dimanche 24 mai 2009

Lizabeth Scott, du film noir à la chanson



Parmi les sirènes fatales évoluant dans les films noirs mythiques des années 40, qui ont séduit des générations de cinéphiles, l’une des plus troublantes figures demeure la ravissante Lizabeth Scott, qu’on a eu souvent tendance à sous-estimer, car son personnage cinématographique s’inspirait beaucoup des vamps incarnées par Lauren Bacall et Veronika Lake et qu’elle a peu de très bons films à son actif. Pourtant, elle a davantage joué dans des polars que les deux comédiennes précitées et le plus souvent avec davantage de talent (c’est un avis personnel). En outre, si comme les deux stars, elle est souvent doublée pour les scènes de chant, dans les cabarets enfumés où elle évolue et interprète des airs jazzy et langoureux, l’actrice s’est vite prise au jeu, a pris des cours et s’est finalement lancée dans la chanson à la fin des années 50.

Née en 1922 en Pennsylvanie, Lizabeth Scott a été encouragée par ses parents dans sa carrière artistique. Après avoir suivi des cours de piano et de diction, elle fait un peu de mannequinat et obtient un job de girl dans la revue Hellzapoppin. En 1942, elle est engagée à Broadway comme doublure de Tallulah Bankhead : manque de chance, la star ne sera pas malade un seul jour. On raconte que le climat était plutôt glacial entre l’ambitieuse jeune actrice et la mythique star qui avait peur d’être supplantée, et que leurs antagonismes auraient inspiré le scénario ‘All about Eve’. Le producteur indépendant Hal Wallis, remarque sa photo sur un magazine et lui propose de le suivre à Hollywood. (Très loyale, elle lui gardera une reconnaissance éternelle et continue de venter ses mérites et son professionnalisme lors des interviews).

En effet, auparavant la Warner lui avait fait passer un screen test jugé catastrophique « elle ne sera jamais une star, au mieux une actrice de second rôle » avait déclaré Jack Warner. Parce qu’elle ressemble trop à sa star Lauren Bacall ?
Wallis lance Lizabeth à Paramount, avec force publicité, beaucoup de photos et un gingle : Lauren Bacall était « the look », Lizabeth devient la « menace » ! Menace pour l’autre star blonde du film noir Paramount Véronika Lake dont elle va vite reprendre la relève (en tous les cas, elle n'a pas de mal à joer mieux qu'elle) ? Dans les journaux français, on la présente comme la nouvelle Garbo (son coté mystérieux ?)
Après un morne mélo avec Robert Cummings »le prix du bonheur », Lizabeth crève l’écran dans « l’’emprise du crime » un excellent film noir de Lewis Milestone et parvient à tirer son épingle du jeu face à une Barbara Stanwyck machiavélique, en apportant beaucoup de sensibilité et de subtilité à son personnage de jeune fille innocente. Autre point d’orgue dans la carrière de Lizabeth, en marge de l’enquête (1947), où elle aborde pour la première fois un personnage de vamp dangereuse : elle attire dans ses filets Humphrey Bogart qui recherche le meurtrier de son ami : hors, c’est elle la criminelle et elle va tenter de tuer Bogart à présent.
Un thriller classique, et fort agréable, très bien joué par les deux stars.

Rares sont les films noirs tournés en technicolor, aussi la furie du désert (1948) avec Burt Lancaster fait figure de rareté : sans être objectivement excellent, c’est le genre de film qu’on regarde avec délice, tant il a un coté camp, aussi bien dans la forme que dans le fond (il faut voir Mary Astor en mère possessive et abusive, tenancière de cabaret). Il fut lancé avec le slogan suivant : « elle veut piquer l’homme de sa mère ! »
Lizabeth Scott est désormais abonnée aux rôles de vamp. Pour séduire son auditoire, la vamp a sa panoplie : des lèvres pulpeuses, des fourreaux comme Rita Haywoth dans Gilda, une voix à la fois suave et grave comme Lauren Bacall, et quelques mélodies langoureuses qu’elle interprète avec émotion. Dès son premier film, elle reprend un des gros succès de Bing Crosby "out of nowhere" qui se prête bien à sa voix de crooneuse. Elle chante ainsi dans En marge de l’enquête, l’homme aux abois, racket et surtout la main qui venge(beaucoup de refrains connus dans ce dernier, le premier film de Charlton Heston). Il semble néanmoins que l’actrice soit le plus souvent doublée pour le chant par Trudy Stevens (qui a notamment doublé Vera Ellen dans Noel blanc et Kim Novak dans Pal Joey), même si la voix chantée semble pourtant très proche de la sienne (De son coté Lauren Bacall se faisait doubler par…un homme, le crooner Andy Williams, afin d’avoir un coté un peu ambigu).

