mardi 9 août 2011

Jane Russell, la brunette la plus sexy des années 50









Un des plus célèbres sex symbols du cinéma américain nous a quitté en début d’année : la capiteuse Jane Russell, qui formait un si délicieux tandem avec Marilyn Monroe dans le fameux musical « les hommes préfèrent les blondes ». Rarement une actrice fut lancée avec un tel renfort de publicité par un producteur (dans le cas présent le délirant et mégalomane Howard Hughes) et on peut saluer la façon dont la magnifique brune a pu, malgré ce buzz retentissant, qui a fini par constituer davantage un inconvénient qu’un avantage, faire une jolie carrière et laisser un si éblouissant souvenir aux cinéphiles.

Née en 1921 dans le Minnesota, Jane Russell est la fille d’une comédienne qui a participé à pas mal de tournées aux cotés de George Arliss. Après le décès de son père, la jeune femme est contrainte de travailler comme réceptionniste chez un pédicure. Parallèlement, elle suit quelques tours de théâtre et pose pour le photographe Tom Kelly (qui sera plus tard l’auteur du fameux calendrier de Marilyn Monroe). Les clichés tombent entre les mains du producteur multimillionnaire Howard Hugues, immédiatement séduit par la généreuse silhouette de l’aspirante vedette et son tour de poitrine des plus avantageux. Connu pour son excentricité et ses innombrables liaisons avec des stars hollywoodiennes, Hugues recherche une actrice pour jouer dans « le banni » une version de Billy the kid. Après avoir envisagé la candidature de Léatrice Gilbert la fille de la star du muet John Gilbert, il préfère confier le rôle à sa découverte. Obsédé par son tour de poitrine, il conçoit même un soutien-gorge à son attention !! A peine le tournage entamé, le producteur mégalomane va lancer une incroyable campagne publicitaire pour lancer la nouvelle star, en misant uniquement sur son anatomie, à grand renfort de photos suggestives de la brunette allongée dans la paille, avec des slogans du genre « exquise, boudeuse et magnifique » ou encore « le sexe n’a pas été rationné ». Nous en sommes en 1941, et les ligues de censure veillent alors sur le cinéma américain avec une rare vigilance.
Grâce à une telle publicité, le film fait un malheur lors de sa première semaine d’exploitation à San Francisco. Cependant, le Banni est interdit dans plusieurs états en raison des protestations des ligues de vertu. Le film en soit, et les scènes jugées scandaleuses en 1941(plus puériles que coquines), font pourtant tout juste sourire à présent ! Conscient du manque d’expérience de sa protégée (ou craignant qu’elle n’échappe à son emprise), Hughes préfère l’inscrire à des cours de comédie plutôt que la prêter à la Fox qui voudrait lui confier un rôle important dans Arènes sanglantes ; en fait, la carrière de Jane va très vite stagner, l’interdiction presque générale de son premier film ne lui a pas porté chance : A la grande colère d’Howard Hugues, Jane se marie avec un ancien camarade de classe et quitte l’écran plusieurs années.
En 1946, Hughes tente de relancer sa chère Jane dans un drame « la jeune veuve » mais sa prestation y est bien mauvaise et en profite pour ressortir son fameux banni avec une nouvelles campagne publicitaire pas plus subtile que la précédente : l’annonce « quelles ont les deux bonnes raisons du succès de Jane Russell ? »est placardée sous une photo de la star très largement décolletée.
Alors qu’on aurait donné peu cher de sa peau, Jane Russell va enfin parvenir à s’imposer dans un western parodique aux cotés de Bob Hope, qui se moque gentiment de son image de sex symbol : « Visage pâle »1948 est un succès et notamment la chanson « buttons and bows »que Jane fredonne avec Bob Hope (la VF « ma guêpière et mes longs jupons » sera un énorme succès pour Yvette Giraud) : la belle en profite pour enregistrer un disque de romances pour la firme Columbia.
Connu pour son instabilité et son inconstance, il semble extraordinaire que Howard Hugues ait suivi Jane Russell pendant toute sa carrière, en produisant la plupart de ses films (pour la firme RKO). S’était il finalement attaché à sa jolie découverte ou croyait-il profondément à son potentiel ? les critiques ne sont pourtant pas tendres avec ses qualités de comédiennes (« décorative mais inapte » pour reprendre les plus dures) et ses westerns ou comédies n’obtiennent pas toujours le succès escompté.
