dimanche 19 avril 2009

Elfie Mayerhofer, le rossignol viennois



En évoquant tour à tour les vedettes du cinéma musical international, nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’aborder le bel canto. Si aux Etats-Unis, certains chanteurs d’opéra eurent l’occasion de figurer dans quelques films (notamment au milieu des années 30 où le triomphe de Grace Moore avait entraîné un engouement finalement assez bref pour ce genre), en Europe et notamment en Allemagne et en Italie, le public goûtait davantage ce style ce qui permit à des grandes voix comme Maria Cebotari ou Rudolf Schock de faire de belles carrières non seulement sur les scènes les plus prestigieuses mais aussi à l’écran. Aujourd’hui, on se focalisera sur celle du rossignol viennois Elfie Mayerhofer.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le rossignol viennois est né en Yougoslavie (actuellement Slovénie) en 1917(mais de parents autrichiens), et c’est dans son pays natal qu’elle a suivi ses premiers cours de chant et chanté dans les églises avant de poursuivre ses études en Suisse puis à Vienne. Sa très jolie voix de soprano est très vite remarquée et la jeune chanteuse obtient une bourse pour pouvoir financer ses études. En 1935, on la retrouve ainsi sur les bancs de la prestigieuse Grande école de Berlin avec Elizabeth Schwarzkopf. Après avoir tenu avec succès le rôle de Chérubin dans les noces de figaro de Mozart, la chanteuse est engagée au Staatsoper de Munich où va ensuite enchaîner les rôles les plus convoités (Mimi dans la Bohême, Violetta de la Traviata, Pamina de la flûte enchantée, en ne dédaignant pas non plus les opérettes, genre extrêmement populaire (la veuve joyeuse, princesse Czardas …).

Surnommée le rossignol viennois en raison de la clarté de sa voix, la jeune colorature ne laisse pas insensible les producteurs de cinéma. Il faut dire qu’elle est fort jolie avec ses yeux clairs en amande.
En 1938, la chanteuse fait ses débuts dans Femme pour Golden Hill, western dramatique made in Germany, dans lequel des pionniers font venir des femmes (notamment des prostituées) pour peupler une ville en devenir en plein désert, dans un milieu particulièrement hostile. Curieusement, Elfie, dans un rôle de futur épouse qui tombe malade dans la ville abandonnée, ne chante pas du tout et laisse les airs du film à la fascinante Kirsten Heiberg, ersatz de Dietrich (oui, il n’y avait pas que Zarah Leander !), dans un genre très différent. En revanche, dans le sombre mélo Hôtel Sacher (1939), où l’on assiste à la préparation d’un complot à Vienne en 1913, dans une atmosphère politiquement tendue. Elfie, dans un rôle secondaire chante un air yougoslave.

Si depuis l’Anschluss de 1938, l’Autriche est annexée par l’Allemagne, on va continuer à produire pendant la guerre des pâtisseries viennoises, peuplées de soubrettes froufrouteuses, d’apprentis musiciens, de soldats en goguette illustrés de valse comme au bon vieux temps… pour arracher quelques instants les spectateurs de la triste réalité ou pour les abrutir ?

En tous les cas, comme Deanna Durbin aux USA, où Franceska Gaal avant guerre, Elfie sera la Cendrillon de ces jolis contes de fée rose bonbon comme Charivari (1940), le petit concert (1945 : une chanteuse à la recherche de son père découvre qu’il est roi) ou invitation à la valse (1941) avec Hans Moser et Paul Horbiger, indispensables seconds rôles du cinéma viennois.
Sans avoir les qualités des films réalisés par Willi Forst, le meilleur réalisateur du genre (Bel Ami, Opérette), ces productions inoffensives et surannées se laissent voir. Elfie est charmante avec son air réservé et timide et la lueur de malice qui brille dans son superbe regard.

Rediffusé sur ciné Classic, le chant du Rossignol (1944) est une petite comédie qui narre les péripéties d’une aspirante chanteuse qui trame maladroitement pour être engagée à l’opéra (en se faisant passer pour une authentique japonaise et jouer Mme Butterfly) : pas de quoi fouetter un chat, mais quelques jolis airs dont un célèbre extrait de l’opérette Gasparone et le plus fameux aria de Mme Buterfly (compte tenu de mon peu de connaissances dans le domaine lyrique, je me jugerai bien de noter la prestation de Miss Mayerhofer.- au secours, Francesco ! J’aime beaucoup sa voix, même si la qualité sonore défaillante ne doit pas lui rendre tout à fait justice) : en tous les cas, je l’ai trouvé fort mignonne en japonaise.
Après guerre, la chanteuse va se produire pour les troupes américaines et continuer sa carrière au cinéma dans les studios autrichiens, comme si de rien n’était.

Dans Mélodies viennoises (1947) avec Johannes Heesters, Elfie incarne des jumelles séparées à la naissance : l’une est élevée par des gens fortunés, l’autre connaît la misère mais grâce à ses talents vocaux, devient une célébrité et parvient à retrouver sa sœur dans la haute socitété. Derrière une romance très conventionnelle, on devine dans les scènes tournées en extérieur une Autriche ravagée par les bombardements. Anni (1948) dans lequel Elfie vit un cruel dilemme sentimental, a l’intérêt de proposer de très beaux extraits d’opéra chantés fort mélodieusement par la belle artiste : dommage que la copie VHS que l’on m’avait offerte, soir pixélisée à mort (le film ayant été enregistré en plein orage !),

Alors que la valse céleste (1949) est diffusée sur les écrans français, Elfie joue dans une opérette, la reine des valses, au Théâtre des Champs Elysées et enregistre plusieurs disques à Paris. Ces spectacles légers ne l’empêchent pas de figurer encore dans des projets plus ambitieux comme les Noces de Figaro sous la direction de Karajan avec Maria Cebotari pour le festival de Salzbourg, à la demande expresse de Karajan.
On aimerait bien découvrir Amour démoniaque, tournée en 1949, comédie du style le ciel peut attendre, qui paraît il aurait directement inspiré un film américain des années 80 avec Bill Cosby, ou le baiser n’est pas un péché (1950) avec Curd Jürgens en passe de devenir la vedette n°1 du cinéma allemand.
En 1952, Elfie quitte le cinéma pour se marier avec un architecte et tourne son dernier film, Mélodies perdues aux cotés du jeune Peter Alexander.
Après son divorce, la chanteuse va reprendre sa carrière et beaucoup chanter dans des opérettes filmées pour la télé (Madame Pompadour de Léo Fall) et enchaîner les tournées notamment aux USA, au canda et au Mexique jusqu’à la fin des années 70.
Elfie Mayerhofer est décédée en 1992.

Mis à part de rares films diffusés sur Cinéclassic, et un DVD déjà épuisé en Allemagne, les amateurs de lyrique voulant découvrir l’une des plus jolies cantatrice du cinéma, auront du mal ! même chose pour ses disques, si l’on excepte quelques chansons (comme le beau chant du rossignol du film du même nom) figurant sur des compils multi-artistes.

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