dimanche 21 juin 2009

Margot Hielscher, une vamp à contre temps






Bouche carnassière, regard pénétrant, silhouette parfaite, la brune chanteuse Margot Hielscher avait toutes les qualités pour incarner à l’écran les vamps vénéneuses. Hélas, il faut parfois savoir être là au bon endroit et au bon moment, et dans l’Allemagne de l’immédiat après guerre, années « tunnel » d’un cinéma bien sage et consensuel entre folklore et guimauve, la troublante star n’a pas eu l’opportunité de se voir proposer des rôles lui convenant vraiment. Née à Berlin en 1918, la jeune Margot se destinait très tôt à une carrière artistique, hésitant entre le chant et la comédie. Néanmoins pour se conformer aux désirs de son père qui souhaitait qu’elle trouve une voie plus sérieuse et plus sûre, la jeune femme entame des études de styliste. Elle présente plusieurs modèles à l’exposition universelle de Paris en 1937 et est engagée en 1939 par les studios de cinéma UFA pour dessiner des costumes. Heinz Rühmann, séduit par ses créations l’engage pour dessiner les tenues de ses 4 prochains films. A la cantine du studio, le compositeur Théo Mackeben apprend que la jeune styliste sait aussi chanter et jouer la comédie : il lui déniche un petit rôle de dame de compagnie dans l’antibritannique Marie Stuart (1940) avec la célèbre Zarah Leander.L’année suivante, elle tient un rôle secondaire dans le mélo sentimental Au revoir Franciska, où elle porte une de ses créations (pas géniale d’ailleurs…). Le succès du film booste sa carrière : Margot est engagée pour jouer dans l’adaptation filmée d’une opérette où avait brillé sur les scènes viennoises la fameuse Zarah, sorte de pastiche de la vie présumée de la solitaire Greta Garbo, avec la norvégienne Kirsten Heiberg en tête d’affiche (Zarah est déjà en disgrâce chez les nazis) : le film passe pour être le musical le plus couteux de l’ère nazie. Mais c’est en incarnant une vamp dans « les femmes ne sont pas des anges » que Margot triomphe en chantant de jolies compositions de Mackeben.Son visage sensuel, la grande beauté de son regard et son immense sourire séduisent les spectateurs. Lors de la grande première de Voyage dans le passé 1943, pseudo-remake de carnet de bal de Duvivier, une alerte à la bombe retentit : les spectateurs aux abris s’empressent dès la fin de l’alerte de regagner leur fauteuil pour ne pas rater les dernières minutes.
A la fin de la guerre, Margot participe à des spectacles organisés pour les soldats américains basés en Allemagne. Le grand producteur du muet Erich Pommer, de retour dans son pays après des années d’exil, en tant qu’officier du gouvernement militaire est chargé de la réorganisation de l'industrie cinématographique. Il décide de bâtir un musical réaliste sur la vie d’une chanteuse, en tournée dans les bases militaires dont le cœur est déchiré entre un soldat américain et allemand : l’occasion pour la belle d’interpréter quelques airs très swing et très américanisés, mais surtout une sublime mélodie très prenante wenn die baumwollfelder, qu’elle met très bien en valeur avec sa belle voix prenante, qu’elle enregistre pour Télefunken : désormais sa carrière de chanteuse, ses émissions de radio (où elle rencontre Benny Goodman-qui deviendra un ami de longue date, Duke Ellington) et ses succès discographiques (une version jazzy de la comptine frère Jacques, absolument craquante, la version allemande de Domino…) vont peu à peu prendre le pas sur ses films (amour démoniaque, nostalgie…), des mélos souvent musicaux. En 1953, Margot chante en duo avec Maurice Chevalier dans Schlagerparade, le film qui va déclencher la vogue en Allemagne des films de variétés, bourrés de chansons à la mode. Son décolleté très échancré fait jaser de même qu’une supposée liaison avec la célèbre star française (elle aurait pris la place de Patachou dans son cœur). On raconte qu’elle est aussi très amie avec Gary Cooper, qui adore ses chansons. A la même époque, elle hérite d’un petit rôle de chanteuse dans le diable fait le troisième de Gene Kelly et sympathise avec Léonard Bernstein avec lequel elle chante du Gerschwin lors d’un spectacle (le fameux compositeur déclarera qu’il n’avait jamais pensé qu’une jolie nazi-girl connaissait ce répertoire !)Compte tenu du rôle que joua Théo Mackeben dans sa carrière, il est naturel que la vedette figure dans le biopic consacré à ce célèbre compositeur, Près de toi chérie (1954) : entourée de girls dénudées, margot y reprend son tube du film « les femmes ne sont pas des anges » ainsi que le fameux « bei dir war es immer so schön », la plus fameuse création de l’artiste. Hormis les revues filmées, peu de rôles conviennent à la femme fatale du cinéma allemand. On la distribue pourtant dans la montagne qui chante (1957), un musical folklorique, entre tyroliennes et tcha tcha, où elle semble perdue ou encore dans Salto Mortale (1953), un film de cirque (autre genre très prisé outre Rhin).

En 1957 et 1958, toujours curieusement accoutrée d’une robe de sa création, Margot représente l’Allemagne à l’eurovision. On la voit aussi dans la série télé américaine les vikings avec Edmond Purdom. Dans les années 60, la chanteuse a surtout trouvé des rôles à la télévision dans des séries policières, grande spécialité locale.Depuis la mort de son mari, le compositeur Friedrich Meyer dont elle partageait la vie depuis 4 décennies, la chanteuse s’est éloignée du show business. Margot Hielscher : un visage et un regard que l’on n’oublie pas. S’il est bien difficile de voir ses films de nos jours (à moins de les choper sur les chaînes allemandes de temps à autres), on peut toujours se délecter de ses enregistrements sur CD car c’était une excellente chanteuse de charme : Gary Cooper, Gene Kelly et Leonard Bernstein ne peuvent pas se tromper !

1 commentaire:

  1. Recently, RHV released on DVD a little seen Italo-German production, Vittorio Cottafavi's NEL GORGO DEL PECCATO (aka DAS EWIGE LIED DER LIEBE), where Margot Hielscher sings DAS ARME KLEINE HERZ in Italian. Her acting -as leading character- is dubbed by an Italian actress, but when she sings you can actually hear her own voice.

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