dimanche 22 février 2009

Ruby Keeler, adorable girl des délires de Busby Berkeley



Ah ! qu’elle était mignonne Ruby Keeler dans les classiques de la Warner Bros chorégraphiés par Busby Berkeley dans les années 30. Ses grands yeux naïfs, sa voix particulière compensaient des talents de danseuse plutôt limités.

Née en 1909, dans une famille très pauvre, Ruby est obligée de travailler très tôt pour aider sa famille et son père, un livreur de pains de glace, en mauvaise santé. Elle opte pour la danse et la revue, non par goût mais parce qu’il s’agit du métier le plus lucratif pour une toute jeune fille de 13 ans sans diplômes. La toute jeune danseuse se produit dans plusieurs revues et plusieurs cabarets différents dans la même journée afin d’obtenir le maximum d’argent. Elle dans aussi dans le speakeasie de l’excentrique et énergique Texas Guinan, qui la prend sous sa protection. C’est l’époque de la prohibition, et le moins qu’on puisse dire, c’est que le cabaret de Miss Guinan (qui sera plus tard incarnée à l’écran par Betty Hutton) n’est pas bien fréquenté. Quand on voit les photos de l’époque avec la robuste Texas, entourée de « ses filles » légère et court vêtues, et d’une toute jeune Ruby tendrement serrée contre son épaule, on est surpris par ce milieu interlope qui tranche avec la douceur angélique du visage de la danseuse. Pourtant cette dernière déclarera plus tard qu’elle ignorait tout des activités illicites du cabaret et qu’elle ne savait même pas ce qu’était un gangster. Cependant, elle flirte bien avec Johnny Irish, un gangster, propriétaire d’un bon nombre de clubs de New York. Grâce à son soutien, Ruby n’a aucun mal à obtenir engagement sur engagement.



En 1926, par l’intermédiaire de Florenz Ziegfeld qui veut l’engager pour ses folies, Ruby rencontre le grand chanteur Al Jolson, extrêmement populaire. Ce dernier est fou d’elle. En 1928, alors même qu’il a tourné dans le premier film parlant de l’histoire du cinéma, et que sa popularité est au zénith, il épouse Miss Keeler pour le meilleur et le pire. Egoïste, vaniteux, jaloux, c’est un homme violent et despotique qui va beaucoup faire souffrir Ruby .Parmi ses lubies, son refus absolu d’avoir un enfant biologique : il préfère recourir à une adoption !. Testée par la Warner pour un film aux cotés de son mari, Ruby fait finalement ses débuts à l’écran dans l’ultra célèbre 42ème rue de Lloyd Bacon, dont on n’oubliera pas les chorégraphies de Busby Berkeley et notamment, l’apparition de Ruby Keeler dansant les claquettes sur un taxi : un numéro d’anthologie. Bien évidemment, c’est l’ingéniosité du chorégraphe et ses idées incroyables qui donnent toute la valeur au show. Ruby séduit par son charme et sa naïveté. Elle chante plutôt mal. Pour danser les claquettes, elle semble lourde et malhabile. En fait, il s’agit peut être d’un problème d’appréciation. Ruby Keeler était une vraie tap danceuse venue de la scène : elle privilégiait la production de rythme et de musique avec les fers de ses chaussures à la grâce de la danse.Comme suite à l’immense succès du film, Ruby enchaîne les films musicaux toujours chorégraphiés par l’extravagant et génial Busby Berkeley, et toujours aux cotés de Dick Powell.

On se souviendra longtemps de l’escouade de nageuses réalisant une fontaine humaine dans Prologues (1933), des femmes tenant des violons lumineux dans Chercheuses d’or (1933) et du numéro ‘I only have eyes for you’ de Dames où des centaines de girls déguisées en Ruby Keeler finissent pas composer un puzzle avec le visage de la vedette. Vraiment charmant !Evidemment, Ruby finit par jouer un film avec son mari le décevant « Entrons dans la danse »1935. Toujours plus arrogant et jaloux de son épouse en passe de devenir autant voire plus célèbre que lui, Al Jolson mène la vie dure à la pauvre danseuse.

Les autres films qu’elle tourne dans la seconde moitié des années 30 ne sont plus supervisés par Berkeley et dès lors moins connus. Elle a pourtant un joli et long numéro dansé à la fin de Coleen (1936) et danse sur une machine à écrire géante dans « Bon pour le service » (1937).Suite aux problèmes rencontrés par Al Jolson à la Warner, Ruby quitte le studio. On la retrouve dans une comédie sentimentale non musicale« Tendresse »1938, dans un rôle refusé par Katharine Hepburn. Son divorce avec Al Jolson met fin à sa carrière. Après un dernier rôle peu sympathique d’une femme cynique et arriviste dans un petit musical de série B, Ruby quitte les studios de cinéma, se remarie et va mener une discrète et très heureuse vie de famille (elle aura 5 enfants). On ne reparle d’elle que lors de la réalisation en 1945 de la biographie filmée d’Al Jolson : Ruby refuse alors catégoriquement que son nom et son personnage apparaissent dans le film. Elle aura gain de cause (au tout début des années 30, avant même qu’elle ne débute à l’écran, sa liaison avec un gangster et son mariage avec une star de la chanson avaient inspiré le scénario d’un film, sans que son nom soit cité).

Nul ne pouvait imaginer en 1971, que l’artiste des années 30 allait faire un sensationnel come-back à Broadway. Désireuse de tenter à nouveau sa chance sur les planches, elle accepte de jouer dans une reprise de l’opérette No no Nanette (dont personne n’a oublié la chanson tea for two) : c’est le triomphe. Ce retour en fanfare va donner lieu à un vrai revival du musical des années 30 et au retour sur scène de ses grandes gloires. Hélas, la malchance ne permettra pas à Ruby de réitérer cet exploit ou de tenter un come back au cinéma. En 1974, elle est victime d’une rupture d’anévrisme, dont elle restera partiellement paralysée. Diminuée et fatiguée, elle fera pourtant encore quelques apparitions à des premières pour soutenir ses vielles copines Patsy Kelly, Mary Martin, Alice Faye ou Debbie Reynolds. Ruby Keeler est décédée en 1993. Il y a 2 ou 3 ans, j’ai vu que ses héritiers vendaient sur ebay la plupart de ses effets personnels. Des fans des comédies musicales d’avant guerre ont du mettre leur main au porte-monnaie.

1 commentaire:

  1. Une fois de plus, un grand bravo pour cet article remarquable sur la tendre Ruby, dont les yeux de biche atténuaient ses manquements vocaux ou ses limites en danse. Équivalent au charme d'une Nancy Carroll, sa délicieuse féminité rend encore aujourd'hui ses films appréciables. On lui pardonne tout, en un coup de cœur,que peut-être seuls ceux qui aiment vraiment les femmes peuvent agréer... Ceux qui font fi des ravages du temps et savent reconnaître le charme de l'âme. En attendant, son triomphal retour, si longtemps après ses heures de gloire, son âge d'alors, témoignent de cette essence.

    Christian Souque

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