lundi 18 mai 2009

Maria Antonieta Pons, le cyclone des Caraïbes





Connaissez-vous la voluptueuse danseuse cubaine Maria Antonieta Pons qui pendant plus de 25 ans fut la star de très nombreuses comédies musicales au Mexique ? Il y a peu de chance car, sauf erreur, aucun de ses films n’a été exploité chez nous ! Depuis quelques années, ses films ressortent petit à petit en DVD au Mexique, et on peut enfin découvrir cette artiste et tenter de comprendre les raisons pour lesquelles les musicals dans lesquels elle tient la vedette ne sont jamais sortis contrairement à ceux de ses collègues Rosa Carmina et surtout Ninon Sevilla.
Films policiers situés dans des boites louches où la belle actrice danse frénétiquement (trop pour le public européen ?) des rumbas sensuelles, ou comédies ranchéras avec airs folkloriques entonnés par des mariachis, il s’agit de produits conçus une consommation strictement locale, qu’il n’est pas interdit de goûter pour les amateurs d’exotisme qui voudraient découvrir des spectacles plus typiques sans doute moins glamour et stylés que les musicals hollywoodiens,


Née en 1922 à La Havane, la brune Maria débute très jeune au théâtre avant d’être remarquée par la réalisateur espagnol Juan Orol, venu à Cuba réaliser une comédie musicale typique Siboney, ayant pour thème la célèbre rumba de Lecuona. Sur fond historique (rébellion des indépendantistes contre l’Espagne en 1868), le film raconte les déboires d’un impresario (interprété par Orol lui-même) épris d’une jeune et jolie esclave dont il ignore la véritable identité. A la fin du tournage, Juan Orol, fraichement séparé de Margareta Mora, sa précédente découverte, épouse la jolie cubaine et l’emmène avec lui pour une série de tournées aux USA. On raconte qu’Orol, grand séducteur et collectionneur de jolies femmes a exercé toutes sortes de métiers auparavant (toréro, joueur de base ball, boxeur…).

En 1942, le couple s’installe à Mexico et la danseuse est engagée pour une série de films musicaux comme Konga roja (1943, avec Pedro Armandariz) où sa sensualité fait merveille dans les scènes de danse. Attention, on est très loin de l’érotisme classe et aseptisé des films musicaux d’Hollywood et de sirènes comme Rita Hayworth ou Cyd Charisse. Elle se trémousse et remue les fesses à une allure folle. C’est chaud, très chaud, typique voire cru et aussi peu intellectuel que possible. Aussi, les classes les plus huppées de la société vont systématiquement snober ces films qui vont au contraire fédérer un public d’origine très modeste venus au ciné pour oublier sa misère et en avoir pour son argent. Il n’est pas rare d’ailleurs qu’à la fin de la séance la foule réclame à corps et à cris au projectionniste de repasser la bobine avec les passages dansés !

Si Maria Antonieta Pons tourne avec de nombreux réalisateurs, ce sont les films réalisés par son mari comme Embrujo antillano, tourné à Cuba qui vont faire sa gloire.
En 1946, Juan Orol tombe amoureux d’une autre danseuse cubaine, plus jeune et plus jolie que Maria Antonieta, la troublante Rosa Carmina : il la lance dans un mujer de oriente (1946) et fait d’elle une star et sa nouvelle femme. On notera au passage qu’Orol la laissera tomber en 1955 pour une autre jolie cubaine, Mary Esquivel dont il fera également son épouse et une vedette de l’écran. Dinorah Judith lui succédera dans les années 60 à la ville comme à l’écran. Quel parcours sentimental toujours étroitement lié à la vie professionnelle du réalisateur !

Néanmoins, en 1946, Maria Antonieta a acquis une telle popularité qu’elle n’a plus besoin de son mentor pour continuer sa carrière. C’est l’époque dorée des films de « rumberas» dont elle est une des égéries principales, voire le prototype avec Meche Barba, Ninon Sevilla et bien sûr sa rivale Rosa Carmina. Il s’agit de mélodrames situés dans des cabarets sordides où dégringolent de jeunes femmes pauvres, incapables d’échapper à leur fatale destinée. Histoires d’amour malheureuses, trahisons, prostitution et surtout des rythmes afro cubains à réveiller un mort (la rumba dans les années 40 puis le mambo et enfin le tcha tcha) sont les ingrédients efficaces de ses films de genre.

