dimanche 17 mai 2009

Hildegard Knef, vamp fascinante du Berlin d'après guerre





Hildegard Knef, une des plus grandes divas du cinéma allemand, avait toute les qualités pour devenir une seconde Marlene Dietrich, et l’interprète de l’Ange bleu, très admirative la considérait d’ailleurs comme sa fille spirituelle. Pourtant il a manqué sans doute un Sternberg pour que la carrière de la fascinante jeune femme soit aussi brillante que celle de son inspiratrice. Néanmoins, compte tenu des nombreux obstacles qu’elle a du affronter, on peut néanmoins grandement admirer le parcours de l’actrice et chanteuse allemande qui a tourné pour les plus grands (Henry King, Henry Hathaway, Billy Wilder, Carol Reed, Duvivier, Chabrol…) et créé à Broadway un musical de Cole Porter. Et on ne peut qu’être fasciné par son étonnante voix rauque et son visage, probablement l’un des plus sensuels de toute l’histoire du cinéma. Née en 1925 à Ulm, Hildegard Knef décroche un job de dessinatrice au rayon animation des studios UFA. Ses liaisons avec le réalisateur Arthur Maria Rabenalt puis surtout Demandowsky, patron de la firme Tobis et bras droit de Goebbels, vont lui permettre d’obtenir rapidement des rôles importants dans des films tournés à la fin de la guerre, notamment « sous les ponts » drame réaliste, mis en scène par Helmut Kautner le plus prometteur des réalisateurs allemands.A la fin du conflit, l’actrice doit tout reconstruire (son amant a été exécuté en 1946). Après avoir fait un peu de théâtre pour les soldats américains mobilisés en Allemagne et assuré le doublage de certains films soviétiques, l’actrice est engagée dans les assassins sont parmi nous (1946), mélodrame tourné dans un Berlin en ruine qui dépeint avec habileté l’anéantissement moral et la culpabilité de toute une génération d’allemands. Le film est un succès international : le producteur David O Selznick, séduit par son interprétation et sa présence lui propose alors un contrat à Hollywood mais exige qu’elle cache ses origines allemandes (on peut se douter qu’à l’époque les allemands étaient plutôt mal vus aux States !) et adopte le pseudo de Gilda Christian, ce qu’elle refuse catégoriquement. (Elle prendra néanmoins la nationalité américaine) ;En 1950, Hildegard Knef fait scandale dans les confessions d’une pécheresse, non seulement parce qu’elle y parait nue quelques secondes mais aussi parce que le film traite de l’euthanasie (une prostituée amoureuse d’un homme plus âgé, atteint d’une maladie incurable l’aide à mourir) sujet cher aux nazis, déjà traité dans le film Suis-je un criminel interdit par les alliés à la libération. L’église catholique demandera l’interdiction du film. Toutes ces mesures finalement feront une énorme publicité à ce mélo, fort bien mis en scène par le talentueux Willi Forst, dont l’œuvre mériterait d’être redécouverte.Darryl Zanuck, attiré par ce battage médiatique engage la blonde actrice qui tourne 3 films à Hollywood avec des réalisateurs aussi prestigieux qu’henry King ou Hathaway. Néanmoins la conduite de l’actrice (elle enchaîne coup sur coup des liaisons avec les acteurs mariés Gregory Peck et Tyrone Power) dissuadent Zanuck de poursuivre son engagement avec une comédienne si sulfureuse (n’oublions pas qu’il doit par-dessus le marché cacher au public son ancienne liaison avec un haut dignitaire nazi).De retour en Europe, Hildegard Knef tourne en France (sous le pseudo Hildegarde Neff), la comédie frivole la fête à Henriette où elle campe une artiste de cirque très sexy) et en Angleterre (avec le grand Carol Reed).De retour en Allemagne, Hildegard joue et chante dans plusieurs films. En effet après avoir séduit les spectateurs en entonnant de sa voix rauque et sensuelle deux airs du répertoire de Marlène dans les neiges du Kilimandjaro (1952) (en anglais, en français et en allemand, selon l’endroit où le film est projeté), l’actrice va désormais intégrer quelques chansons à chacun de ses films.D’ailleurs c’est surtout le refrain mélancolique qu’elle fredonne dans Illusions -1952 (repris en France par Lys Assia) que l’on retient (dans ce mélo assez déprimant, elle incarne une cancéreuse). Deux cœurs, une mélodie (1951) de Willi Forst est un musical optimiste plutôt sympathique. Cependant le faible niveau de la production allemande de l’ère Adenauer, conventionnelle en diable, ne laissait guère à Hildegard Knef la possibilité d’hériter de rôles intéressants. Aussi la vedette retourne aux USA pour accepter un premier rôle dans l’adaptation musicale de Ninotchka, la belle de Moscou, avec Don Ameche. Séduit par sa façon très personnelle de chanter dans les neiges du Kilimandjaro, le compositeur Cole Porter a personnellement choisi l’actrice. Qui mieux qu’elle aurait pu débiter « Paris love lovers » ? [Encouragée par son amie Marlene Dietrich, la star triomphe et la presse souligne « sa merveilleuse performance ». Pour des raisons bassement contractuelles la liant encore à la Fox, l’actrice sera obligée de refuser l’offre de la MGM qui lui propose de reprendre son rôle à l’écran (Cyd Charisse reprendra la relève). De toute façon, le magnétisme particulier et un peu androgyne, la voix chargée et la sensualité sophistiquée et très affirmée de Miss Knef auraient-ils convenu aux spectateurs américains