dimanche 24 janvier 2010

Elma Karlowa, pimpante brunette de l'ex Yougoslavie



Pimpante et pulpeuse, la brune artiste croate Elma Karlowa a beaucoup joué dans les années 50 dans des comédies souvent musicales le plus souvent totalement insignifiantes qui composaient une large pan du cinéma allemand de l’ère Adenauer. Des spectacles colorés souvent traités avec le plus grand mépris par les critiques des magazines télévisés comme TVSpielfilm qui leur octroient un pouce vers le bas lors de leurs rediffusions sur les chaînes allemandes et autrichiennes.
En dépit des hauts et des bas (voire des abîmes ) composant sa carrière, la piquante actrice aux yeux rieurs s’est mue au fil des années en actrice de composition attachante et professionnelle que l’on retrouve toujours avec plaisir à l’écran.

Née en 1932 à Zagreb en Croatie (à l’époque la Yougoslavie), Selma Karlovak a véritablement joué de chance lors de ses débuts à l’écran. Le cinéma yougoslave était à l’époque presque inexistant : il s’agissait presque toujours de films de guerre épiques et un peu puérils à la gloire des partisans. Ciganka la gitane (1953), réalisé par un Vojislav Nanonic très inspiré par le cinéma américain, avait le mérite de sortir de ce moule, en contant, avec talent, les mésaventures d’une gitane qui ne peut épouser celui qu’elle aime en raison des conventions et des traditions. Dans le rôle principal, la lumineuse Selma est très remarquée . Elle est alors embauchée pour un musical germano serbe « noces dalmates », bluette folklorique sans aucun intérêt, mise en scène par un des réalisateurs les plus prolixes du 3ème Reich . Conseillée par son partenaire Heinz Drache, très amoureux de la jolie brunette, Selma décide de tenter sa chance en Allemagne où l’offre est nettement plus importante que dans son pays, même si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.
Rebaptisée, Elma Karlowa, elle joue d’abord dans Guitare d’amour (1954), un film musical sentimental mettant en vedette l’orchestre guimauve ultra populaire de Montovani (qui avait ressuscité avec un succès inespéré Charmaine, un air des années 20) et le chanteur suisse Vico Torriani, qui ne se déparait jamais de son sourire béat. L’intrigue ne brille pas par son originalité et se focalise sur les tribulations d’ un garagiste qui tente de devenir chanteur en Italie. Le succès fulgurant de l’orchestre Montovani vaudra à ce sirop d’être exploité jusqu aux USA avec des sous-titres. Si les critiques applaudissent la musique il restent sceptiques sur le jeu de Miss Karlowa. En revanche, le public l’a bel et bien adoptée.
Elma va enchaîner les films à un rythme très rapide.
On la retrouve dans Cabaret, un des derniers bons films de Willi Forst (sans rapport avec le chef d’œuvre de Bob Fosse) puis le joyeux vagabond, pénible opérette kitsch bâtie autour du glorieux ténor Rudolf Schock, et le remake de l’étudiant pauvre, premier film allemand en scope (elle y incarne une comtesse ). Sans détenir le charme de la version originale, cette opérette assez picaresque est loin d’être désagréable. En tous les cas, elle est bien plus digeste que Bons baisers du Tegernsee, ou romance à Salzkammergut et autres heimatfilms mêlant folklore, paysages champêtres et chansons du terroir. Ces pâles cartes postales n’ont d’ailleurs jamais été exploitées en France ou alors uniquement en Alsace. En robe avantageusement décolletée ou en maillot de bain, Elma s’y contentait d’être jolie.
Bonne vivante et drôle, Elma n’engendrait pas la mélancolie lors des tournages et ses difficultés avec la langue allemande provoquaient l’hilarité de ses collègues. En revanche, elle ne faisait pas forcément preuve de beaucoup de discernement dans le choix se ses films.
Si le roi de la Czardas est un agréable bio pic sur la vie de Kalman, un génie de l’opérette (surtout servi par la voix fantastique de Rudolf Schock), on passera vite sur L'étudiante Hélène Willfuer , mélo en blouse blanche adapté de Vicki Baum.
Rivaux de manège (1956), drame se déroulant dans les milieux du cirque sera exploité aux USA. Craignant peut être que le public américain soit dérouté par une distribution germano-yougoslave, les principaux acteurs seront renommés sur l’affiche : Elma Karlowa sera rebaptisée pour l’occasion Eleanor Marlowe!
En 1958, Elma Karlowa fait partie de la distribution des diables verts du monte Cassino, film inégal relatant une des batailles les plus terribles de la seconde guerre mondiale (beaucoup de tirailleurs nord africains y perdirent leur vie). Après cette longue série de films allemands, Elma fait son retour en Yougoslavie, en acceptant de participer (sous le nom de Selma Karlovak) à une production en couleur et à gros budget, le triomphe des Diables rouges de Zika Mitrovic, un des films yougoslaves les plus connus, qui sera exploité dans le monde entier. Un drame sur la résistance relatant avec beaucoup d’énergie les exploits du capitaine Lesi face aux allemands occupant la Bosnie qui donne enfin l'occasion à la belle Elma (Selma) d'exprimer son ardeur et sa sensualité. Quel dommage que l'artiste n'ait pas poursuivi dans cette voie. Sa carrière se poursuit en Allemagne dans d’innombrables schlagerfilms, comédies destinées à promouvoir les chansons à la mode avec pour décor les plages d’Italie ou de Croatie , et de jolies filles en bikini.
Elma se contente de participer au semblant d’histoire reliant les chansonnettes interprétées par Rex Gildo, Freddy Quinn ou Vivi Bach. Rien de bien enthousiasmant hormis pour les amateurs de variétés sixties.
Le déclin du cinéma populaire allemand, des comédies folkloriques et musicales sera très préjudiciable à l’actrice dont le tour de taille a tendance à s’épaissir. L’actrice qui était connue pour sa bonne humeur et son entrain sombre dans la dépression et tente de se suicider.
Sans propositions cinématographiques, elle essaie de joindre les deux bouts en travaillant dans un bar. Elle accepte même de paraître dans des films porno soft dont les titres éloquents (suce pas ton pouce, laissez les fesses faire, le sexe rend heureux) traduisent bien la dégringolade de la comédienne...et d'un certain cinéma allemand. Précisons néanmoins qu’elle ne figure dans aucune scène coquine (de toute façon, son embonpoint ne lui aurait pas permis!). Qualifié par la revue Cinéma de choukrouten-spaguetti-porno, Laissez les fesses faire a au moins l’intérêt de traiter son sujet avec beaucoup d’ironie et de dérision. Remake « hot » de Ninotchka d’Ernst Lubitsch (le titre original étant Même Ninotchka enlève sa culotte), rediffusé en son temps sur la cinq, cette farce paillarde ne fait pas dans la dentelle, mais se laisse voir avec un brin d’humour.
Dans les années 70 et 80, la comédienne a tout de même pu faire valoir son talent dans des productions nettement plus ambitieuses notamment Les autres s’appellent Ali , un des films les plus émouvants de Fassbinder , le superbe Fédora de Billy Wilder ou encore le désir et la corruption avec Omar Sharif, même si ses rôles de femme de ménage ou de masseuse sont très peu importants.
Elle est également très présente dans les feuilletons télévisé allemands, très connues en Allemagne comme Tatort ou kir royal. L’ancienne brunette pulpeuse aux yeux noirs, au sourire coquin et à l’accent chantant avait laissé la place à une petite femme rondouillarde très à l’aise pour interpréter les personnages du quotidien.
Elma Karlowa est décédée à Munich en 1994.




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