dimanche 1 mai 2011

Betty Garrett, irrésistible fantaisiste









Energique et drôle, Betty Garrett disposait de tous les atouts pour devenir une des plus grandes actrices comiques de sa génération : ses amusantes prestations dans une poignée de comédies musicales de l’âge d’or d’Hollywood n’ont pas perdu un centième de leur efficacité 60 ans après : dommage que la chasse aux sorcières dont son mari l’acteur Larry Parks a été victime en 1951 ait brutalement interrompu sa carrière au cinéma alors qu’elle était en plein essor.

Née en 1919 dans le Missouri, Betty Garrett a été contrainte de travailler très jeune pour subvenir aux besoins de sa famille après le décès de son père. Tout en prenant des cours de comédie, la jeune femme chantait dans différents night clubs de New York et d’Hollywood et vendait dans les grands magasins pour joindre les deux bouts. Elle a également dansé dans la prestigieuse troupe de Martha Graham, alors qu’elle n’avait que très peu d’expérience et des jambes trop courtes. Remarquée par la grand compositeur Cole Porter, dans une revue de Broadway, l’actrice est engagée comme doublure d’Ethel Merman pour le spectacle patriotique « Something for the boys » (la star aura la gentillesse de se faire porter pâle une semaine pour lui laisser sa chance). En 1944, elle épouse l’acteur Larry Parks que la firme Columbia tente d’imposer comme jeune premier dans une série de comédies musicales destinées à booster le moral des militaires.
En 1946, alors que son époux devient un très célèbre acteur, en incarnant Al Jolson dans un biopic très populaire, Betty Garrett triomphe également, mais sur les planches : dans le musical, Call me Mister, elle interprète, de manière très pince sans rire, une entrainante samba, fustigeant justement tous les rythmes tropicaux, très en vogue à l’époque. « South America take it away ». 50 ans après, la vedette se souvenait avec émotion de ce moment magique où en une chanson (reprise ensuite par Bing Crosby, les Andrews Sisters, et en français par Léo Marjane), elle accédait à la gloire.
La compagnie MGM, très impressionnée aussi par le talent comique de la nouvelle venue aussitôt comparée à Charlotte Greenwood et à Ethel Merman, la prend sous contrat et lui confie un rôle et 3 chansons dans Big city (1948) sorte de premake de trois hommes et un couffin dont la vedette est l’actrice enfant Margaret O’Brien. Après un joli caméo dans « ma vie est une chanson », biopic édulcoré et insipide (hormis les numéros musicaux) de la vie de Rodgers et Hart, Betty Garrett remporte un beau succès dans le dynamisant « Match d’amour », musical belle époque des plus agréables, où elle essaie et parvient à draguer Frank Sinatra, avec un acharnement des plus réjouissants ! Personne n’a oublié sa prestation de chauffeuse de taxi dans « Un jour à New York », le chef d’œuvre de Gene Kelly et Stanley Donen, qui tente à nouveau de séduire le timide Frank Sinatra. Son irrésistible prestation dans ce film a certainement mieux vieilli que le ballet final très élaboré de Gene Kelly, et contribue hautement au rythme échevelé et à l’enthousiasme débordant de cette production.
Dans la fille de Neptune (1949), Betty Garrett flirte avec le comique Red Skelton en chantant un numéro comique « baby it’s cold outside » qui remportera l’oscar de la chanson de film. Parallèlement, elle enregistre plusieurs disques à succès comme le matador (VF par Lily Fayol) ou buttons and bows (VF : ma guêpière et mes longs jupons par Yvette Giraud).
Débordante de drôlerie, elle s’est imposée en trois films comme une actrice comique de premier plan et le studio songe à lui confier un premier rôle : pourtant sa carrière au cinéma va s’effondrer brusquement : alors que la MGM envisageait de lui confier le rôle d’Annie reine du cirque après la défection de Judy Garland, Betty découvre qu’elle est enceinte et doit renoncer au projet. En 1951, son mari Larry Parks est cité à comparaître devant le comite des activités anti-américaines. Victime de la chasse aux sorcières, il lui est reproché d’avoir été membre pendant plusieurs années du parti communiste. Forcé à témoigner, il finira par donner le nom de certains de ses anciens collègues, ce qui lui sera beaucoup reproché. Pourtant cette délation ne servira même pas à reconstruire sa carrière (car la comédie qu’il vient de jouer avec Elizabeth Taylor sera suspendue pendant 3 ans et il ne recevra plus de propositions aux USA pendant des années). Betty enceinte de deuxième enfant, ne sera pas appelée à témoigner à la barre, mais subira les contrecoups de la chasse aux sorcières (elle sera virée de la MGM).
Le couple sera dès lors contraint de fuir pour l’Angleterre afin de pouvoir continuer à trouver du travail, dans diverses tournées théâtrales. Grâce à l’aide de Danny Thomas, Betty reprend ses marques à la télévision américaine. En 1955, elle fait son retour sur grand écran dans la version musicale de la pièce My sister Eileen dans laquelle Rosalind Russell avait brillé sur les planches. Même si les chansons n’ont rien de mémorables, le film est extrêmement plaisant et dynamisant, en grande partie grâce à la prestation de Betty dans le rôle de la grande sœur pas très jolie (elle vient pourtant de se faire refaire le nez).
Après un mélo de série B à l’Universal, l’actrice se tourne vers la télévision, avec ou sans Larry Parks. On les retrouve aussi sur scène dans Bells are ringing et dans des shows à Las Vegas. Après le décès de son époux en 1975, Betty apparaît beaucoup à la télé notamment dans les sitcoms all in the family et Laverne et Shirley. En 1989, on la retrouve à Broadway dans une version scénique du chant du Missouri et en 2001 dans une reprise de Follies de Stephen Sondheim.
Si Betty Garrett a toujours gardé la nostalgie de sa courte carrière à la MGM, y compris du star system et de cette période dorée où le moindre souci était pris en charge par le studio, la star n’a jamais perdu l’enthousiasme et l’optimisme viscéralement ancrés en elle, malgré la triste parenthèse des années 50 qui a « ruiné la carrière de son mari et détruit beaucoup de vies ». Jusqu’à la fin, elle a animé des galas contre le SIDA ou d’autres spectacles de charité. C’est volontiers qu’elle répondait à ses admirateurs et je la remercie encore pour la jolie photo dédicacée qu’elle m’avait adressé en 2001. Elle vient de nous quitter en février 2011, mais les amoureux du film musical ne l’oublieront pas.

1 commentaire:

  1. Bonjour, Merci pour cette biographie. C'est la seule biographie complète de cette actrice peu connue.

    RépondreSupprimer