samedi 1 août 2009

Dany Dauberson, la voix la plus grave de Paris













Regard triste, silhouette élancée, moulée dans un fourreau noir ou pailleté, telle apparaissait dans les années 50, Dany Dauberson, dans son cabaret parisien le Caroll’s ( dont elle partageait la direction avec la sulfureuse Frédé) où elle enchantait de sa voix profonde aux accents parfois déchirants, un public essentiellement féminin.
Une artiste racée, qui n’a fait à l’écran que de furtives apparitions. Son exigence, sa forte personnalité et quelques scandales l’ont certainement privée des faveurs du grand public. Celle que Suzy Solidor considérait comme « sa filleule » mérite néanmoins d’être redécouverte, du moins par le biais de quelques rééditions en CD de ses principaux succès.

Née en 1925 au Creusot, Dany, jeune femme un peu sauvage rencontre à Lyon, l’actrice Carmen Torres (qui fut la vedette du film Solita de Cordoue de Willy Rozier). Leur amitié un peu trop passionnelle va provoquer un scandale, et contraindre Dany, à bout de nerfs, de monter à Paris où elle débarque un 14 juillet. Le soir même, elle rencontre Suzy Solidor, une des reines de la nuit, célèbre chanteuse à la voix grave (Lili Marlène, escale…), égérie des peintres et des photographes et icône du mouvement lesbien. Elle lance Dany qui très vite, part en tournée à travers l’Europe. Après s’être engagée dans l’armée américaine, elle commande en Allemagne le service des spectacles. On la retrouve ensuite en Egypte, au Caire et en Italie, où elle exporte la chanson française . De retour à Paris, en 1949, elle grave ses premiers 78 Tours. Si sa voix étonnamment grave, « une voix de velours dans une poitrine de fer », n’est pas encore parfaitement maîtrisée, on la remarque : mélancolie de pierre du dan est son premier tube. Sa personnalité peu banale et son physique (1 m 75, une taille de guêpe - peut -être retouchée sur les photos) intéressent le monde du cinéma. On annonce qu’elle jouera dans le secret de Mayerling de Jean Delannoy aux cotés de Jean Marais. Pourtant, ses débuts à l’écran sont ajournés. La vedette préfère se consacrer à sa carrière internationale : elle triomphe à Londres, passe à la télévision américaine et grâce plusieurs titres en anglais dont l’air du film « la fille du bois maudit » ou temptation de « Going Hollywood ».
En dépit de la qualité croissante de ses interprétations, et de sa notoriété certaine, Dany Dauberson n’est jamais parvenue à trouver sa place parmi les chanteuses françaises les plus aimées du public (elle ne figure pas dans les classements de la revue Music hall). Est-ce imputable à un manque de répertoire personnel (elle reprend beaucoup de titres crées par Piaf (Padam), Mick Micheyl (les bourgeois de Calais), Bécaud( si je pouvais revivre ma vie, l’absent)) ou à une vie privée considérée à l’époque comme hors norme, qui la confine à un public restreint? Si les journaux ne se privent pas de semer certaines insinuations dans leurs chroniques mondaines (en insistant sur le fait qu’elle compte moult admiratrices), son répertoire est très conventionnel (à peine peut-on discerner un message dans le célèbre « ni toi ni moi » de Mick Micheyl, une de ses plus belles interprétations). C’est bien dommage, car à la fin des années 50, la chanteuse maîtrise parfaitement son art et ses disques gravés pour Pathé et Odéon absolument superbes.
Au cinéma, on découvre d’abord Dany dans l’inconnue des 5 cités , co-production internationale et film à sketchs assez inégal, puis Soirs de Paris, une comédie musicale sans lustre destinée à l’exportation, avec Rita Cadillac, star du Crazy horse et le comique Henri Genes.
En 1957, Dany fait une courte apparition en guest star dans c’est arrivé à 36 chandelles, hommage à la fameuse émission de télé, où Dany reprend fort bien le tube de Mouloudji, un jour tu verras. La même année, on la retrouve dans un polar bas de gamme « par ici la sortie » avec Tony Wright, sorte de réplique d’Eddie Constantine. Toujours moulée dans un fourreau, la sirène de la chanson chante une romance quelconque dans un cabaret louche. En somme, rien de bien fameux.
Alors que le monde de la variété connaît des changements sans précédents, la liaison de Dany avec une princesse italienne, qui a quitté mari et enfants pour la vedette française, alimente la presse à scandale, surtout à l’étranger. Moins demandée chez nous, la chanteuse se produit encore dans le cabaret de sa vieille copine Suzy Solidor et grave son dernier 45 T (la rue sans issue) en 1965. Elle trouve un rôle secondaire de barmaid dans du Rififi à Paname, un polar de Denys de la Patellière avec Jean Gabin, où hélas, elle ne chante pas. En 1967, elle est victime d’un très grave accident de voiture avec sa compagne l’actrice Nicole Berger (tirez sur le pianiste, Noëlle aux 4 vents) qui trouve la mort.
Très affectée par cet évènement tragique, la chanteuse va abandonner son métier après quelques ultimes tournées en Israël et en Grèce. Déçue par le nouveau monde de la chanson (je reviendrai dans le métier, quand je serai aphone), elle dirige un restaurant à Antibes avant de nous quitter, emportée par un cancer, à 54 ans seulement.

