mardi 24 février 2009

Sonja Henie, la fée blanche





Au Panthéon des grandes gloires du film musical hollywoodien, outre de brillantes chanteuses, de magnifiques danseuses et quelques fantaisistes, figurent une nageuse (Esther Williams) et une championne de patinage artistique, la norvégienne Sonja Henie.



Née en 1912, la petite Sonja se passionne dès son plus jeune âge, comme beaucoup d’autres fillettes norvégiennes, pour le patinage. Très douée, elle participe à de nombreuses compétitions. En 1924, elle chute sur la glace lors des jeux olympiques de Chamonix. Cruellement déçue, elle demande à son père (un riche vendeur de fourrures) à bénéficier d’un entraînement intensif auprès d’éminents professeurs de patinage. Sa rage de vaincre sera payante : elle décroche la médaille d ‘or aux jeux olympiques de 1928, 1932 et 1936. A Berlin, Hitler, émerveillé par sa prestation la salue fort chaleureusement. Extrêmement déterminée, Sonja décide alors de gagner les Etats-Unis pour entamer une carrière au cinéma. Elle convoque Darryl Zanuck, le patron de la 20th century Fox, et d’autres personnalités du monde du cinéma dans une patinoire afin d’y donner un grand spectacle. Ebloui par sa prestation, et intéressé par la popularité de la jeune championne, Zanuck lui propose alors d’apparaître en guest star dans un musical. Sonja refuse : elle exige un rôle principal dans un film entièrement bâti autour d’elle. Dubitatif, Zanuck lui propose un salaire de 10 000 dollars pour le film. Finalement, devant les exigences de la sportive, il topera pour 75 000 dollars !



One in a million (1936) sera un succès commercial. Sonja Henie joue (?) avec autant d’émotions qu’une souriante poupée de bois. Avec le look de fillette que lui a concocté la Fox (en raison de son manque total de sex-appeal ?), et ses frisettes, elle ressemble à Shirley Temple. Cependant, elle patine remarquablement et excelle dans les pirouettes qu’elle exécute avec une telle rapidité, qu’on dirait vraiment un « tourbillon blanc » pour reprendre le titre français du film. Ne connaissant rien dans le domaine du patinage, je me fourvoie peut être, mais il me semble que même si les prestations de Sonja ont du paraître extraordinaires à l’époque, elles doivent être très dépassées maintenant. La sportive me semble très rigide dans ses mouvements… Avis aux spécialistes !Dans Prince X (1937) et l’étoile du nord (1938), elle partage la vedette avec Tyrone Power, la nouvelle coqueluche d’Hollywood. Si la presse parle beaucoup d’une idylle entre Sonja et le nouveau play-boy de l’écran, ce dernier épousera finalement la vedette française Annabella. Le succès des deux films lui vaut de paraître trois années de suite dans le top ten des stars du box office.Parallèlement à sa carrière cinématographique, Sonja se produit dans des revues sur glace aux USA et en Europe, lance différents produits dérivés (patins, poupées, gants portant son nom) et même des écoles de patinage. C’est extrêmement rentable, et Sonja n’a pas son pareil pour faire fructifier la fortune qu’elle amasse.Compte tenu de son jeu plus que limité, Les cinéastes ont néanmoins du mal à lui concocter des films et surtout à y insérer par ci par là des scènes de patinoire !


