dimanche 23 août 2009

Grace Chang, mambo girl







A la fin des années 50, alors que la Chine populaire ne proposait qu’un cinéma directement contrôlé par l’État (et par l’épouse de Mao Tsé-Toung), exaltant le patriotisme, les combats de l’armée rouge ou la résistance anti-coloniale, l’île de Hong-Kong, sous contrôle britannique concoctait une production très influencée par le cinéma occidental, et notamment des films de divertissement et de charmantes comédies romantiques honnies par le régime communiste.
Dotée d’une voix de rossignol et de réels talents de comédienne, la jolie Grace Chang (ou Ge Lan pour le public chinois) fut la première star du cinéma musical de Hong-Kong, frais et exubérant, qui conserve encore beaucoup d’amateurs en Chine et par le monde.

Née en 1934 à Nanjing, douzième enfant d’un professeur d’université, la petite Grace passe son enfance à Shanghai où elle prend des cours de chant lyrique avant de suivre sa famille pour Hong-Kong. Dès 1952, la jeune actrice obtient de petits rôles au cinéma, avant de signer en 1954 un contrat avec la firme MP&GI (Cathay) qui va faire d’elle, en quelques années, une étoile de première grandeur.
Si l’actrice parait très furtivement (dans un rôle de prostituée) dans le film américain d’Edward Dmytryck , le rendez-vous de Hong Kong avec Clark Gable (sa présence n’est même pas créditée au générique), dont certains passages sont tournés en Chine, elle est en revanche la star de Mambo girl (1957), qui va changer sa carrière et faire la fortune de son studio.
Cette adorable comédie romantique avec Peter Chan Ho (le Cary Grant chinois) va en effet enthousiasmer les spectateurs de classe moyenne, ravis par la fraîcheur et l’innocence de cette histoire d’orpheline en quête de sa vraie maman. Le film est tout simplement adorable, et notamment le personnage du papa adoptif, marchand de jouet, si attentionné pour sa fille. Il règne en outre un esprit très fifties dans cette comédie : les filles portent des pantalons, et s’éclatent en dansant le mambo et le rock lors de soirées d’anniversaire. Dès les premières secondes, Grace Chang se met remarquer en dansant sur un joli damier, avec un pantalon en vichy, tout en scandant magnifiquement un air qu’Yma Sumac n’aurait pas renié. On est immédiatement séduit par cet univers musical qui emprunte beaucoup aux rythmes latins, au jazz et au rock n’roll tout récent, tout en conservant quelques adorables ballades asiatiques.
Le triomphe du film est tel que la chanteuse fait parler d’elle à Hollywood. Elle s’y rend pour participer au fameux show télévisé de Dinah Shore, dont elle est la première invitée chinoise. Sa prestation sera suivi d’un 33 tours édité aux USA sous le libellé : « le rossignol de l’orient ».
Devenue la jeune fille idéale, Grace Chang va tourner pendant les années d’autre comédies charmantes, d’une innocence presque touchante, qui ravissent autant par leur tendresse que par leur ambiance lounge. On y aborde des thèmes du quotidien comme l’achat d’une voiture à crédit dans "la voiture de mes rêves" (1958) ou la quête du mari idéal (June bride 1960), en y insufflant toujours une bonne dose d’ironie et de musique.
Si Grace Chang est toujours parfaite dans cette production plutôt inoffensive, sa plus mémorable et étonnante prestation demeure celle de la rose sauvage (1961) adaptation de Carmen de Mérimée à la sauce chinoise. Loin de ses rôles habituels de jeunes filles sages, l’actrice irradie littéralement dans son personnage d’entraîneuse de cabaret qui jette son dévolu sur un pianiste déjà fiancé qui cède inévitablement à la tentation. Au fil du film, on comprend que la personnalité de l’artiste est plus nuancée : ce n‘est pas qu‘une femme volage et cynique, mais un être généreux qui aide en cachette la famille d’un ancien musicien. Si certains passages mélodramatiques sont sur joués et presque risibles (notamment celui où le vieux musicien dispute sa femme pour la forcer à prendre ses médicaments pendant que les enfants pleurent), d’autres sont fascinants (comme la scène de séduction où Grace Chang parvient à conduire le pianiste dans son lit. Quelle sensualité! Coté musique, on nous offre une mixture d’airs d’opéra occidentaux (Carmen bien sûr, la veuve joyeuse…) à la sauce mambo, jazz ou blues : c’est souvent très réussi, grâce à la voix ensorcelante et à l’éclectisme de Grâce Chang.
Après ce triomphe, Grace Chang se marie et part en lune de miel autour du monde. Elle se lasse très vite de sa carrière au cinéma, qu’elle abandonne dès 1964. C’est vraiment dommage car une artiste aussi douée aurait certainement pu explorer encore d’autres horizons, notamment quand on regarde un de ses derniers films Par sa faute (1964), en scope et en couleurs, mis en scène par Wang Tialin auquel on doit déjà la rose sauvage. La variété des numéros musicaux y est impressionnante.
Si Grace Chang a déserté les écrans depuis 45 ans, son souvenir est resté vivace et elle ne cesse de gagner de nouveaux admirateurs qui redécouvrent ses films via les DVD. Ses chansons sont reprises dans des films récents (notamment the hole the Tsai Ming Liang en 1997). Invitée en 2004 par la cinémathèque française, l’artiste a du renoncer à son voyage, comme suite au décès de son époux.
Elle a toutefois accepté de paraître aux festivités organisées pour les 5 ans de la rétrocession de Hong Kong à la Chine.



2 commentaires:

  1. Dong aka The Hole de Tsai Ming Liang, Ye mei gui zhi lian aka The wild, wild rose de Wang Tian Lin, de grands moments de cinéma...

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