samedi 4 avril 2009

Rekha, mystérieuse diva de Bollywood





De temps en temps, c’est avec plaisir que l’on se plonge dans l’univers doré des mille et une nuit de Bollywood, où la comédie musicale et les films chantés se conjuguent encore au présent. Et justement, pour rêver un peu, si l’on évoquait maintenant la divine et troublante Rekha, grande star des années 70 et 80 qui poursuit toujours sa carrière, et n’a rien perdu de son charme ensorcelant ?
L’histoire de Rekha, c’est d’abord un comte de fée, l’histoire d’une miséreuse devenue princesse, d’une grenouille transformée en papillon.

Née en 1954, Rekha est la fille illégitime d’un célèbre acteur tamoul. (Gemini Ganesan) et d’une actrice telugu. A l’âge de 10 ans, elle apparaît dans un film telugu avec une de ses tantes. Sans le sou, la jeune adolescente est contrainte de démarcher les studios de cinéma pour trouver un emploi et subvenir aux besoins de sa famille. Dès l’âge de 15 ans, malgré son embonpoint et sa timidité, l’actrice parvient à décrocher des rôles importants dans des films telugu et surtout dans une comédie en hindi, Sawan Bhadon (pour lequel elle sera finalement doublée pour les dialogues). On raconte que le réalisateur de ce dernier, qui cherchait de toutes jeunes comédiennes pour les rôles principaux a été tellement enthousiasmé par la débutante qu’il n’a même pas essayé de lui faire faire un bout d’essai avant de lui signer un contrat. A-t’il eu tort ? Lors de la première du film, le monde du cinéma ne semble pas partager le même enthousiasme pour l’adolescente. Grassouillette (85 cm de tour de taille ), engoncée dans un grotesque costume, la toute jeune femme se fait houspiller. Le grand acteur Shashi Kapoor se demande même .comment une actrice aussi grosse et gauche pourra faire carrière !. En tous les cas, dans le genre kitschouille, perruques et fausse moustache, le film semble valoir son pesant de goulab jamouns (à réserver aux amateurs d’humour au troisième degré, néanmoins).

Le succès du film vaut à la jeune Rekha de nombreux engagements, et pourtant les critiques pleuvent : on la trouve moche, trop grosse, insipide : ce n’est qu’à partir de Ghar (1978)avec Vinod Mehra (qui sera son compagnon, voire son mari selon des sources qu’elle a démenties récemment) dans lequel elle incarne la victime d’un viol, que Rekha attire l’attention des critiques (et récolte un prix d’interprétation) qui remarquent une constante amélioration de ses qualités d’actrice et de sa diction, de même qu’une étonnante transformation physique, qui résulterait de séances intensives de yoga, de cours de maquillage pris en Angleterre et d’un régime draconien (on peut néanmoins se demander si celle qu’on surnommait le vilain petit canard n’a pas fait un peu de chirurgie esthétique).

Dans Muqaddar ka Sikandar (1978), elle tient le rôle tragique d’une courtisane désespéramment amoureuse d’un homme rongé par la vengeance (incarné par Amitabh Bachchan, le plus célèbre artiste de l’époque). C’est un film ultra violent, qui mélange dans un fourre-tout plutôt indigeste les grandes émotions, sentimentalisme et bagarres. Tous les ingrédients d’un gros succès commercial(l’un des plus gros de la décennie), si l’on rajoute à cela les rumeurs d’une liaison hors caméra entre Rekha et Amitabh (pourtant marié).

Une affiche égyptienne qui rappelle au passage à quel point les films indiens sont populaires dans les pays arabes

En 1981, Rekha trouve le rôle de sa vie : encore celui d’une courtisane Umrao Jaan (les grandes divas et séductrices de l’écran comme Garbo et Dietrich sont souvent abonnées à ce genre de rôles), mais dans une production moins racoleuse et bien plus intéressante sur un strict plan artistique que les films précédant de Rekha. Dans cette adaptation d’un roman de 19 ème siècle, la belle actrice tient le rôle d’une très belle femme, kidnappée enfant par un ennemi de son père, pour être vendue dans un bordel. Elle y apprend la musique, la danse et l’art de la séduction. Après moult péripéties et plusieurs drames, la jeune femme parvient à s’échapper de la maison close mais est reniée par sa famille. Loin du tape à l’œil et du kitsch si souvent décrié dans les productions made in Bollywood, le film est tout en délicatesse et en demi- teinte, un peu glacé peut être, comme l’interprétation de Rekha.

