dimanche 21 février 2010

Yvette Lebon, le plus beau regard du cinéma français, va fêter ses 100 ans cette année









Vedette de cinéma des années 30 au regard magnifique, partenaire des plus célèbres chanteurs d’avant guerre, Yvette Lebon va fêter ses 100 ans dans quelques mois. L’occasion de rendre hommage à une des plus belles actrices de l’histoire du cinéma français, avec laquelle je n’ai aucun lien de parenté proche, même si nous partageons le même patronyme. Une carrière un peu chaotique qui s’étale sur plus de 40 ans, même si peu d’œuvres marquantes s’en détachent, la comédienne ayant toujours favorisé, par goût personnel ou par stratégie les spectacles populaires et les films de genre de l’opérette aux péplums en passant par les films de cape et d’épée.

Née en 1910 à Paris, Yvette Lebon prend très jeune des cours de danse et de peinture . et fait un peu de figuration dans quelques opérettes filmées avec Henry Garat. Sa silhouette élancée et la grande beauté de ses yeux en amande ne laissent pas indifférent. Le réalisateur Marc Allégret la remarque lors d’une audition. Il envisage de la faire jouer dans une adaptation de Barbe bleue qui ne verra jamais le jour et lui confie finalement un rôle dans Zouzou dont la vedette est Joséphine Baker. Dans ce film au scénario très convenu, la célèbre artiste black est amoureuse de Jean Gabin, son camarade d’enfance qui n’a d’yeux que pour Claire (comme le prénom est bien choisi!) incarnée par Yvette Lebon. Décolorée en blond platine (comme Jean harle la grande star du moment), Yvette danse la java dans les bras du puissant Jean qui lui chantonne un air canaille à l’oreille sous l’œil attendri de Miss Baker. En 1935, elle tient un rôle secondaire dans Divine de Max Ophuls.
Mais Yvette Lebon va surtout paraître dans des films musicaux aux cotés des chanteurs les plus populaires du moment. Dans Marinella(1936) ,un énorme succès commercial, elle est une modeste dactylo qui se produit incognito dans des spectacles sous le nom de la chanteuse masquée . Le sort faisant bien les choses, elle s’éprend du chanteur masqué, Tino Rossi. Inutile de rappeler que la rumba Marinella entonnée par le chanteur corse obtint un succès extraordinaire et durable. Si Henri Jeanson dans le canard enchaîne n’est pas tendre avec Tino Rossi« ses yeux sans regard ont quelque chose de pathétique », il déclare « qu’Yvette Lebon agite autour de Tino une paire de jambes dont il ferait volontiers son ordinaire ».
Après le chanteur corse, c’est au tour du chanteur avignonnais Antonin Berval de chanter la sérénade à Yvette dans Romarin (1937) et notamment « qu’il est beau le chemin ». C’est en effet la grande vogue des opérettes méridionales de Vincent Scotto (auteur de la musique du film et de tant de ritournelles inoubliables) dont la popularité et la bonne humeur communicative gagne la France entière.
Dans un autre registre vocal mais sur un scénario du même acabit, c’est ensuite Jean Lumière (encore dans un rôle de chanteur incognito!) qui chante la romance aux cotés d’Yvette. Spécialisé dans le répertoire de Delmet, réputé pour la clarté de sa voix et la délicatesse de ses interprétations, il interprète ici des airs de Paul Misraki. Après ce t autre succès commercial, Yvette est la vedette sur scène de l’opéra bouffe d’Albert Willemetz et d‘Arthur Honegger (!) « les petites Cardinal » où elle chante aux cotés de Saturnin Fabre et de Monique Rolland . Un passage sur scène qui ne fera pas particulièrement sensation (l’opérette qui sera adapté à l’écran, sans la musique et les chansons 12 ans plus tard).