sous le charme de nouvelles bombes sexuelles latinos et des blondes écervelées dans la mouvance de Marilyn et de Jayne Mansfield ?De retour en Allemagne, Hildegard Knef joue dans Madeleine et le légionnaire (1958) qui traite de façon très malhabile de la guerre d’Algérie : dans ce film, l’actrice joue le rôle d’une institutrice qui épouse la cause algérienne et quitte sa patrie : il sera interdit en France.A Paris, l’actrice joue dans l’insipide « fille de Hambourg » de Marc Allégret dont on peut retenir la chanson principale écrite spécialement par Boris Vian pour la belle allemande ;Je ne peux que conseiller aux amateurs de musical de visionner la version 1962 de l’opéra de 4 sous avec Sammy Davis jr. Rediffusée en son temps sur Canal+, c’est une adaptation très réussie qui n’a pas à rougir d’une comparaison avec le film de Pabst. Quant à Hildegard, elle est fascinante quand elle fredonne le chant de Barbara dans le bordel : on se croirait devant une toile de Toulouse Lautrec.Avec la déconfiture du cinéma allemand, l’actrice va recentrer, avec succès, sa carrière sur la chanson avec un répertoire de diseuse moderne que n’aurait pas renié Juliette Gréco. Ironie, sensualité, phrasé impeccable sont les principales qualités de ses interprétations, qui sur un plan strictement musical sont loin d’être parfaites (Ella Fitzgerald la surnommera la plus grande chanteuse sans voix du monde). Son magnétisme est très bien mis en valeur dans les shows télé auxquels elle participe et interprète avec une sensualité torride fever de Peggy Lee ou des airs de Bert Kaempfert.En 1968, Hildegard remporte son plus grand succès discographique avec für mich soll immer rote rosen regnen » un petit bijou, qu’elle interprète merveilleusement.En 1970, elle rédige son autobiographie où elle révèle sa liaison avec le bras droit de Goebbels : salué pour sa franchise et ses qualités littéraires, le roman « à cheval donné » est un triomphe sans précédent (la plus forte vente en librairie en Allemagne depuis 1945 !) ;Mais après de tels sommets, le sort va de nouveau s’acharner contre l’artiste. Guérie d’un cancer du sein, elle joue avec Henry Fonda dans Fedora, brillant film de Billy Wilder et vibrant hommage à la fascination du cinéma et aux stars d’autrefois. Marthe Keller y tient le rôle d’une star mystérieuse des années 30, inspirée par Garbo, vivant en recluse et restée mystérieusement jeune. En fait au fil de l’intrigue on découvre qu’elle est en réalité la fille de l’ancienne vedette (Hildegard Knef) qui cache ses rides et sa solitude. Un superbe film qui n’aura absolument aucun succès. Fatigué par l’exploitation que fera Hildegard Knef de sa lutte contre son cancer (à l’époque, il était indécent de parler de cette maladie), ses liftings, ses frasques, ses problèmes fiscaux, le public allemand va finir par se détourner d’elle tandis que la presse à scandale va s’acharner sur elle avec une rare férocité. Sa tournée mondiale est un flop terrible : elle doit annuler presque toutes les dates. En 1982, elle rédige une série d’articles consacrée à Romy Schneider qui vient de décéder, en prétendant qu’elle était une amie proche, ce que démentira Magda Schneider, la maman de la comédienne, qui qualifiera Hildegard d’opportuniste. On colporte qu’elle est devenue alcoolique et accro à la morphine. Très atteinte par ces attaques successives, l’actrice revient progressivement à la surface, notamment en jouant sur scène dans le musical Cabaret. En 1993, le groupe de rock Extrabreit a la bonne idée de reprendre en duo avec elle son fameux tube de 1968, dans une version rock très dépoussiérée et plutôt réussie dans son genre : c’est un triomphe et l’artiste est à nouveau invitée dans les shows télé où le public lui réserve une standing ovation (je me souviens notamment de sa belle prestation –en play-back hélas) au Patrick Lindner show, accueillie telle une Diva. En 1999, elle enregistre son dernier CD. Désormais de lourds problèmes de santé vont anéantir ses tentatives de come back. Affaiblie par la maladie, l’actrice n’est plus que l’ombre de la beauté qu’elle fut autrefois. Elle est décédée en 2002. Son roman autobiographique a fait l’objet d’une adaptation en comédie musicale et sa vie devrait faire l’objet d’un film dont la sortie est prévue en 2009. En tous les cas, son mythe demeure encore fort populaire et présent en Allemagne (dans les gares et les vitrines de librairie trônait encore ses jours derniers un album de photos avec son fabuleux visage). Une star fascinante qui en dépit de tous les aléas de sa carrière a réussi à laisser une emprunte mémorable, du moins dans son pays.



3 commentaires:

  1. L'album CD Hildegard Knef singt Cole Porter (Telefunken) contient 25 morceaux dont 13 titres en bonus d'une excellente qualité numérique.
    Voilà un show que j'aurais voulu voir. Mais ma machine à remonter le temps est actuellement en révision...

    RépondreSupprimer
  2. Un DVD sorti en Allemagne regroupe 3 shows TV des années 60 de la star, très bien mise ne valeur par un réalisateur talentueux.

    RépondreSupprimer
  3. Une nuit culte (Kultnacht) avec Hildegard a été diffusée sur ZDF:
    http://www.youtube.com/watch?v=IRN100ZFMCE
    (Sans chapeau de présentation ni commentaires)

    RépondreSupprimer