dimanche 11 octobre 2009

Amalia Aguilar, la bombe des tropiques








Dans un tourbillon de musiques explosives, au son des rythmes tropicaux à la mode, qu’il s’agissse de cha cha ou de mambo, l’éblouissante danseuse cubaine Amalia Aguilar a illuminé les salles obscures du Mexique des années 50 de son dynamisme insolent et sa joie communicative. Loin des sombres mélodrames un peu sordide où évoluaient les «pecheresses» «femmes perdues», «filles du rien» , et autres victimes des hommes ,enchaînées à leur tragique destinée, pour reprendre les titres évocateurs de classiques de l’époque, la pétillante danseuse s’est surtout illustrée dans d’insouciantes comédies destinées à distraire des spectateurs venus chercher un peu d’oubli et se saouler de musique (une bonne part de la population était alors dans la misère la plus noire). Celle qui fut surnommé la bombe atomique et dont les films sont fréquemment rediffusés au Mexique, où elle vit désormais, est peu connue en France. Pourquoi ne pas se laisser emporter par son entrain et la suivre dans la danse?
 
Dans les nombreuses interviews que la star d’autrefois accorde encore aux journalistes, Amalia Aguilar se rappelle avec tendresse ses années d’enfance «les meilleures de sa vie» et de son papa qui l’a inscrite très tôt dans des écoles de danse et a monté des petits spectacles avec ses filles pour distraire les gosses du voisinage. Avec sa sœur, la jeune femme a ensuite gagné ses premiers cachets dans des bars mal famés à la clientèle composée essentiellement de marins, sans se livrer à la prostitution comme d’autres danseuses de l’endroit. Après le mariage de sa sœur, la danseuse est parvenue enfin à se faire remarquer du grand danseur Julio Richard (qui l’avait pourtant éconduite sans ménagement lors d’une précédente audition) qui lui a promis de faire d’elle la plus grande étoile du Mexique. Après l’avoir imposée au cabaret Sans souci, le vieil homme décède hélas : néanmoins, en quelques mois, il a eu le temps d’établir la jeune artiste qui n’a pas de mal à trouver des engagements dans les dancings et au cinéma : elle fait sa première apparition dans le mélo la perverse (1947) qui conte en musique les malheurs d’une pauvre jeune femme qui sombre dans la prostitution pour pouvoir élever sa fille (thème récurrent des films mexicains de cette époque). Amalia se contente de danser sur les musiques d‘Agustin Lara, mais sa prestation est très remarquée : on lui propose une tournée aux USA avec les Lecuona cuban boys et on parle même d’un bio pic où elle jouerait le rôle de la volcanique Lupe Velez, récemment disparue : en fait, elle devra se contenter d’un caméo dans un musical à petit budget A night in the follies (1947)et de deux courts métrages réservés aux circuits spécialisés où elle se trémousse frénétiquement. La légende prétend qu'il auraient été mis en boite par Russ Meyer débutant. De retour au Mexique, la danseuse est propulsée vedette principale d’une série de comédies musicales situées dans les cabarets avec des comiques populaires comme l’irresistible Tin Tan ou Resortes. Grimpant sur les tables, virevoltant comme un tourbillon dans le dancing, la nouvelle star y affiche une sensualité débridée et un talent sûr pour la danse. Contrairement à ses concurrentes Meche Barba, Ninon Sevilla et Maria Antonieta Pons qui se complaisent dans des mélos musicaux rocambolesques et misérabilistes, toujours situés dans des cabarets louches, Amalia se consacre surtout aux comédies musicales. A l’occasion, elle rejoint l’univers sordide (mais souvent fascinant) de ses collègues de rumberas pour « un amour dans chaque port » où elle incarne une femme fatale, le grand champion (1949) où elle fait tourner la tête d’un boxeur et enfin le lamentable Amor perdido (1951) où défigurée par un accident, elle préfère quitter le gangster qui partage sa vie pour ne pas lui faire de peine : il finira par la tuer, croyant qu‘elle le trompe!
A ces mélos ridicules (mais sauvés par les trépidantes danses de la star), on préfèrera une farce amusante comme la vida en bruma (1949), où Amalia tente de rendre jaloux son compagnon Georges Ulmer (le fameux chanteur français dont on fredonne encore l’inoubliable Pigalle ).
Le principal intérêt de ses films repose sur les scènes de danse de la vedette qui n’échappe à aucun rythme à la mode : congas, rumbas , cha cha cha et surtout le mambo (popularisé par Perez Prado) n’ont pas de secret pour elle. Au son du mambo (1951), sorte de gigantesque de revue avec le minimum d’intrigue et le maximum de rythme et un délirant Resortes, bondissant comme un ressort, nous offre un bon condensé des capacités de Miss Aguilar. La danseuse est alors au sommet de sa gloire : reçue par le président Aleman, elle a même l’honneur de danser avec lui!
.Dans les années 50 vont fleurir sur les écrans mexicains, des comédies mettant en vedette et en valeur des femmes indépendantes et ambitieuses, menant les hommes par le bout du nez . Directement inspirées des gold diggers des comédies américaines de la Fox et de la Werner, ces portraits de femmes ont l’intérêt de se démarquer des éternelles victimes des circonstances et du destin que l’on trouvait dans les rumbéras, même s’ils ne reflétaient en rien la situation de la femme dans la société mexicaine!
Amalia forme un savoureux trio avec Lilia Prado et Lilia del Vale dans les 3 allègres comadres (1951) et les suites données à ce gros succès commercial. Le premier film de la série, qui passe en revue les aventures de 3 copines débrouillardes qui recherchent un mari riche, avec un joli souci du détail est à mon y le plus réussi, même si le deuxième volet possède peut être de meilleurs passages musicaux ;
Coiffée d’un chapeau haut de forme, descendant un grand escalier, Amalia évoque très furtivement Vera Ellen. Cependant, la comparaison s’arrête là, car la sensualité brute et incandescente des danseuses cubaines est à 1000 lieux du charme distingué et polissé des films hollywoodiens de la grande époque. Portée par le succès de ces comédies «féministes», Amalia est sur tous les fronts, en tournée dans toute l’Amérique du sud et aux USA. A New York, elle reçoit le prix de la meilleure danseuse tropicale. En 1955, elle apparaît en guest star dans Musique de nuit (avec d’autres grands noms de la danse comme Carmen Amaya ou Katherine Dunham) et l’irrésistible Soucoupes volantes, une farce délirante où Resortes se fait passer pour un martien. Amalia qui fut surnommée à ses débuts la bombe atomique apparaît dans une explosion, à la sortie d’une fusée pour une danse frénétique, entourée de martiens! Un coup d’éclat qui marque la fin de la carrière de la star : en 1956, Amalia épouse un avocat rencontré au Pérou lors de sa tournée dont elle aura trois fils. Décidée à réussir sa vie privée, l’artiste quitte le cinéma. Après le décès de son mari (en 1962, dans un accident d’avion), l’ancienne vedette a ouvert deux salons de beauté. Finalement, devant l’insistance de ses fans, la danseuse a accepté de refaire de la revue dans les années 80. A présent retirée du music hall, la star toujours très respectée au Mexique donne encore des interviews et se rend régulièrement aux premières des spectacles en vogue.

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