Néanmoins, le jeu intériorisé de la comédienne lui permet de réaliser quelques coups d’éclat remarquables, quand elle sort soudain de sa réserve pour des scènes dramatiques (comme celle où elle découvre que l’homme qu’elle aimait va se marier avec une autre). Elle est alors extraordinaire. Sans égaler bien sûr de grandes pros de la danse indienne, elle est très douée et apporte aussi beaucoup de grâce à ses quelques numéros dansés,. (le film fera l’objet d’un remake en 2006 très mal accueilli par la critique : la prestation d’Aishwaria Rai sera jugée très inférieure à celle de Rekha).

En 1981, le film Silsila (1981) fait scandale. Alors que la liaison entre l’actrice et Amitabh Bachchan fait encore les gros titres, un producteur a la curieuse de réaliser un film sur l’adultère avec les deux acteurs et l’épouse d’Amitabh, Jaya Badhuri ! Le scénario, finalement très moralisateur raconte les déboires d’un homme contraint d’épouser, afin de lui éviter le déshonneur, la fiancée de son frère, qui vient de périr dans un accident après l’avoir mise enceinte. Très vite, il va la tromper avec la femme qu’il aime réellement. A la fin du film, comme par miracle, tout s’arrange et les couples légaux se reforment…La morale est sauve. Outre de superbes chansons, le film est fort bien interprété, même si le jeu tout en retrait de Rekha (dans le rôle de la maîtresse bien évidemment) a moins de poids que celui de Jaya Badhuri, excellente en épouse délaissée(et pour cause !). Cependant, est-il judicieux de juger Rekha pour ses qualités de comédienne ? C’est avant tout une fascinante présence, un charme indéfinissable et impalpable, avec un regard irresistible. Sans avoir à mon avis un charisme aussi puissant que Garbo, la star d’Hollywood qui lui ressemble le plus, elle possède incontestablement une aura et une place à part à Bollywood.

Forte du succès d’Umrao Jaan, l’actrice aura l’intelligence d’accepter de jouer dans de nombreuses productions indépendantes, plus ambitieuses et moins commerciales (Utsav en 1984) même si le succès ne sera pas toujours au rendez-vous. De même, elle a toujours refusé les nombreuses propositions pour faire de la publicité (comme Garbo). Ces exigences artistiques et son refus de se cantonner au même personnage cinématographique ont certainement fini par altérer sa popularité. Néanmoins, contrairement à ses collègues des seventies reléguées désormais à des petits rôles de mamie aux cheveux blancs, Rehka, toujours plus belle, put continuer à jouer les reines de beauté dans les années 90 avec les nouvelles idoles du public comme le playboy Akshay Kumar (avec lequel elle aura une liaison).

On se souvient surtout de sa prestation dans le film anglais Kama Sutra de Mira Nair : le film fit un tel scandale en Inde qu’on pensait que l’actrice ne remonterait pas à la surface ! C’était mal la connaître. Elle trouve son meilleur rôle dans Khoon Bhari Mang(1988), le délectable remake du téléfilm australien : "la vengeance aux deux visages", un mélo bourré de suspense et de rebondissements, dont le succès repose grandement sur son étonnate perforamnce (qui lui vaudra un prix d'interprétation fort mérité).
En 1990, Rekha, que les journaux ont jusqu’alors dépeint comme une vénéneuse croqueuse d’hommes (parmi ses conquêtes figurent aussi Jeetendra, Kiran Kumar )
, épouse l’industriel Mukesh Aggarwal : l’année suivante, il est retrouvé pendu avec le foulard de son épouse : la malédiction des femmes fatales ?

Depuis le début du siècle, Rekha paraît moins fréquemment à l’écran (elle joue la maman de Hrithik Roshan dans le très familial Jadou l’extraterrestre (sorte de remake d’ET, plus gros succès indien en 2003) et sa suite Krrish, très inégale (un autre très gros succès commercial). On se souvient aussi de son numéro musical jazzy, délicieusement kitsch dans le beau mélo Parineeta(2005) , où elle a des allures de dalida en fin de carrière. Après le flop de Yatra (2007), où elle reprend son rôle fétiche de courtisane, on l’a aperçue en guest dans le blockbuster Om Shanti Om où sa longue chevelure brune, et son regard toujours aussi envoûtant lui donnent des airs de sorcière . La grande star des années 70, reçue toujours avec faste lors des grandes remises de prix est à présent considérée comme une légende vivante, ce qui la fait beaucoup rire : « je ne suis pas encore si vieille ! »

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