vendredi 20 février 2009

Sabah, étoile du Liban










Il fut une époque bénie où le Liban constituait un endroit paradisiaque, souvent utilisé dans les comédies musicales égyptiennes (diffusées dans tous les pays arabes) comme décor pour les scènes romantiques. Dans les années 60, la grande vedette du film musical, Sabah triomphait en chantant « Allo Allo Beyrouth, S'il vous plait, ô prunelle de mes yeux, passez moi Beyrouth et faites vite pour me passer la ligne ». En espérant qu’un jour la paix règne enfin au proche orient, évoquons aujourd’hui la carrière de Sabah.


Néé en 1927 (ou bien avant diront certains), la libanaise Janet Fighali va devenir sous le pseudonyme de Sabah (qui signifie « matin » en arabe), une des plus brillantes chanteuses du monde oriental. Très vite engagée par les studios de cinéma du Caire, elle débute sa carrière pendant la seconde guerre mondiale. Le Caire représente depuis des années déjà la Mecque du cinéma arabe, et les comédies musicales la majeure partie de la production, pour une raison fort simple : les dialectes étant très divers dans les pays arabes, les films musicaux, à l’intrigue toute simple, et regorgeant de chansons passent sans problèmes les barrières linguistiques et sont adoptés avec ferveur de l’Algérie jusqu’en Arabie Saoudite.Certes, compte tenu du manque de moyens et de bons réalisateurs, les films sont parfois bien rudimentaires, les intrigues très mélodramatiques et bourrées de clichés, le jeu des comédiens souvent forcé… en revanche, on ne peut nier le talent des chanteurs qui participent à ses films tels les mythiques Farid El Atrache et Oum Kalsoum.


Sabah, avec son visage poupin et son regard malicieux est très vie cataloguée dans les rôles de jeunes filles pauvres, dont les affaires de cœur sont contrariées : cela finit souvent bien, et elle épouse le prince charmant à la fin. Sabah n’est pas une grande comédienne, mais elle a une superbe voix. Dans Monsieur Rossignol (1946), Sabah joue aux cotés du grand Farid El Atrache. Dans un décor fait de grandes notes de musique, qui se veut Hollywoodien mais qui évoque davantage les films allemands de Georg Jacobi, Sabah n’est nullement éclipsée par le mythique chanteur. Elle le retrouve dans la Chanson de mon amour (1954) et Comment t’oublier (1956) tous les deux d’Ahmed Badrakhan . Dans le premier film, elle est manipulée par sa mère, qui veut lui faire épouser son amant, un propriétaire de casino, pour détourner l'attention de ses infidélités.Dans le second, Sabah tient un rôle plus fantaisiste. Remuante et espiègle, elle est moins guindée que dans ses premiers films. Elle y chante un entraînant « Zanouba » tandis que Farid, qu’on a souvent comparé à Tino Rossi, ajoute à son répertoire oriental un tango !

Il est difficile de répertorier tous les films que Sabah a pu interpréter. Certains en dénombrent plus de 65. Lors d’une visite à la bibliothèque de l’institut du monde arabe, en consultant des catalogues, j’avais été effaré par la multitude de films que la chanteuse avait pu tourner entre 1945 et 1965 : Parmi ceux que rediffusent volontiers les télévisions égyptiennes, figure la rue de l’amour (1958) avec une autre légende de la chanson arabe, Abdel Halim Hafez, le « rossignol brun », dont le style , a , à mon goût , moins vieilli que les interprétations de Farid. Ce film, ressorti en DVD (et fort bien restauré) est hélas plutôt mauvais.Dans les années 60, avec le déclin progressif du film musical, Sabah va davantage se tourner vers les cabarets. C’est à cette époque qu’elle enregistre son tube « allo Beyrouth » -(qui sera filmé en scopitone, pour les cafés parisiens accueillant une clientèle immigrée).Sur un plan sentimental, Sabah fait aussi parler d’elle. Elle va se marier…10 fois ! (Dont une avec le compositeur Balig Hamdy et une avec la star de cinéma Rushdy Abaza : une union qui ne durera pas plus de 3 jours !).


Ce qui est le plus étonnant dans la carrière de Sabah, c’est sa longévité. Alors que les plus grands mythes de la chanson arabe sont décédés ou retirés depuis longtemps, Sabah est toujours présente.Décolorée en blonde, liftée et reliftée, toute de rose bonbon et de paillettes vêtue, elle continue à chanter (sur des scènes bien plus petites qu’autrefois), à enregistrer des chansons, sur des tempos plus modernes et des clips diffusés sur les télévisions arabes. Sa voix n’est plus vraiment ce qu’elle était, la qualité de ses chansons pas toujours optimale (elle a repris le célèbre « Mustafa (chérie je t’aime) des années 60), on ne sait plus quel âge lui donner. Mais c’est un mythe, auquel on rend hommage quand elle est de passage à la télé libanaise (dans le Star Academy local notamment).En 2002, Sabah a fait scandale en épousant un jeune homme de 22 ans (qui aurait pu être son petit fils, voire arrière petit fils), qui avait remporté le concours de Mr Liban. (Déjà que cette situation n’est pas bien vue ici, imaginez au proche orient !). Leur histoire ne durera pas et Sabah avouera qu’il s’agissait seulement d’une tactique pour lancer le jeune aspirant comédien.Assez déprimée dernièrement, Sabah a annoncé sur une radio qu’elle n’attendait plus que la mort à présent. Souhaitons à cette talentueuse chanteuse et vedette d’un cinéma disparu et mythique encore de beaux jours, ainsi que la paix pour son pays et tout le moyen orient.

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