A Hong Kong, à partir du milieu des années 60, le studio de cinéma des Shaw brothers avait acquis une puissance et une suprématie qui faisait jeu égal avec les usines à rêve d’Hollywood : des immenses entrepôts, des écoles d’acteurs, d’innombrables techniciens et des décors gigantesques où l’on élaborait des films diffusés dans toute la Chine et notamment des films de karaté. Cependant, on y concevait également beaucoup de mélo et de comédies musicales : l’une des plus populaires et des plus jolies vedettes du genre étant certainement Jenny Hu, dont la grâce et le raffinement lui ont souvent valu de flatteuses comparaisons avec Audrey Hepburn.
Née en 1945 en Chine, d’un papa chinois pharmacien et d’une maman allemande, la jolie Jenny passé son enfance à Taïwan avant de partir vivre en Allemagne après le décès de son père. Elle a toujours avoué avoir été passionnée par l’univers magique du cinéma dès sa plus tendre enfance. Tout en achevant ses études, elle prend des cours de photo et de danse. Par l’intermédiaire d’une amie, elle fait la connaissance du metteur en scène Kim Chum, qui est tellement emballé par sa beauté, qu’il l’engage immédiatement pour son nouveau film « jusqu’à la fin des temps »,
un mélodrame ultra sentimental, basé musicalement sur une polonaise de Chopin dont une chanson à succès avait été tirée jadis pour le crooner Perry Como. Pour aider son mari musicien malheureux et atteint de cécité, la belle va chanter dans les night clubs. Comme on peut le deviner, son époux (Peter Chen Ho, le Cary Grant chinois) souffre de la situation, mais tout s’arrange à la fin. Si je n’ai pas du tout été touché par ce film très lacrymal en dépit des efforts déployés par le cinéaste, grand spécialiste des films pleurnichards, le public a aimé et applaudi la nouvelle vedette. Pendant les années suivantes, la Shaw Brothers va faire fructifier son investissement en employant la jolie jenny dans une série de drames sentimentaux ou comédies musicales au style glamour, jolis écrins pour la délicate comédienne. Compte tenu de son apparence eurasienne, l’actrice n’est en revanche jamais utilisée dans les drames historiques ni les fameux films de karaté qui vont faire la renommée internationale du studio.
Parmi la longue liste de films tournés par la versatile Jenny on retiendra le faucon noir (1967),
un pastiche de James Bond, Madam Slender Plum, une comédie policière hitchcockienne réalisée par Lo Wei futur découvreur de Bruce Lee et Jackie Chan (un des films favoris des fans de l’actrice) ou encore Jeunes amoureux (1970) une comédie un peu simplette sur la jeunesse mise en scène par la japonais Umetsugu.
Dans un genre beaucoup plus lacrymal, on évoquera les Rivières de larmes (quel titre !), un mélo mis en scène par son mentor Kim Chum où elle incarne une chanteuse qu’un ancien amant vient faire chanter, avant que son beau-père ne l’expulse du foyer. Le réalisateur, toujours axé sur les histoires dramatiques, se suicidera avant la sortie du film sur les écrans. Si Devinez qui a tué mes 12 amants (1969), malgré son titre son titre intriguant et une Jenny Hu plus sexy que d’habitude, ne tient pas ses promesses, Amour sans fin (1970) est souvent retenu par les spécialistes parmi sa meilleure prestation : le portrait d’une provinciale naïve qui va brûler ses ailes et ses illusions dans la grand ville.
Le remake d’Ecrit sur du vent de Sirk, les torrents de désir (1969) est en revanche bien décevant. Il s’enlise rapidement comme un médiocre soap opéra, interprété de façon ridicule. Notamment Angela Yu, futur star chinoise du film érotique (elle a d’ailleurs quelques scènes topless osées pour l’époque) est catastrophique dans le personnage de sœur débauchée si brillamment joué par Dorothy Malone dans la version d’origine. Ici, les personnages n’ont aucune profondeur (on ne comprend pas bien pourquoi le jeune marié bascule dans la folie et sombre dans l’alcool) et un happy end vient rajouter un coté roman photo à 4 sous. Heureusement Jenny Hu est fort joliment doublée par une soprano qui interprète entre autre un air classique du folklore napolitain en chinois et plusieurs ballades.
En effet, dans ces différents films, tristes ou gais, Jenny Hu nous gratifie de quelques charmantes chansonnettes souvent doublées par la délicieuse voix de Jin Ting.
Heureusement, contrairement aux scénarii souvent bien pleurnichards de ses films, la vie de la ravissante actrice est loin d’être aussi dramatique !
En 1967, Jenny Hu tombe amoureuse de l’acteur Wei Kang lors d’un tournage : la Shaw brothers est très embarrassée par cette idylle, craignant une éventuelle désaffection du public pour la jolie célibataire qui doit rester un cœur à prendre. Pour tenter de séparer les tourtereaux, le studio les envoie sur des lieux de tournage différents. Mais l’amour est le plus fort et le couple secret parvient à se marier malgré le désaccord de leur employeur.
Sans doute lasse des imitions du studio dans sa vie privée, Jenny Hu quitte la Shaw brothers en 1970 pour désormais continuer sa carrière en free-lance. Si Sister Maria (1971) engrange 700 000 dollars au box-office, les films suivants n’auront pas le même succès. Les rôles étant plus difficiles à dénicher dans un cinéma envahi par les films d’arts martiaux, Jenny prête son concours à ce genre de productions, exploitées chez nous dans des cinémas de quartier ou en vidéo. Elle joue ainsi dans Hong-Kong appelle dragon noir (alias Ninja dragon tiger) , le gang des kung fu et dans l’implacable karatéka, que la revue Ecran qualifiera laconiquement de « soja-karaté ».
Aussi en 1975, après la naissance de son second fils, l’actrice ralentit sa carrière pour se consacrer avant tout à ses proches. En 1983, elle part aux USA, à Los Angeles où son mari tient désormais une compagnie d’assurance. Il lui arrive très sporadiquement d’accepter un rôle en guest-star pour le plaisir et pour revoir Son second fils Terence Yin qui s’est lancé à son tour dans le cinéma asiatique. Après s’être essayé dans la chanson sans trop de succès en participant à un boys band, on l’a notamment vu dans le film Lara Croft le tombeau de la vie avec Angélina Jolie en 2003. Elle sera d’ailleurs nominée en 2004 pour meilleur second rôle de Yesterday once more, une comédie romantique.
La très belle star des années 60, grâce aux nombreuses rééditions des DVDs de la Shaw brothers, garde encore aujourd’hui beaucoup d’admirateurs en Chine. Cette diva d’une autre époque symbolise plus que toute autre l’époque dorée et le glamour du star system à l’asiatique.
jeudi 3 mai 2012
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