dimanche 18 octobre 2009

Sheree North, la blonde fantôme









Lancée à la fin des années 50 par la 20th Century Fox pour remplacer la capricieuse Marilyn Monroe, Sheree North était bien plus qu’une copie carbone aux cheveux peroxydés. Cette excellente danseuse n’a pas vraiment eu l’occasion de faire valoir son talent dans les comédies frivoles qu’on lui a proposé et que Marilyn, pas folle, avait refusé. Parallèlement, le musical hollywoodien brillait alors de ses derniers feux, et la vedette n’a pas eu le temps de s’imposer sur grand écran.

Née en 1933 à Hollywood, Sheree North a passé son enfance à deux pas des grands studios de cinéma. Orpheline de père, elle travaille très tôt dans différentes troupes de danse après avoir falsifié son âge. Mariée à 15 ans, mère à 16, divorcée à 17, ses débuts sont difficiles. Après avoir dansé dans des cabarets mal famés, la jeune femme est contrainte de tourner dans des courts métrages sexy, diffusés dans les peep shows, pour arrondir les fins de mois., dans lesquelles elle se livre à des danses lascives en petite tenue. Entre deux spectacles de night club, la danseuse parvient à s’infiltrer dans les studios de cinéma, comme doublure pour des scènes de danse ou de la simple figuration. Grace au soutien du chorégraphe Robert Alton, son nom apparaît enfin au générique de Il y aura toujours des femmes, amusante farce sur Jack l’éventreur avec Bob Hope et Rosemary Clooney, où la plupart de ses scènes seront coupées. Finalement engagée à Broadway, pour une adaptation musicale de la joyeuse suicidée (une screwball comédie ), la jeune actrice décolorée en blond platine comme Carole Lombard, la star du film d’origine est remarquée pour sa prestation très sexy. Fini le temps des vaches maigres : la coqueluche de Broadway qu’on compare déjà à Marilyn, se voit logiquement proposer un rôle dans l’adaptation filmée du spectacle « C’est pas une vie Jerry » avec Jerry Lewis. Son numéro complètement survolté de charleston avec un Lewis délirant (et très à l’aise) est très remarqué. Alors qu’à la même époque, on surnommait en France Gilbert Bécaud Monsieur 100 000 volts, cette appellation n’aurait pas été usurpée par la belle Sheree! Après l’avoir vu danser de façon effréné un rock dans un show TV(jugé trop torride par le sponsor du show ) , Daryl Zanuck, le patron de la Fox, emballé, lui signe un contrat, avec une curieuse idée derrière le crâne. La vedette principale du studio, Marilyn Monroe s’averrant de plus en plus difficile à gérer , Zanuck menace de confier tous les rôles qu’elle refuse à Sheree ( il avait fait la même chose autrefois en intimidant Alice Faye avec Betty Grable, puis Grable avec June Haver, puis Haver avec Mitzi Gaynor). Chose facile car elles ont les mêmes mensurations et peuvent donc échanger leurs costumes! L‘agent de Sheree claironne déjà que sa protégée va jouer dans la joyeuse parade, quand finalement Monroe, inquiète se ravise et finit par accepter un rôle qu‘elle jugeait trop court à l‘origine. De même, la presse est largement conviée à suivre les séances photos de Sheree pour une comédie refusée par Marilyn qui finalement ne verra jamais vu le jour. La blonde fantôme, autre projet rejeté par Marilyn, se concrétisera en revanche sur grand écran avec Sheree : le médiocre résultat , du à un scénario stupide, montre que Marilyn avait du discernement.