Au début de la seconde guerre mondiale, Sonja acquiert la nationalité américaine. On lui reprochera par la suite d’avoir attendu pas mal de temps avant de soutenir les alliés. Un excellent documentaire diffusé sur ARTE, raconte également que Sonja craignait que les nazis n’envahissent et ne saccagent sa superbe propriété d’Oslo. Elle avait laissé à l’entrée de sa maison norvégienne, une photo dédicacée d’Hitler. Une idée efficace, mais qui lui vaudra quelques ressentiments de la part des norvégiens à la fin du conflit (on lui a également reproché son fameux salut à Hitler lors des jeux olympiques de Berlin).En 1941, Sonja joue dans son meilleur film, Tu seras mon mari, un musical des plus agréables, bénéficiant surtout de magnifiques mélodies d’Harry Warren et de l’orchestre de Glenn Miller, au sommet de son art (on y entend même l’ultra célèbre « in the mood », succès intemporel, qui fera un malheur en France à la libération – tu seras mon mari sera le 1er film américain diffusé chez nous après l’occupation) : en fait, même sans Sonja Henie, le film aurait été un succès. Mais comme en plus, pour une fois, elle joue plutôt correctement son rôle de jeune réfugiée, et que son charme naïf colle vraiment avec le personnage, sa présence est un atout supplémentaire. Le film se termine sur une grande scène de revue sur glace, avec de la glace teinte en noire, ce qui donne un aspect particulièrement élégant au numéro. Le contrat de Sonja prévoyait que tout jour supplémentaire de tournage serait facturé à un prix exorbitant. Devant l’appât du gain, Sonja fit exprès de chuter sur la glace juste avant la fin du film, lors du dernier tour de manivelle. Couverte de glace noire, elle demanda un jour supplémentaire pour filmer correctement la scène finale. Furieux, Zanuck refusa de recommencer la séquence et de s’exposer à des frais supplémentaires : il fit couper la scène de la chute, et le numéro sur glace finit donc en queue de poisson avec des images d’archives de Sonja et John Payne skiant pour clore le film !



Suite aux résultats décevants de ses deux films suivants, son contrat à la Fox ne sera pas renouvelé. L’échec de la fée blanche (à la RKO en 1945) et de la Comtesse de Monte Cristo (Universal 1948), son premier film en couleurs, vont clore sa carrière à l’écran. De toute façon, les exigences salariales de Sonja n’étaient plus à la hauteur de son succès dans les salles obscures. Elle se tourne alors plus que jamais vers les revues sur glace dont les célèbres « Holidays on ice », et des tournées dans le monde entier. Hélas, avec les années et l’alcool, les mariages ratés et les illusions perdues (son coup de foudre pour Clark Gable ne débouche sur rien de durable), ses talents s’amenuisent, ses sauts périlleux ne décollent quasiment plus du sol… et elle finit, à sa grande honte, pas s’étaler sur la patinoire lors d’un spectacle au Brésil.[img]Après un petit film tourné à Londres en 1958, Sonja quitte complètement le show business. Multi millionnaire, elle est à l’abri du souci et consacre son temps à l’achat et la collection d’œuvres d’art moderne pour lesquelles elle a un goût très sûr.Elle meurt en 1969 de la leucémie. Peu avant son décès, elle avait offert à la ville D’Oslo un musée d’art moderne, avec les nombreuses toiles qu’elle avait amassées par le passé.Malgré quelques tentatives, Hollywood ne parviendra pas à lancer durablement d’autres patineuses à l’écran : Belita (décédée en France en 2005) tournera un peu dans les années 40, Vera Ralston se tournera rapidement vers les westerns.




La patineuse Belita finira sa vie en France. Elle tient un tout petit rôle dans la belle de Moscou (sans patins).


Il serait plus opportun d’aborder la carrière de Vera Ralston, la femme du patron de la Républic, dans le topic sur les actrices de western car l'ex- collègue de Sonja a rapidement abandonné les films sur glace.
En Allemagne, plusieurs films sur glace triompheront sur les écrans. Si techniquement, ceux ci sont moins bien filmés qu’aux USA (pour les films d’Henie, des caméras pivotantes avaient été fixées au milieu de la patinoire pour mieux suivre ses mouvements), les numéros dansés sur glace sont curieusement mis en scène avec plus d’imagination : notamment dans le rêve blanc 1943 (un des plus gros succès du cinéma de l’époque nazie avec Wolf Albach Retty le père de Romy Schneider), rêve de jeune fille (1958) avec la championne Ina Bauer (peut être encore plus mauvaise actrice que Sonja, mais brillante patineuse) et le skieur Toni Sailer, puis dans les années 60, les films du couple Hans Jürgen Baumler et Marika Kilius (enfin, pour les passages sur glace, le reste n’étant que comédie insignifiante).

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