mercredi 15 avril 2009

Mirtha Legrand, l'indestructible




Bien souvent nous avons évoqués dans ce topic de bien tristes destinées, et la vie d’artistes pour lesquels la gloire fut de courte durée. Afin d’insuffler un peu d’optimisme, si l’on abordait la trajectoire de la star argentine Mirtha Legrand, vedette de cinéma des années 40 et 50, et star de la télévision depuis maintenant 40 ans, dont les émissions pourtant souvent décriées affichent un insolent succès depuis des décennies. La reine Mirtha, la femme la plus connue d’Argentine ou l’histoire d’une réussite sur la longueur. Mirtha et sa sœur jumelle Silvia ont vu le jour en 1927. Les parents possèdent une bonne situation (papa libraire et maman directrice d’école). Néanmoins, après le divorce des parents, et le décès du papa, les affaires tournent mal pour les Legrand qui emménagent dans un quartier mal famé de Buenos aires. Pour arrondir les fins de mois, Mme Legrand trouve un job pour ses deux gamines dans différentes petites revues, afin de pouvoir leur financer des études au conservatoire d’art dramatique. Le fait qu’elles sont jumelles attire l’attention des badauds.Elles finissent par décrocher un petit rôle dans un film aux cotés de l’actrice comique Nini Marshall (surnommée Catita par le public). Les jolies blondinettes gazouillent gaiement dans ce spectacle facile. Le producteur Ricardo Cerebello flairant la bonne affaire décide de prendre le duo sous son aile et de bâtir à leur intension une série de films à l’eau de rose pour les deux jumelles. En 1942, Mirtha est la vedette du film « los marques orchideas », un énorme succès commercial qui lui vaudra un contrat de 5 ans. Alors que sa sœur Silvia préfère quitter le show business pour épouser un lieutenant, Mirtha se retrouve seule en piste.En 1945, elle épouse le réalisateur français Daniel Tinayre, âgé de 18 ans de plus qu’elle. Il s’agit davantage d’un mariage de raison que d’amour, comme le laissera entendre la star qui cherchait à assurer sa position financière. Les clichés de la cérémonie seront confiés en exclusivité au magazine radiolandia. Egalement scénariste et producteur, Daniel Tinayre, qui fut longtemps snobé par les critiques cinématographiques, a pourtant une parfaite maîtrise de ses films et un certain talent qui ne se limite pas à l’aspect commercial. Il met en vedette sa femme dans passeport pour Rio, où elle incarne une danseuse en danger après avoir été témoin d’un meurtre. La présence de l’acteur mexicain Arturo de Cordova assurera au film une sortie internationale ; ajoutons que les chansons étaient composées par Paul Misraki, le célèbre auteur des airs de l’orchestre de Ray Ventura, réfugié en Amérique du Sud pour échapper aux nazis.Au programme de Miss Legrand, on trouve évidemment des films musicaux avec tango en bruit de fond comme la doctoresse aime le tango, la p’tite dame du moulin rouge, la chaste Suzanne ou encore vidalita avec Fernando lamas, des screwballs comédies comme l’épouse dernier modèle (1952), où elle se déchaine en chipie, incapable de mener à bien les taches ménagères sous la houlette alerte de Carlos Schlieper. Coquine et farceuse, elle n’a pas son pareil pour se genre de comédies adaptées du théâtre de boulevard. Mais on peut préférer la vendeuse de rêve (1956) aimable fantaisie contant la romance d’une vendeuse d’un grand magasin avec le fils du patron. En 1952, le magazine l’écran français accueillait par une grimace la comédie SOS grand-mère, en prétendant que Mirtha y était « grasse ».En 1955, Mirtha tourne en Espagne le premier film espagnol en couleurs Mascarade d’amour, de Ladislao Vajda, une adaptation filmée d’une zarzuela, pas du tout désagréable, tournée en gevacolor. Récemment diffusé à la cinémathèque, ce film ne manque pas de charme et Miss Legrand, en fausse ingénue calculatrice ; Par contre, je la soupçonne d’être doublée pour les passages chantés. En 1955, Mirtha partage l’affiche d'un film à sketch avec les deux autres grandes stars de la période péroniste la chanteuse de tango Tita Merello et Zully Moreno, sorte de sosie d’Ann Sheridan, appuyée par le chef de la propagande du dictateur Juan Peron. La presse se gargarise d’une prétendue rivalité entre Mirtha et Zully. En tout état de cause, c'est Mirtha qui sort gagnante du film tant son passage est plus enlevé que celui de ses deux fameuses collègues (elle y fredonne la petite