lundi 23 mars 2009

Dercy Gonçalves, l'extravagante brésilienne





En 2007, on a célèbré le 100ème anniversaire de plusieurs stars de cinéma : John Wayne, Katharine Hepburn, Barbara Stanwyck, Zarah Leander, avec à la clef parfois de belles rééditions en DVDs, et dans certains cas, le silence de l’oubli.
Au Brésil, c’est en grandes pompes qu’on a fêté les 100 ans de Dercy Gonçalves. Il faut dire que la grande vedette des comédies musicales des années 50 était loin d'être oubliée et qu’elle ne passait pas inaperçue. Débordante de vitalité, délirante, d’une rare vulgarité, la fantaisiste qui fut souvent comparée à Mae West continuait encore d’attirer l’attention des médias. Un petit hommage s’imposait pour cette « grande gueule » dans tous les sens du terme, décédée en 2008.
Née en 1907, Dercy Gonçalves est issue d’une famille fort pauvre (père tailleur, grand père fossoyeur). Sa mère a quitté le domicile et son père n’a pas de temps à lui consacrer, à tel point que l’actrice déclarera plus tard qu’elle a été élevée toute seule, avec les poules. Fascinée par les actrices du cinéma muet, la jeune fille scandalise son entourage par le maquillage outrancier dont elle se farde pour imiter ses idoles. Après avoir volé un peu d’argent à son père, elle s’enfuit de chez elle, et parcourt une partie du pays en tant que passager clandestin dans un train. Après avoir mangé beaucoup de vache enragée, et accepté de danser « contre une assiette de nourriture », Dercy rencontre le chanteur Eugenio Pascoal qui devient son amant et avec lequel elle monte un numéro sur scène. A la mort de ce dernier, elle continue seule le chemin des tournées.

De tréteaux en cabarets, elle grimpe les marches du succès en chantant et dansant la samba dans de nombreuses revues. Son sens de la répartie et sa gouaille lui valant la ferveur d’un public très populaire. En 1943 elle fait ses débuts à l’écran, et va tourner beaucoup de films, surtout à la fin des années 50 : c’est l’âge d’or des chanchadas « pochades », comédies musicales brésiliennes, souvent tournées dans des conditions fort rudimentaires par le studio Atlantis. Des spectacles faciles, destinés à un public très populaire, voire illettré, réputés davantage pour leur drôlerie que pour la qualité des numéros musicaux (sambas filmées avec trop peu de moyens). Même s’ils sont destinés avant tout à divertir, ces films ne sont toutefois pas exempts de certains éléments de critique sociale.

Dercy est toujours la rigolotte de service, irrésistible, quand elle tord sa bouche comme la comédienne américaine Martha Raye à laquelle elle sera souvent comparée. C’est un phénomène assez difficile à maîtriser, et le plus souvent les rôles sont conçus spécialement pour elle. Parmi ses films (ressortis en DVDs au Brésil), A baronesa transviada (la baronne dévoyée), dans lequel elle incarne une simple manucure qui hérite d’une fortune considérable. Dans Absolument sûr, elle joue avec et sous la direction d’Anselmo Duarte, l’acteur le plus aimé du moment : une comédie amusante sur un jeune homme qui a appris par cœur l’annuaire téléphonique pour passer à un concours télévisé.

La grande vedette (1958) est une parodie de Sunset Boulevard, où Dercy a souvent l’occasion de faire le clown en star déchue persuadée qu’elle est toujours admirée. Une façon de jouer la comédie qui ne fait pas dans la dentelle, et consterne les intellectuels. L’actrice grimace à souhait (ce qui lui vaudra aussi plus tard des comparaisons avec notre Louis de Funes !).
Dans le seul drame de sa carrière, Dona Violanta Miranda (1960), Dercy se tire bien d’affaires en tenancière de bordel qui élève avec beaucoup d’affection une orpheline comme la sienne, qui à l’âge adulte la rejettera avec beaucoup d’ingratitude.
Au milieu des années 60, Dercy se tourne avec un énorme succès vers la télévision. Son talk show (Dercy beaucoup) fait un tabac : 90% d’audimat ! Pendant de longues années, l’artiste va poursuivre les one woman shows, délectant son public mais irritant les critiques lui reprochant sa grossièreté, et surtout de toujours niveler ses shows vers le bas.

En 1991, Dercy scandalise en dansant les seins nus (à 84 ans !) au carnaval de Rio. Repoussant toujours plus loin les limites du convenable, la vielle dame indigne, dont on ne compte plus les liftings et opérations de chirurgie esthétique, accepte à 92 ans une série de photos en déshabillé qui va mettre en émoi tout le Brésil puis annonce en 2001 (à 94 ans), qu’elle va poser nue dans Penthouse, assise sur sa tombe.

J’ignore si Dercy a réellement mis sa menace à exécution, mais ses extravagances ont certainement contribué à la popularité persistante de la vielle actrice qui continuait au début du nouveau millénaire d’animer un show sur TV Globo.
Elle a fêté ses 100 ans dans une boîte gay de Rio et a confié aux journalistes qu’il était fort possible qu’elle soit âgée en réalité de 102 ans, car lors du recensement effectué lors de sa petite enfance l’âge qu’on lui avait donné avait été approximatif !
Voici donc un phénomène de longévité, une personnalité unique à découvrir en DVD à condition de comprendre le portugais, et de commander au Brésil, ce qui est fort compliqué !
Dercy Goncalves est décédée en 2008 des suites d'une pneumonie(101 ans).

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