Lors du tournage de Gibraltar (1938), un drame de guerre de Fedor Ozep, elle fait la rencontre de Roger Duchesne qui devient son premier mari. L’actrice adopte alors un look plus naturel en abandonnant les teintures platinées. Les revues de cinéma donnent des conseils aux spectatrices qui voudraient lui ressembler. Ciné Miroir recommande de « ne pas épiler les sourcils, et le soir vous pouvez vous permettre des fleurs et des coquillages dans les cheveux pour ajouter à l’air un peu asiatique de votre visage ».
Yvette Lebon est très active pendant l’occupation; Déjà séparée de Duchesne, on la voit beaucoup au bras de Jean Luchaire président de la corporation nationale de la presse française, grand séducteur devant l‘éternel avec lequel elle aurait fréquenté les soirées du tout Paris et des endroits aussi peu recommandables que le siège de la gestapo française si l’on se réfère aux romans de Patrick Modiano . Corinne, la fille du célèbre collaborateur dressera d’ailleurs un portrait fort peu flatteur d’Yvette dans son autobiographie, à laquelle elle décoche quelques piques venimeuses. En attendant, la belle Yvette est fréquemment en couverture de Toute la vie, Vedettes et des quelques revues sorties pendant la guerre. Elle donne la réplique à Charles Trenet dans la romance de paris (1941), encore un film sans ambition sur les difficultés d’un aspirant au vedettariat dirigé par Jean Boyer spécialiste du musical français. En 1943, Yvette Lebon rencontre Sacha Guitry dont elle va partager la vie quelques temps. Il lui offre un rôle (enfin) intéressant dans le fabuleux destin de Désirée Clary (qui fera l’objet d’une adaptation à Hollywood avec Marlon Brando), un film très réussi. A la libération, Guitry fait un peu de prison tandis qu’Yvette, qui a tourné plusieurs films pour la Continental, tente de se faire oublier à la campagne.
A la fin des années 40, Yvette Lebon rencontre le producteur Nathan Waschberger, qui avant-guerre s’est chargé de la distribution en Belgique de films américains avant de travailler avec George Jessel. Il va offrir à son épouse qui n’a plus rien joué depuis des années des rôles de femmes fatales dans les films « grand public » de qualité souvent discutable qu’il produit en Italie. En tous les cas le premier de la liste est plutôt réussi : il s'agit d'une nouvelle version des trois mousquetaires, au rythme haletant. Après Lana Turner elle incarne une convaincante Milady de Winter dans Milady et les mousquetaires (1952) aux cotés de la star hollywoodienne Rossano Brazzi. La caméra de Cottafavi, un pro du cinéma de genre, s’attarde sur le visage magnifique et expressif d’Yvette qui effectue ainsi un come-back que personne n'attendait. Puis on la retrouve dans le prince au masque rouge encore une adpatation soignée de Dumas par Cottafavi, les mystères de Paris (version italienne avec Frank Villard à ne pas confondre avec celle d'Hunebelle sortie 6 ans après), les nuits de Raspoutine ou Ulysse contre Hercule. Du cinéma de papa, snobé par les critiques parisiens. Toujours plus blonde et séductrice, elle joue deux fois aux cotés de Gérard Barray, fameux acteur des films d’action européens des années 60 et apparaît dans des rôles de plus en plus modestes jusqu’au début des années 70. Avec son mari, elle partage les échecs (comme le film sur la shoah qu’il avait produit pour Jerry Lewis en 1972 - sorte de précurseur de la vie est belle de Benigni- qui ne gagnera jamais les écrans, ou le films sur l‘Atlantide abandonné par un Frank Borzage trop malade pour assurer le tournage) ou les succès qui lui permettront de mener une retraite très dorée à Beverley Hills. Dans les années 70, on l’aperçoit de temps à autres dans des soirées mondaines ou sur des yachts en compagnie de la jet set .Toujours très belle, on lui donnerait facilement 20 ans de moins, sur la photo paru en 1976 dans un magazine de mode.
Yvette Lebon a perdu son mari en 1992. Son fils Patrick a pris la relève. Président de Summit Entertainment, il a notamment produit M et Mme Smith en 2006 avec Brad Pitt, un gros succès commercial.
Yvette Lebon était présente en mars dernier lors de l'inauguration à Cannes d'une allée dédiée au grand crooner français Jean Sablon.
Les films qu’Yvette a tourné avec Tino Rossi et Trenet sont disponibles en DVD. L'occasion de redécouvrir celle qui fut la plus ravissante actrice du cinéma français.










9 commentaires:

  1. comme quoi M jeanson , qui a vu clair pour Y Lebon, n'a pas saisi toutes le possibilités de Tino Rossi qui a quand même fait une jolie carrière ..... Encore longue vie et beaucoup de bonheur à Mme Y. Lebon

    RépondreSupprimer
  2. Du bonheur, elle en a eu sûrement davantage que les victimes de ses amis de la Gestapo française.

    RépondreSupprimer
  3. ces filles sont des courtisanes, qui vont là où le vent souffle, même si ça ne sent pas très bon... après, elles jouent les étourdies sans "conscience" politique et...on leur pardonne! ainsi va la vie (même si tout le monde n'a pas la mémoire courte)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Elle était tout sauf une courtisane. Elle a su se retirer quand il le fallait du cinéma. Elle s'est mariée et a eu des enfants. D'ailleurs, un de ses fils est le dirigeant d'une grande multinationale américaine. Les courtisanes finissent mal, c'est pas son cas.

      Supprimer
  4. Tout le monde l'avait oublié depuis longtemps et on savait bien pourquoi ....

    RépondreSupprimer
  5. Jean harle est en fait Jean Harlow

    RépondreSupprimer
  6. Ridicule. Si fréquenter les Allemands pendant la guerre suffisait à faire d'elle une collabo, que dire d'Arletty qui elle en avait un dans son lit à la même époque. Arletty ou Yvette Lebon ont cotoyé (y compris de très près) des Allemands, cela ne les rend en rien complices des actes des autres. Sinon le cinéma d'après guerre aurait été bien désert. D'ailleurs si Madame avait eu une vraie conscience politique collaborationiste elle n'aurait jamais épousé un Nathan Waschberger, et encore moins d'avoir un fils de lui ! Que les héros justiciers, du haut de leur confort actuel, se demandent s'ils n'auraient pas, eux aussi, accepter de se compromettre à l'époque pour pouvoir survivre. C'est toujours facile d'être moralisateur à l'encontre des autres quand on juge leurs actes 70 ans après au coin du feu.

    RépondreSupprimer
  7. En ce qui concerne Arletty à qui on lui reprochait sa liaison avec un officier allemand elle répondit: il ne fallait pas les laisser entrés:

    RépondreSupprimer