Un exemple typique et pas des meilleurs : la bien pagada (1948) pourtant réalisé par Alberto Gout (connu pour ses films avec Ninon Sevilla) inspiré d’une célèbre copla et disponible en DVD avec sous titres anglais. Une jeune fille très amoureuse d’un jeune homme attentionné succombe à son attrait pour le luxe et la richesse : elle devient danseuse dans un cabaret mal famé. La réalisation est rudimentaire, l’histoire nulle mais on peut apprécier la vivacité de la plantureuse danseuse qui se déchaine sur la piste de danse. Rien que les titres des films de l’artiste donnent une idée du genre « rumberas » : la femme du port (remake décevant d’un classique des années 30 avec Andréa Palma), un corps de femme, maison de perdition, ange ou démon. (Dans ce dernier, la belle danseuse incarne avec conviction une fille à la double personnalité : sage le jour et une entraîneuse fatale la nuit. Finalement, c’est son mauvais coté qui va l’emporter ! )

En somme, beaucoup, beaucoup de films (jusqu’à 6 par ans), mélodrames terrifiants sur l'infidélité conjugale, l'abnégation féminine, très inspirés des feuilletons radiophoniques mais hélas tous invisibles chez nous.
Si les films de la belle cubaine ne sont jamais exportés en France ni aux Etats Unis, elle a le privilège de figurer dans le film brésilien « Carnaval atlantida » en 1952, aux cotés de la crème des acteurs de musical de ce pays (Oscarito, Grande Otelo, Eliana Macedo), chose très rare pour l’époque, car les cloisons entre les cinémas brésiliens et mexicains étaient très étanches. Il s’agit d’un classique du genre « chanchada », une comédie délirante située dans les milieux du cinéma.


Les affiches aux couleurs éclatantes rendent justice à la sensualité de la star, souvent moulée dans des tenues transparentes. Dans la gaviota (1955), son premier film en couleurs, le cœur de Maria Antonieta balance entre un peintre et un beau marin, condamné au fauteuil roulant pour avoir courageusement défendu l’ honneur de sa belle ; Sans le sou, elle se retrouve dans un cabaret minable où elle tente de plaire à un public de marins ivrognes en susurrant une jolie rumba. Devant son insuccès et la menace d’un renvoi, la star callipyge ôte sa jupe et se met à danser en sous vêtements sexy avec frénésie en se trémoussant comme une possédée ; il faut le voir pour le croire, sans doute pas très gracieux mais unique en son genre ! Les talents de danseuse de Maria Antonieta et son incroyable façon de remuer une certaine partie de son anatomie lui vaudront d’ailleurs le surnom du « derrière » !

J’ai nettement préféré sa prestation dans Théâtre du crime, un who done it situé dans un music hall pendant la première d’une revue ; le sujet a été maintes fois traité à l’écran, mais les numéros musicaux, en couleurs sont sympas notamment ceux de Silvia Pinal et de Maria. Autre joli moment, la prestation de la star dans le bien nommé « la reine du mambo (1953) » cette danse popularisée par Perez Prado et son orchestre. Elle est imbattable pour cette danse.

La profusion des films de rumberas va finalement entrainer une saturation et une désaffection du public. En outre, des mouvements moralisateurs menés par le gouverneur de Mexico vont porter un coup fatal à ce genre de productions. Alors que Meche Barba et Amalia Aguilar se voient contrainte de mettre un terme à leur carrière, Maria Antonieta qui s’est remariée en 1948 avec le réalisateur Ramon Perada aborde une nouvelle phase de sa carrière avec des films musicaux folkloriques destinés à un public plus familial.

Ramon Pereda est en effet un ardent défenseur du cinéma moralisateur destiné à éduquer les masses. En résumé, les gentils l’emportent toujours sur les méchants. Si on peut apprécier les mélopées chantées par les mariachis, les intrigues sont trop simplistes comme celle des 4 Milpas (1958), remake d’un film dans lequel s’était illustrée la précédente épouse de Pereda, la très belle Adriana Lamar. On dirait un feuilleton de Zorro avec une famille de braves gens et un vilain méchant qui veut brûler le ranch du père de la jeune fille qui se refuse à lui. Curieux d’ailleurs que la comédienne âgée de 40 ans se mette ainsi de jouer les adolescentes de bonne famille après avoir incarné les pécheresses pendant près de 20 ans !
L’actrice ne danse plus beaucoup mais chante assez joliment. On la retrouve aussi dans des comédies loufoques avec les comiques les plus aimés du public mexicain comme Tin-Tan ou le bondissant Resortes.

L’échec de cana brava (1966) où elle donne la réplique à l’excellent chanteur folklorique Javier Solis met un terme à la carrière professionnelle de la danseuse et à celle de son mari Ramon Pereda.
Après le décès de son époux, la star va quitter l’écran et la vie mondaine pour se réfugier dans l’anonymat refusant les interviews et les nombreuses propositions pour jouer dans des feuilletons télés.

Elle s’est éteinte discrètement en 2004. Les meilleurs numéros dansés de la star cubaine viennent d’être réunis sur un DVD disponible à Cuba.

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