mardi 17 février 2009

Deanna Durbin, la princesse de l'Universal




En Grande Bretagne, quasiment tous les films interprétés par Deanna Durbin sont sortis en DVD. En France, beaucoup l’ont oublié, voire ignorent son existence, étant donné que, sauf erreur, ses films n’ont jamais été rediffusés au Cinéma de Minuit ou au Ciné Club. Alors, présentons la.Née en 1922 au Canada, la jeune Deanna Durbin révèle très tôt ses talents pour l’art lyrique. Après des participations à des shows radiophoniques, elle est engagée par la MGM, toujours en quête de vedettes en herbe. Celles-ci (Mickey Rooney, Jackie Cooper, Judy Garland…) suivent des cours auprès de professeurs à l’école du studio entre deux tournages ou bouts d’essai(à cette époque, Deanna est recalée pour le doublage vocal du personnage de Blanche Neige, car on trouve sa voix trop mure pour le personnage). Le court métrage « Every Sunday » confronte Deanna et Judy Garland les deux jeunes recrues du studio. Après avoir visionné le petit film, Louis B Mayer, qui préférait l’art lyrique aurait ordonné « de virer la grosse »(Judy). Mais dans son studio, beaucoup préféraient Judy et ce fut Deanna qui fut renvoyée. L’Universal lui signa immédiatement un contrat pour un petit film musical (Trois jeunes filles à la page 1936),plein de bons sentiments , où Deanna tâche de réconcilier ses parents divorcés. C’est très nunuche par moment, et Deanna est parfois un peu agaçante, mais le triomphe est au rendez vous :d’ailleurs le film sauvera la firme de la faillite !(et donnera lieu à deux suites : 3 jeunes filles ont grandi 1939 et liens éternels 1943). Agacé par le succès immédiat de Deanna et par les débuts sans éclat de judy Garland, Louis B Mayer, touché à vif, jurera de faire de Judy une star bien plus grande que Deanna : la suite prouvera qu’il savait ce qu’il voulait.




Dans le film suivant Deanna et ses boys 1937, Deanna partage l’affiche avec le célèbre chef d’orchestre Stockovsky. Sa façon de chanter les arias de la Traviata laissait peut être un peu à désirer, mais personne ne lui en tint rigueur, tant le charme et la spontanéité de la jeune artiste enlevaient le morceau.
En 2 films, Deanna est devenue une adolescente superstar (elle recevra un oscar miniature en 1938). On décline son image sur des livres à colorier, poupées, etc…Un fan club est ouvert avec cadeaux distribués aux jeunes fans pouvant justifier, tickets à l’appui, d’avoir vu plusieurs fois chaque film de Deanna.Sa popularité est immense et dépasse de loin les frontières des USA (ce qui est loin d’être le cas pour toutes les vedettes d’Hollywood). En Grande Bretagne, elle est si célèbre qu’en 1942, un festival Deanna sera organisé dans tout l’état ! Tous les cinémas vont projeter tous ses films pendant la même semaine, en s’échangeant les bobines ! En Espagne, c’est tout simplement la vedette hollywoodienne LA plus populaire. En Italie, dans une lettre ouverte publiée sur un quotidien, Mussolini lui même( !) aurait demandé à Deanna de quitter Hollywood pour l’Italie fascite. Autre preuve, émouvante, de l’immense popularité de Deanna. A Amsterdam, dans le petit local où Anne Franck fut cachée deux ans avant d’être capturée par les nazis, on trouve une photo de Deanna au mur.Le premier baiser de Deanna à l’écran (à Robert Stack) fera la une des journaux.Parmi ses films les plus sympathiques, on retiendra « Chanson d’avril 1940 » délicieux musical léger comme une viennoiserie, et surtout « Eve a commencé » 1941, où Deanna devenue entre temps une jeune adulte au charme lumineux forme un tandem épatant avec Charles Laughton.Globalement, les films sont des comédies très légères qui ne valent que par le charme indéniable de son interprète. Sa voix de soprano claire et naturelle (très loin de la voix grinçante ou pisse vinaigre des autres soprano de l’époque : Jeanette Mac Donald ou Irène Dunne) leur confère un atout supplémentaire, bien évidemment.