La nuit sirène des cabarets chics, le jour fille de la nature et amie des animaux, Dany Dauberson n'a curieusement pas trouvé la voie qu'elle aurait mérité sur grand écran, mais laissé quelques beaux disques dont on espére au fil des années la ressortie en CD.



13 commentaires:

  1. parfaitement démodé...

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  2. Mon oncle était fier d'avoir mis une main aux fesses de Dany Dauderson... Pas certain que la dame ait apprécié mais mon oncle était jeune et Dany Dauderson effectivement très spectaculaire. Je désapprouve ce geste peu suave et merci pour cet article. N'est-ce pas totalement hors-sujet de se demander si c'est à la mode ou démodé ? A l'image de Solidor, une vraie personnalité avec une sacrée paire de couilles, si je peux me permettre.

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  3. Oui, ce "parfaitement démodé" (anonyme bien sûr) est parfaitement stupide : on trouvera "parfaitement démodés" des pans entiers de la chanson française.
    J'eus le privilège de fréquenter Dany Dauberson lors des dernières années de son existence et de lui offrir une chanson qu'elle interpréta sur scène (1974/75 ?) car elle chantait encore dans les salles de spectacle des casinos de la Côte d'Azur et d'ailleurs.
    Je me souviens d'une femme dotée d'un humour peu commun, de ses éclats de rire, et des dîners dans son restaurant "La Marmite", qui existe toujours, rue James Close à Antibes.
    Je garde d'elle à travers le temps une photo prise en "gala", dédicacée ainsi : "Pour Lui. Elle.".

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    1. Moi aussi j'ai cotoyé Dany quand je travaillais chez Suzy Solidor, j'ai eu la chance qu'elle chante une chanson de mon père et de Jeannine REMIGNARD (qui vient de nous quitter) cette chanson s'appelait ; l'accordéon. C'était une grande chanteuse. Cordialement man.francis@orange.fr

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  4. Merci Syl de quelque souvenirs concernant Dany Dauberson. Vous avez beaucoup de chance d'avoir connu et trvaillé avec une aussi grande dame de la chanson française. J'ai encore revu récemment sur le site de l'INA un passage de Dany au Palmares des Chansons où elle reprend avec brio Escale de son amie Suzy. Vraiment superbe.
    Dany reste une artiste très appréciée : d'ailleurs, elle figure au Top 10 des portraits les plus lus de ce blog.

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  5. Cette chanson d'Aznavour ne sera jamais démodée et l'interprétation que Dany Dauberson en fait avec le timbre de voix si particulier qui est le sien la met en valeur sans trahir son auteur.
    C'est toute mon enfance finalement. Je l'ai vue chanter à la télévision...Ce que je ressens commme étrange est l'étonante présence de ce document.

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  6. L'interprétation de cette chanson d'Aznavour par Dany est vraiment de premièe classe. J'espère que le disque sera réédité en CD.

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  7. J'ai bien connu Dany Dauberson pour avoir travaillé dans le cabaret de suzy Solidor. Elle a chanté une chanson de Jeannine Remignard et de mon père René Mangin "l'accordéon" enregistrée sur disque RCA 86.038M. Je voudrais savoir si cette chanson existe en CD
    man.francis@orange.fr

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  8. C'est une très belle chanson, qui bénéficie d'un arrangement superbe; elle a été rééditée en CD par le disquaire Marianne Mélodie sur un coffret : "chansons de bastringue" qui regroupe différents artistes :
    http://www.marianne-melodie.fr/product_info.php?products_id=2632&osCsid=43ba61c864ae9b3dc8b9c27dc81c5277

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  9. Pourquoi DALIDA ne figure pas sur votre liste??
    c'est regrettable .
    Cordialement.

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  10. Elle y figurera tout comme Ann Margret, Carmen Sevilla, Marilyn Monroe, Jane Russell, Yvonne Printemps, Zizi Jeanmaire, Petula Clark, Gracie Fields, Leila Mourad, Misora Hibari et d'autres grandes vedettes internationales que je n'ai pas encore eu le temps de traiter! J'ai du pain sur la planche!
    Cordialement.

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  11. Ecoutez DANY DAUBERSON dans ces titres de 1951 et 1952 enregistrés chez ODEON et vous découvrirez son talent de chanteuse de cabaret: OUI MAIS LA NUIT(est faite pour l'amour),CHANTEZ LA NUIT SERA BELLE,EVASION et GUEULE D'ANGE

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  12. La Chanson de Venise est sa meilleure interprétation qui met sa merveilleuse voix de mezzo.

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