Heureusement, le film noir « Fini de rire-1951 » avec Robert Mitchum, lui sied davantage. John Farrow parvient à la mettre en valeur malgré son manque d’expression, notamment dans son numéro (fort bien) chanté et à installer une atmosphère troublante. C’est le type même de cinéma qu’on revoit avec le plus grand plaisir et énormément de nostalgie. Combien je me souviens des après midi des années 70 où TF1 diffusait Macao, le paradis des mauvais garçons avec le même couple vedette et d’autres vieux films de la RKO.
Mais c’est en 1953, dans le musical les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks que Jane Russell va laisser à jamais son emprunte dans le monde de cinéma en formant un duo mythique et ravageur avec la légendaire Marilyn Monroe. Moins fragile et plus confiante que sa partenaire, mais tout aussi sexy dans le numéro où elle chante entouré de gymnastes. L’actrice révèle aussi un talent insoupçonné pour la comédie, et l’humour pince sans rire, avec une touche de sarcasme. Un bonheur n’arrivant jamais seul, l’actrice adopte un enfant à la même époque (elle en adoptera deux autres par la suite et fondera une association pour aider les parents dans leurs démarches). Sans doute rassuré et galvanisé par le succès éclatant que sa découverte connaît enfin (alors qu’il n’y est pourtant pour rien !), Hugues bâtit pour elle une comédie musicale en jouant encore la carte du scandale et de la provocation : ne négligeant aucun détail, il dessine lui-même une sorte de body très échancré pour sa vedette, et tourne le film en relief pour que le public puisse profiter pleinement de la plastique généreuse de la star ; Jane Russell, qui se consacre de plus en plus aux activités religieuses déclara a posteriori avoir eu honte de jouer dans une telle production, et notamment dans le numéro final, d’une vulgarité certaine. Le film déchaînera les foudres de la censure, et n’atterrira sur les écrans qu’après deux années de palabres avec les administrateurs du code Hays : beaucoup de bruit pour un musical assez minable et à la limite du grotesque. On peut se demander finalement si Hugues n’avait pas envie de saboter la carrière de sa chère vedette en la distribuant dans un pareil navet. Dans la vénus des mers chaudes, la publicité insiste sur les maillots de bain de la star en nous promettant une Jane Russell telle que vous ne l’avez jamais vue ! Pour lancer le film, Hugues organise une première dont il a le secret : le film est diffusé sou l’eau et les journalistes sont invités à endosser des scaphandres et des tenues de plongée pour le visionner !! Là encore, beaucoup de remous pour pas grand chose.
On préfèrera de loin Jane Russell dans le western les implacables de Raoul Walsh où elle forme un duo intéressant avec Clark Gable.
Après l’échec de l’insipide suite des hommes préfèrent les blondes (mais ils épousent les brunes), avec Jeanne Crain et surtout le bide retentissant de la comédie Kidnapping en dentelles (1957), la carrière de Jane Russell se trouve en fort mauvaise posture et Howard Hughes qui vient de quitter le cinéma après une série de fiascos qui ont entraîné la liquidation de la RKO, n’est plus là pour la sauver.
L’actrice, d’une rare humilité, n’a jamais pris sa carrière au cinéma au sérieux (elle déclarait même avoir tourné dans une quantité de navets pour gagner son pain), et c’est sans regret qu’elle se consacre alors à sa vie de famille en donnant sporadiquement des tours de chant à Las Vegas ou en jouant dans des musicals à New York ou Chicago. On la retrouve encore dans quelques films à très petit budget à la fin des années 60, qui n’ont guère marqué les mémoires. Son divorce à la fin des années 60 et sa bataille avec son mari pour obtenir la garde de ses enfants adoptifs lui valent quelques colonnes peu reluisantes dans la presse à scandale, alors que sa vie privée était jugée comme exemplaire jusque là (son mari assure notamment qu’elle est alcoolique depuis le début de leur union : elle fera d’ailleurs quelques jours en prison dans les années 70 pour conduite en état d’ivresse).
Après avoir joué dans un musical à Broadway en 1971, la star remariée se retire progressivement pour se consacrer dorénavant à des activités religieuses, à des conseils pastoraux , à la lecture de la bible et à la défense de l’ordre moral… en faisant à l’occasion de la publicité pour les soutien gorges Playtex. Tout en se moquant gentiment de la futilité du star system et de sa carrière passée, la vedette daignait fort poliment répondre au courrier de ses fans et même à leur envoyer une photo dédicacée à condition qu’ils prouvent qu’ils avaient fait un don à l’UNICEF.
Jane Russell est décédée en 2011, des suites de problèmes respiratoires, entourée de ses enfants. On ne l’oubliera pas !

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