tonkinoise). Afin de faire évoluer la carrière de sa femme, Daniel Tinayre abandonne les comédies sentimentales pour des drames un peu plus sulfureux. Dans le viol (la patota)1960, Mirtha est une prof d’un lycée sordide violée par plusieurs de ses élèves. On perçoit bien une atmosphère de malaise, qui fait songer un peu à graine de violence. Hélas, il est difficile d’apprécier les prises de vue de nuit, tant la bobine a souffert l’épreuve du temps (la plupart des films argentins mériteraient d’être sérieusement remasterisés). En 1962, on retrouve Mirtha dans son film préféré et probablement son meilleur rôle, Filles de joie, l’adaptation d’un roman de gare de Guy des Cars. Sorti en France dans les réseaux de cinéma bis et rediffusé au festival du film d’Amiens, ce film semble t’il transcende le douteux matériel sur lequel il repose (la rivalité entre 2 jumelles, l’une bonne sœur, l’autre prostituée) en un mélo vibrant ; si quelqu’un l’a en VHS ou DVD, qu’il me contacte !Dans ce film, Mirtha retrouve sa sœur Silvia sortie momentanément de sa retraite pour tenir le rôle de sa jumelle. Après la participation à un film à sketch un peu coquin de son mari l’amour en quarantaine (un gros succès commercial), Mirtha ne trouve plus guère de rôle dans les films de son mari qui se lance dans le genre érotique. Après l’échec de son dernier film en 1965, elle fait un peu de théâtre et triomphe dans la Lune était bleue et 40 carats.Alors que beaucoup la croient fini, l’actrice va réussir une incroyable reconversion en animant à la télé argentine un show qui s’apparente beaucoup à vivement dimanche de Michel Drucker. Autour d’une bonne table, elle reçoit non seulement les gens du show business venus faire leur promo (pas seulement les stars locales mais aussi Alain Delon, Anthony Quinn, Catherine Deneuve, Julio Iglesias, etc..) et beaucoup de politiques venus utiliser cette formidable lucarne. La formule fonctionne depuis maintenant 40 ans sans discontinuer (sauf un petit hiatus à la mort de Daniel Tinayre et du fils de Mirtha). Une pérennité dans le succès qui laisse pantois (elle détient le record de longévité pour une animatrice sur la même émission) et qui crée bien des jalousies. Celle qui fut comparée à Christine Okrent pour le mordant de ses interviews est détestée par toute une frange du public qui exècre son show people qui pue le luxe alors que l’Argentine connait depuis longtemps un marasme économique des plus alarmants. Elle est moquée par un nombre considérable d’internautes qui la détestent, délirent sur son âge et ses innombrables liftings et prétendent que sa sœur jumelle Silvia, qui a opté pour l’anonymat vivrait dans un sombre cachot, avec un masque de fer pour dissimuler son âge. Certains ont même exposé une récente photo (truquée ?) de Silvia pour montrer à quoi ressemblerait Mirtha sans la chirurgie esthétique. Enfin, les chiens aboient, la caravane passe et Mirtha qui prétendait prendre sa retraite en 2008 pour ses 80 ans anime toujours « déjeunons avec Mirtha Legrand » sur America TV.Il y a peu, la grande dame du petit écran a encore fait parler d’elle en insultant un technicien avec un langage très coloré alors qu’elle se croyait hors antenne. Mais cet incident lui a causé plus de publicité que de déconvenues.En 2009, Mirtha devrait faire son retour sur scène dans une comédie musicale. On ne sait jamais si vous passez par Buenos Aires (rassurez vous, elle séjourne souvent à Paris, si vous souhaitez la rencontrer un jour…)










3 commentaires:

  1. Merci de votre hommage que nous, en Argentine, ne faisons si souvent pour nos stars. Nous aimons bien Mirtha, surtout l'actrice des années '40 et '50. Elle est devenue tout un symbole du spectacle argentin. Nos félicitations pour le travail que vous faites en l'honneur de nos "mythes populaires"

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  2. Merci!!!
    J'en profite pour saluer tous les lecteurs argentins! J'adore ce pays où je n'ai passé...qu'une journée (à l'occasion d'un voyage au Chili, qui comprenait un détour par le Perito Moreno).

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  3. C'est très beau de rencontrer un site en français qui rend un hommage à notre grande actrice et star, Mirtha. Je sais qu'elle a un pied-à-terre à Paris, mais je ne sais pas où. Merci pour l'hommage!!!

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