de passages copiés-collés pompés dans d’anciens films d’Eleanor !(on retiendra pourtant le seul numéro original du film, où la danseuse manie le lasso tout en dansant avec une dextérité qui laisse pantois. Chapeau !).

Le contrat de 7 ans avec la MGM vient alors à expiration, sans être renouvelé. C’est la vivace Ann Miller, maîtresse de Louis B Mayer, qui prendra le relais, mais sans jamais tenir la tête d’affiche.
Swing circus (1945) tourné pour l’United Artist n’a pas le prestige ni le budget des films de la MGM, mais n’est pas dépourvu d’intérêt sur un plan musical. Ici, c’est avec un cheval au trot et dans un flipper géant que danse Eleanor, et là aussi, c’est impeccable.

Mariée avec le jeune acteur Glenn Ford, Eleanor Powell délaisse alors sa carrière pour se consacrer à son mari (hormis une courte et bien décevante apparition en 1950 dans jamais deux sans toi), son petit garçon et ses activités religieuses qui vont beaucoup l’accaparer. Fervente catholique, l’actrice va même écrire des scripts pour des émissions religieuses à la télé. Divorcée de Glenn Ford (un coureur de jupons impénitent qui ne savait pas résister au charme des ses partenaires à l’écran), Eleanor décide de faire un come-back sur scène dans les années 60 pour épater son fils. Après un régime draconien (elle avait en effet pris beaucoup de poids), Eleanor, plus belle que jamais, triomphe pendant quelques mois dans les cabarets de Las Vegas, avant d’abandonner définitivement le monde du spectacle. La reine des claquettes décèdera d’un cancer en 1982.

Si pour le moment seul Broadway qui danse est disponible en DVD, il semble qu’un DVD-box dédié à Eleanor soit en cours de confection. On pourra trouver sans doute beaucoup à redire sur la qualité intrinsèque des comédies musicales qui ont fait sa gloire, mais ses talents de danseuse et de chorégraphe sont tout simplement sensationnels.

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