lundi 1 juin 2009

Rosa Carmina, la belle sauvage









Parmi les voluptueuses bombas latinas qui se sont illustrées dans le cinéma mexicain des années 40-50, et plus précisément le genre « rumbera« , la splendide Rosa Carmina mérite une mention spéciale. Plus sophistiquée et moins rustre que Maria Antonieta Pons, plus jolie que Meche Barba (qui ressemblait un peu à Martha Raye) et que la célèbre Ninon Sevilla (dont le sourire carnassier lui valut des comparaisons peu flatteuses avec notre Fernandel), la danseuse cubaine avait sans doute plus d’allure et de classe que ses collègues. Abonnée aux rôles de vamps inaccessibles, gravitant dans des cabarets internationaux, elle possédait un sex-appeal certain mais finement dosé qui évoque Rita Hayworth et les étoiles d’Hollywood.

En 1946, Juan Orol, fraîchement divorcé de la star Maria Antonieta Pons recherche une nouvelle danseuse cubaine pour remplacer son ex épouse dans son prochain film « un mujer de Oriente ». Un assistant repère l’oiseau rare lors d’une fête scolaire : une toute jeune danseuse de 16 ans au visage ravissant . Elle devient la star du nouveau film et aussi l’épouse du réalisateur (qui a toujours eu du mal à séparer vie privée et vie professionnelle) et signe un contrat pour 5 films. Orol ne ménage pas ses efforts pour imposer la vedette en engageant des chorégraphes africains pour donner un cachet plus authentique aux numéros typiques (et aussi pour faire taire les critiques très durs envers sa protégée, qui lui reprochent non seulement sa façon de jouer mais aussi de danser). Souvent, la belle actrice se voit confier des rôles d’indigènes ou de filles sauvages (La déesse de Tahiti, Sandra la fille de feu), comme Maria Antonieta Pons et surtout des personnages de vamps perfides, vedettes de cabaret.
Tania la belle sauvage nous conte la gloire et la décadence d’une danseuse peu farouche découverte par un riche producteur, qui finit sa vie alcoolique dans un cabaret sordide.

Et comme souvent dans les rumberas , l’héroïne, même avec la meilleure volonté, est l’éternelle victime des circonstances, des hommes et de son destin.

Le scénarios sont édifiants, le but avoué étant de distraire un public populaire avide de péripéties et de rebondissements : le scénario de nuit de perdition est édifiant : Danseuse, témoin d’un meurtre crapuleux, elle se réfugie dans la maison de son producteur qui tente de profiter d‘elle : comme elle se refuse à lui, il met le feu à la maison. Tout le monde la croit morte, alors qu’elle poursuit sa carrière, masquée car son visage a été défiguré. Elle découvre alors que son mari a refait sa vie, et kidnappe son fils…
Sorti en DVD, avec sous titres anglais, en carne viva est l’histoire classique d’une fille mère abandonnée qui se suicide en se jetant du haut d’une falaise. Sa fille devenue une danseuse renommée, échappera d’un cheveu au même sort cruel. Rosa brille dans un charmant numéro où elle figure avec d’autres danseurs dans un tramway bondé reconstitué sur la scène du spectacle , où les passagers dansent le mambo avec entrain, les uns contre les autres.
Si l’on se réfère aux critiques de l’époque, Sandra la fille de feu (1952) serait son meilleur rôle, révélant des qualités dramatiques insoupçonnées.
Plus que les rebondissements mélodramatiques les plus invraisemblables, les points forts des films de la belle Rosa sont les scènes de danse où sa classe et sa sensualité parviennent à transfigurer des numéros que d’autres auraient fait basculer dans la vulgarité. Qu’elle se trémousse avec volupté, en exhibant son nombril (que les stars d’Hollywood étaient obligées de cacher!), c’est toujours avec grâce et talent.
Comme le raconte la vedette, il n’était pas rare dans les petits cinémas de quartier qu’après un numéro musical réussi, les spectateurs demandent à interromprent le film pour revoir le morceau!
On remarque également qu’Orol, soucieux d’ouvrir ses films aux marchés étrangers, n’hésite pas à incorporer dans les orchestrations des numéros musicaux des instruments comme la clarinette.
Alors que les rumberas tombent en désuétude (moins à cause de la désaffection du public que d’une volonté politique d’assainir le cinéma et les cabarets mexicains), Rosa, à la croisée des chemins, décide de tenter sa chance à l’étranger (encouragée par le succès de Maria Felix en France, et de Katy Jurado aux USA). Le projet d’un film en France avec la vamp Viviane Romance échoue quand Juan Orol s’oppose au tournage, choqué par le scénario trop osé (une histoire d’une riche lesbienne amoureuse d’une artiste de cirque). Finalement, Rosa ne trouve qu’un rôle secondaire dans un musical allemand, « dites le en musique » (1956) dont la star est la suédoise Bibi Johns.
La même année le volage Juan Orol quitte Rosa pour une petite chanteuse cubaine aux formes généreuses, Mary Esquivel qui va désormais la remplacer dans ses nouveaux films. Rosa ne trouve plus que des caméos dans l’un des derniers avatars du film rumbera « le cabaret des filles perdues » avec une Kitty de Hoyos déguisée en Marilyn, des revues filmées ou biopics comme Melodias inolvidable (1959) où elle offre un numéro coloré dans un décor vénitien . On retrouve ensuite la star dans quelques films d’horreur de série Z (l‘incroyable visage du docteur B), nouvelle spécialité d’un cinéma mexicain, voguant vers de nouveaux horizons.
Ici plus de méli-mélo dramatique mais un monstre qui suce le cerveau de ses victimes. Heureusement entre deux scènes d’épouvante, Rosa danse avec sensualité et rythme.
Dans les années 60, la danseuse va se tourner vers les cabarets dans des spectacles souvent fustigés par les ligues de décence. Dans les années 70, elle figure en second plan dans des « ficheras » , comédies érotiques bas de gamme se déroulant dans les cabarets avec la très dénudée Sasha Montenegro.
Puis on la retrouve jusqu’au début des années 90 dans des feuilletons mexicains à l’eau de rose qui font la honte de la télévision mexicaine (et que l’on diffuse parfois dans les DOM COM). Mais ceux qui veulent admirer la bomba latina au sommet de son talent et de beauté devront plutôt se tourner vers ses films des années 40.

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