vendredi 13 mars 2009

Joan Leslie, la belle ingénue



Si vous regardez souvent TCM, et par conséquent les vieux films produits par la Warner Bros et la MGM, vous devez sans doute connaître Joan Leslie, la plus charmante ingénue des années 40, qui s’est illustrée dans quelques classiques de l’époque et de nombreuses comédies musicales. Une ravissante actrice, au visage gracile et au délicieux sourire, dont la gloire fut brève et ne survécut guère à la fin de la seconde guerre mondiale.


Née en 1925, Joan Leslie entame sa carrière au cinéma très jeune, dès l’âge de 10 ans. Remarquée par des producteurs, à l’occasion de photos de mode, la fillette se voit confier, sous son véritable patronyme, Joan Brodel, une série de petits rôles dont notamment celui de la jeune sœur de Robert Taylor dans le plus célèbre film de Greta Garbo, le roman de Marguerite Gauthier (1936). Au tout début des années 40; sa carrière prend son envol, quand un producteur de la Warner Bros a la curieuse idée de confier à l’adolescente un rôle d’adulte, celui de la femme de Gary Cooper dans Sergent York (1941), très beau film de guerre d’Howard Hawks. Malgré son très jeune âge, sa prestation paraît crédible.


Dans la grande évasion, un classique du film noir (un de mes préférés pour tout dire), elle incarne la fiancée d’Humphrey Bogart. Sa lumineuse et gracile présence apporte un peu de douceur à cette traque désespérée.
Mais c’est surtout dans la Parade de la gloire (1942) face à James Cagney, que Joan Leslie va récolter un succès personnel. Cette bio nostalgique et très patriotique du compositeur Cohan, tombe en effet à point nommée, dans l’Amérique en guerre, et les spectateurs lui réservent un accueil triomphal. Evidemment, 60 ans après, le film a beaucoup moins d’attrait et certaines séquences retraçant les balbutiements du vaudeville et du music hall peuvent sembler assommantes et ringardes à un jeune public : en revanche, le dynamisme de James Cagney est indéniable, et Joan Leslie a toutes les qualités pour incarner sa ravissante épouse ;


L’énorme succès du film va aussitôt ranger la toute jeune Joan dans l’étroit cartel des idoles des GI. Contrairement à Rita Hayworth, ce n’est pas une séductrice glamoureuse (quoi que sur certaines photos, avec un maquillage adéquat, elle peut être très glamoureuse et sophistiquée), ni une brave pin-up craquante comme Betty Grable, la coqueluche des bidasses : Joan Leslie est tout simplement la jeune fille idéale que les soldats voudraient présenter à leurs parents pour l’épouser ;
En 1942, la Warner Bros, toute prête à exploiter la célébrité de Joan auprès des soldats, lui confie le rôle principal d’un autre musical patriotique où toutes les stars de la maison de Bette Davis à Errol Flynn viennent pousser la chansonnette. Joan se prête aussi de bonne grâce à cet exercice (en duo avec Dennis Morgan), du moins en apparence car elle est doublée. Il est assez savoureux de voir et surtout d’entendre les rois du film noir ou d’aventure dans cette gigantesque revue destinée à entretenir le moral des troupes.


En 1943, Joan devient la plus jeune partenaire féminine de Fred Astaire (18 ans) dans l’aventure inoubliable, où le merveilleux danseur tient le rôle d’un aviateur en permission. Si globalement le film et l’intrigue sont plutôt moyens, les chansons sont fabuleuses (my shining hour et surtout one for my baby). La prestation dansée de Joan fut pas mal critiquée, y compris dans de récents ouvrages : Franchement, j’ai été plutôt bluffé par ses deux numéros avec Fred, que je revois avec plaisir : un morceau swing assez mouvementé et un grand duo romantique où elle fait preuve de beaucoup de charme. Quoi qu’il en soit, le film n’accrochera pas.