Jeune mariée, Deanna envisage de quitter le cinéma en pleine gloire en 1942, mais on lui fait comprendre qu’en pleine seconde guerre mondiale, des films comme les siens sont utiles pour le moral des troupes et de la nation. Elle signe à nouveau avec l’Universal pour un contrat juteux. Jean Renoir, ni plus ni moins est engagé pour diriger son nouveau film « la femme du commodore »1943, qui raconte l’histoire d’orphelins chinois pris dans la tourmente de la guerre, mais celui-ci après avoir tourné quelques scènes abandonne le film. Le résultat est bancal. En revanche, la sœur de son valet(1943) habilement réalisé par Frank Borzage est une réussite. La fraîcheur et la spontanéité de Deanna font merveille dans cette délicieuse comédie. Quant aux chansons, du medley russe au merveilleux aria de Turandot, elles sont divinement chantées


Après une opérette « la Caravane d’Amour » filmée en couleurs, en décors naturels (qui annonce déjà Oklahoma), Deanna s’essaie au drame avec « Vacances de Noël » de Siodmak. Abandonnant son personnage de conte de fées, on la retrouve entraîneuse dans un cabaret, menacée par un mari violent et psychopathe. C’est très réussi. La remarquable performance de Gene Kelly y est pour beaucoup. Le producteur Felix Jackson, son deuxième mari (bien plus âgé qu’elle), prend alors en mains sa carrière. Il oriente Deanna vers les comédies (en réduisant le nombre de chansons), lui donne un look extrêmement sophistiqué, ce qui ne sera pas un choix judicieux. Deanna mène l’enquête (1945), un pastiche de film noir très agréable sera son dernier succès commercial. Il semble qu’à la fin, Deanna Durbin se soit totalement désintéressée de son travail d’actrice. Elle interrompait les tournages pour organiser des buffets campagnards dans sa loge avec tous les machinistes . Ne sachant quelle robe choisir pour le numéro final de « Caravane d’amour », elle optera pour les deux ! Ainsi, on voit Deanna descendre les escaliers en robe noire et finir sa chanson en robe blanche ! « on s’en fiche, c’est une comédie musicale », aurait elle indiqué au metteur en scène. Sa carrière s’arrête en 1949, et elle ne refera plus jamais de cinéma ni parler d’elle.(malgré des propositions venues d’Italie et de la MGM qui aurait voulu l’engager pour un film avec Mario Lanza). Remariée pour la 3ème fois avec Charles Henri David, le réalisateur de Deanna mène l’enquête, elle s’installe à Neauphle le château dans les Yvelines. En 1978, elle accorde une unique interview à Ciné revue dans laquelle elle déclare adorer vivre en France, où elle peut garder l’incognito. Cette même année, elle eut un voisin célèbre : l’ayatollah Khomeiny venu trouver refuge en France.Deanna Durbin a refusé d’être interviewée par Frédéric Mitterrand pour « Etoiles et toiles ». En revanche, elle était restée loyale à ses fans auxquels elle ne refuse pas de photos dédicacées. Elle est décédée à Paris, le 17 avril 2013, dans la plus grande discrétion.  Si vous voulez (re)découvrir cette lumineuse chanteuse des années 40, je vous suggère le coffret sorti aux USA « sweetheart pack », car il est sous-titré en français.


2 commentaires:

  1. Deanna Durbin est morte fin avril 2013 à Neauphles.

    Un utilisateur de IMDb rapporte un etrait de la lettre qu'elle envoya aux journaux en 1958 :
    “I was a typical 13-year-old American girl. The character I was forced into had little or nothing in common with myself — or with other youth of my generation, for that matter. I could never believe that my contemporaries were my fans. They may have been impressed with my ‘success.’ but my fans were the parents, many of whom could not cope with their own youngsters. They sort of adopted me as their ‘perfect’ daughter.”

    "J'étais une adolescente américaine typique. Le personnage qu'on me forçait à jouer avait bien peu de choses en commun avec moi-même, ou avec les filles de ma génération. Je n'ai jamais pu croire que mes contemporaines pussent être mes fans. Impressionnées par mon succès, peut-être, mais mes fans étaient en fait les parents, dont beaucoup n'arrivaient pas à se débrouiller avec leurs propres enfants. En quelque sorte ils m'adoptèrent comme leur fille parfaite."

    J'aime bien cette déclaration.

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