Cependant, Lizabeth Scott tient à souligner qu’elle n’a pas joué que dans des films noirs et rappelle qu’on l’a vue aussi dans Noces rouges (1954, un très bon western d’Allan Dwan, où elle est très convaincante dans un rôle différent) ; Elle a beaucoup apprécié de tourner aussi dans le musical « Fais-moi peur « avec Dean Martin et Jerry Lewis, le duo protégé d’Hal Wallis. Une histoire de fantôme plutôt rigolote mais manquant cruellement de substance (sur un plan musical, une Carmen Miranda vieillissante vient faire son show). Pourtant, Lizabeth aurait adoré jouer à nouveau avec les deux zigotos !

L’occasion ne se présentera pas, et peu d’autres encore car un gros scandale va couler sa carrière du jour au lendemain : en effet, le magazine Confidential, spécialisé dans les ragots va sortir un papier qui va porter gravement préjudice à l’actrice, en insinuant qu’elle était lesbienne, menait une vie dissolue et participait dans une maison close à des orgies avec des prostituées. L’article comportait des sous-entendus particulièrement fielleux et dénotait d’une homophobie révoltante. En cette période de guerre froide, l’homosexualité passait en effet aux yeux de plusieurs sénateurs républicains pour une menace pour la morale et le gouvernement. On peut se demander pour quelles raisons les journalistes s’en sont ainsi pris à la pauvre actrice et pas à une autre. A-t-on voulu faire payer une comédienne qui n’avait jamais voulu se prêter au jeu hollywoodien en évitant soigneusement les soirées et les interviews des échotières d’Hollywood ? La Paramount n’a telle pas voulu aider une vedette dont la carrière battait déjà de l’aile ? En tous les cas, l’actrice va trainer le magazine en justice. D’aucuns prétendent qu’elle aurait plutôt du jouer l’indifférence car cela aurait fait beaucoup moins de bruit.

Après ce scandale, Lizabeth ne tournera plus que 3 films dont un musical avec Elvis Presley « Amour frénétique » en 1957 (le King n’a pas souvent eu la chance de jouer avec de vraies actrices). Boudée par le producteurs en raison du scandale, l’actrice tente alors de se tourner vers la chanson, et enregistre un 33 tours avec une série de slows jazzy « cela faisait longtemps que j’en avais envie, mais la Paramount n’y tenait pas. J’ai enfin pris des cours de chant et me suis lancée : le seul risque que je cours est que personne n’achète mes disques ».. Le succès d’estime de l’album lui vaudra un contrat de 3 ans avec la firme de disques RCA Victor. De belles chansons, interprétées avec sensualité et une voix rauque et tendre : j’aime beaucoup.

Depuis, Lizabeth Scott a plus ou moins disparu du show business (hormis un come back dans un polar de 1972), ses exigences financières étant bien trop élevées pour les producteurs.
Elle donne encore des conférences sur le cinéma : même coiffure, même ligne, même classe. Une actrice fascinante qui mérite d’être redécouverte.

3 commentaires:

  1. Quelle beauté ! Quel talent ! Merci de nous donner envie de revoir et d'entendre la somptueuse Lizabeth. Cordialement. (J'ai relayé votre fiche dans notre blog.)

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  2. Tout à fait d'accord avec vous René Claude. Je suis sous son charme.

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  3. J'ai découvert cette actrice sur la chaîne tcm dans "la furie du désert". Je suis passionné des films des années 40/60 américains, et avant d'aller sur le net je me doutais que sa carrière avait été frénée par sa ressemblance avec LAUREN BACALL? je la trouve plus "fascinante que BACALL !

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