La même année, Joan Leslie change de registre dans l’engrenage aux cotés d’Ida Lupino. Pour une fois, elle n’incarne pas une adorable ingénue mais une fille sans scrupules. Son interprétation correcte, mais inférieure à celle d’Ida Lupino, lui vaudra d’excellentes critiques, peut être un peu imméritées, de la part de journalistes avant tout surpris de la voir jouer à contre emploi.
Les mêmes journalistes étaient également étonnés lors de leurs entrevues avec la comédienne qui dans la vie, était encore assez immature et portait entre les tournages un appareil dentaire. A force de la voir incarner des jeunes épouses, on en oubliait qu’elle avait à peine 18 ans.

Se faisant désormais une spécialité des comédies musicales destinées à booster le moral des GIs, Joan se retrouve en 1943 aux cotés de Ronald Reagan dans this is the army, encore plus patriotique que les films précités. A revoir aujourd’hui comme un document (franchement, je n’ai pas accroché. Pour l’anecdote (j’ignore si elle est exacte), on raconte que Ronald Reagan, resté à Hollywood pendant toute la seconde guerre mondiale, prétendait bien après qu’il avait pris part au conflit, en s’inspirant de passages de ce film et en reprenant même des dialogues !
Toujours dans le même genre, Joan est tête d’affiche d’Hollywood Canteen, consacré aux stars donnant des spectacles pour les soldats. En l’occurrence, l’intrigue ou plutôt le fil rouge liant les différents sketchs et chansons, repose sur un GI qui veut à tous prix rencontrer sa star préférée Joan Leslie.
En 1945, Joan joue le rôle d’une des femmes de George Gershwin (incarné par Robert Alda) dans un assez pompeux biopic (Rhapsody in blue), édulcoré et fade comme il se doit. Elle chante (ou fait semblant) Somebody loves me, curieusement accoutrée, avec un vilain bonnet en forme de cœur. La même année, on la retrouve dans un musical plus original « Drôle d’histoire » aux cotés de Fred MacMurray et June Haver.
Tourné en 1944, Cinderella Jones de Busby Berkeley ne sera distribué qu’en 1946 (pour des raisons commerciales, le studio voulant distribuer d’abord Rhapsody in blue, pensant à tort que ce film va faire la gloire de Robert Alda) : force est de constater que le génial créateur, très déprimé par la mort de sa maman, n’arrive pas à imprimer sa marque sur cette petite comédie loufoque. En outre le personnage de ravissante idiote aurait davantage convenu à une comédienne plus farfelue comme Betty Hutton.
Alors même que sa popularité est en perte de vitesse, Joan commet l’erreur de sa vie : elle entame une grève contre le studio pour exiger de meilleurs rôles. Autant cette périlleuse technique avait fini par porter ses fruits pour des comédiennes aussi talentueuses et téméraires que Bette Davis et Olivia de Havilland, autant Joan y perdra des plumes. Mise sur la liste noire, elle est virée de la Warner et n’arrive plus à dégoter des rôles que dans des westerns bas de gamme de la firme « Républic », tournées en trucolor, s’il vous plait ! En plus, le rôle principal féminin revient souvent à l’ex patineuse Vera Ralston, l’épouse du patron. On retrouvera quand même Joan dans un western musical où chante Vaughan Monroe (connu pour sa chanson les chevaliers du ciel) et une production RKO « Born to be bad » le fameux Howard Hughes qui dirigeait alors ce studio ayant très momentanément flashé sur elle.
Au fil des années 50, de série B en série télé, Joan Leslie finit par disparaître des écrans. Elle se consacre ensuite au prêt-à-porter et fonde sa ligne de vêtements. De temps à autres, on la verra faire un coucou sur le petit écran dans des séries comme Arabesque. Cela dit on est toujours ravi de la retrouver à l’affiche d’un vieux film en noir et blanc, en se disant que sa carrière aurait pu prendre une autre tournure.










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