Sherree tire néanmoins son épingle du jeu avec un rock endiablé dont elle a le secret (le premier rock de l‘écran américain si on en croit les journaux de l‘époque) et éclipse sans mal une Betty Grable en fin de course (ce sera son dernier film). Alors que le film disparaît vite des écrans, la jeune vedette est rattrapée par les films coquins qu’elle avait tourné en période de disette (comme Marilyn l’avait été avec son calendrier). Finalement, le mini scandale lancé par des journalistes mal intentionnés ne lui sera pas nuisible et ne fera qu’asseoir l‘image de vamp exagérément sexy que la Fox lui façonnait . Alors que le magazine Life titre imprudemment « Sheree North supplante Marilyn Monroe », la jolie blonde joue avec Tom Ewell dans Chéri, ne fais pas le zouave de Frank Tashlin, une comédie dans la lignée de 7 ans de réflexion, en beaucoup moins réussi. Dommage,car l’actrice y fait preuve de beaucoup de naturel et de chaleur humaine, loin de l’image de sex symbol que la Fox tentait d’imposer de façon insistante. Dans le musical « les rois du jazz », biopic très hollywoodien, avec Gordon MacRae, la comédienne donne encore une prestation explosive dans le meilleur numéro du film : un charleston rappelant un peu la prestation d’Ann Miller dans au fond de mon cœur, mais auquel elle apporte sa sensualité et son effervescence avec brio. Loyale, elle avouera avoir été doublée pour le chant. Alors que l’imposante Jayne Mansfield s’impose comme la nouvelle concurrente de Marilyn, Sheree, contente d’échapper à cette compétition tourne dans un western puis un film de gangster à petit budget, où les critiques distinguent sa prestation, tout comme pour les sensuels un drame psychologique
de Martin Ritt. Néanmoins, la Fox toujours en quête de nouveaux sex symbols, n’a plus envie de miser sur elle, et la congédie après Mardi gras, un musical pâlichon avec le gentil Pat Boone, rocker de bonne famille. On peut d’ailleurs se demander si son agent Henry Wilson, connu pour avoir promu la carrière de jeunes éphèbes comme Rock Hudson, Tab Hunter ou Troy Donahue était vraiment l’homme de la situation pour mener la carrière de la nouvelle Marilyn. Meurtrie par cette mise à l’index, l’étoile filante consulte un psy qui devient son troisième mari. Après une longue période d’inactivité, elle part en tournée avec les spectacles Can Can ou Irma la Douce. Finalement, elle fait son come-back à l’écran dans un ridicule nanar de science fiction avec un vilain monstre marin en caoutchouc, à bord d’un objet flottant non identifié. Heureusement, l’actrice a enfin la possibilité de faire preuve d’un réel talent de comédienne dans des films plus prestigieux comme Terreur sur la ville (Madigan), un polar nerveux de Don Siegel ou les parachutistes arrivent de Frankenheimer (1969) dont elle se tire avec les honneurs. Son numéro de danseuse topless, très osé pour l’époque et la plupart des scènes de l’actrice seront d’ailleurs coupés dans de nombreux état (comme les scènes de nu de Deborah Kerr). On la retrouve ensuite dans un des derniers musicals d’Elvis Presley « filles et show business », où elle danse une dernière fois à l’écran.
Dans les années 70 et 80, on a beaucoup vu Sheree North dans des séries télé comme Kojak, Magnum ou Dr Malcus Welby et d’autres encore qui n’ont jamais été diffusées en France . Beauté fanée et moue désabusée, la vamp lumineuse des années 50 avait laissé la place à une comédienne au talent affirmé. Pourtant, encore en 1983, l’actrice avouait qu’elle demeurait pour les producteurs la blonde qui a failli remplacer Marilyn Monroe (et j’imagine que c‘était aussi le cas pour un grand nombre de spectateurs), et qu’on lui refusait encore de nombreux rôles dramatiques.
Sheree North est décédée d’un cancer, durant une intervention chirurgicale, en 2005. Bien plus qu’un clone de Marilyn , on retiendra l’image d’une comédienne de talent et d’une danseuse à l’énergie incroyable dont on aurait aimé davantage pouvoir apprécier la virtuosité.






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