mercredi 25 février 2009

Line Renaud, mademoiselle from Armentières




Archétype même de la jolie petite française pétillante et sexy, la chanteuse des années 50 Line Renaud a réussi à la force du poignet à bâtir une des carrières les plus enviables et les plus longues du show business français : si on peut remettre en doute ses talents de chanteuse et la qualité de son répertoire, trouver parfois son jeu de comédienne dans des séries télé formatées pour l’audimat vraiment trop forcé, on est obligé de reconnaître que cette femme de tête et de cœur a su aborder tous les virages avec beaucoup de clairvoyance et une infinie réussite. Revisitons le parcours de Mlle Renaud from Armentières to Las Vegas.
Née en 1928 dans le Nord, la jeune Jacqueline pousse la chansonnette dans l’estaminet que tient sa grand-mère. Pendant la guerre, grâce à un concours de chant, elle devient chanteuse à la radio. Fan de Loulou Gasté, ex collégien de l’orchestre de Ray Ventura, et auteur des derniers tubes de Léo Marjane, elle parvient à rencontrer son idole et devient rapidement sa compagne puis son épouse. Plutôt que les chansons bluesy de Marjane, Loulou lui concocte un répertoire sentimental et bon enfant. Elle n’a pas une voix extraordinaire et parait bien fade par rapport aux grandes dames de la chanson française de l’époque (Piaf, Lucienne Delyle, Jacqueline François, Yvette Giraud…), mais justement comme elle chante comme tout le monde, elle est très facilement adoptée dans les foyers où l’on reprend ses refrains (ma cabane au canada, son premier tube, étoile des neiges, où vas-tu Basile) sans difficulté. Dès 1946, elle est engagée au cinéma, pour de petits rôles chantés. Elle vient promouvoir ses derniers succès dans des films à chansons comme Paris chante toujours (1950) ou la route du bonheur (1952) dans lesquels paraissent toutes les vedettes de la chanson française de Luis Mariano à Yves Montand. On le voit aussi dans Quitte ou double, avec le célèbre homme de radio Zappy Max. Ce sont de petits films sympathiques à réserver aux amateurs de variétés de jadis.

Occasionnellement, Line tient également la vedette de comédies plus ou moins musicales, destinées à un public populaire pour ne pas dire « campagnard » notamment « ils sont dans les vignes » (dans lequel elle chante le jupon de Lison) ou l’affligeante « Madelon »1955. Ce film de Jean Boyer, basé sur la fameuse chanson, remportera d’ailleurs un gros succès tout à fait immérité. Mis à part une reprise assez réussie de la fameuse chanson, tout y est médiocre et plan-plan, même les l’interprétation de comptines d’autrefois par Line. Très bien managée par l’infatigable Loulou, Line participe à des shows à la radio anglaise puis tente sa chance aux USA. La jolie petite française (elle force beaucoup sur son accent dans ses enregistrements anglais) renvoie aux américains l’image de la française telle qu’ils l’imaginent : sexy, pas forcément intelligente. Elle chante en duo avec Dean Martin « relaxez vous »

.La Warner Bros lui propose alors un contrat de 7 ans pour jouer dans des comédies musicales…et elle le refuse. A posteriori, Line déclare que si elle avait accepté elle serait devenue à présent une vieille star, certes fortunée mais has been et finissant sa vie toute seule dans une luxueuse villa.
De retour en France, Line continue d’aligner les succès discographiques (le plus souvent des adaptations de tubes américains de Patti Page) et tourne dans une comédie policière, avec chansons, plutôt médiocre « mlle et son gang »1957, aux dialogues 100% en argot ! Cela dit, elle ne s’en sort pas mal.

En 1959, on la retrouve dans un musical allemand dont la vedette est Germaine Damar : « sur la piste de rock n roll » : Moulée dans une robe rouge, elle multiplie les « oh la la », « c’est la vie » et « chéri » dans son rôle de française allumeuse complètement stéréotypé.
Au début des années 60, la nouvelle vague de chanteurs yéyé va complètement (et injustement) balayer les chanteurs de la génération précédente. Consciente de la nécessité de changer de cap, Line se tourne vers la revue et triomphe pendant toutes les années 60 et 70 à Paris et Las Vegas. Brocardée par Thierry Le Luron qui renvoie d’elle l’image d’une centenaire titubante, à la voix chevrotante, descendant le grand escalier du Casino de Paris, Line se rend compte qu’il est temps pour elle d’évoluer et de revenir à la comédie, d’abord sur les planches (notamment dans pleins feux, inspiré d’All about Eve, où elle joue avec aplomb le personnage de monstre sacré qu’a immortalisé Bette Davis), puis dans de nombreux films et téléfilms.
Je suis un peu étonné par l’enthousiasme des critiques et des interviewers qui louent ses interprétations. En fait, Line est très inégale : parfois, elle parvient à éclipser une distribution prestigieuse, et peut également être particulièrement exécrable quand elle est mal dirigée. Les téléfilms à grand public qu’elle aligne depuis 20 ans à la télé sont de qualité parfois douteuse, et j’avoue que j’ai tendance à zapper quand je la vois en vedette dans un feuilleton. Cela n’ôte en rien les qualités de cœur incontestables de cette femme courageuse, qui a tant oeuvré pour la lutte contre le SIDA. Mais comme le remarque Nicole Courcel, « il n’y a plus de rôles importants de femmes de 70 ans disponibles à la télévision ; ils sont tous accaparés par Line Renaud ». Il est vrai que ses relations privilégiées avec l’Elysée (elle considère Claude Chirac comme sa fille) et avec tout un clan du show business actuel (sa grande copine Muriel Robin en tête) lui ont peut être été d’un certain secours.
En tout état de cause, on ne peut que saluer la volonté et le professionnalisme de cette femme chaleureuse, à la présence indéniable.
Si Line a chanté occasionnellement dans certaines séries (un téléfilm avec Valérie Kaprisky ou la série américaine Ricky ou la belle vie), il n’est pas impossible qu’elle figure un jour dans un film musical comme elle a pu en tourner autrefois…néanmoins, c’est devenu tellement rare en France.

1 commentaire:

  1. j adore Line qui a su si bien montrer toute la palette de son talent

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