samedi 28 mai 2011

Yvonne Printemps, l'éblouissante diva de l'opérette française








Née en 1894 à Enghien dans une famille très pauvre (son père a déserté le foyer peu après sa naissance), Yvonne Printemps a toujours rêvé d’échapper à sa modeste condition : grâce à une amie de sa mère, elle débute à 14 ans au Music hall dans la revue « Nue cocotte » où elle tient le rôle du petit chaperon rouge avant de rejoindre la troupe des Folies Bergère où elle va rester plusieurs années. Remarquée pour son abattage, sa voix céleste et ses fort jolies jambes, la belle fait battre bien des cœurs dont celui de l’aviateur Georges Guynemer, héros de la première guerre mondiale, disparu au combat en 1917. Mais c’est sa rencontre avec Sacha Guitry, dramaturge et comédien de grande renommée qu’elle épouse en 1919, qui va faire d’elle une étoile de première grandeur. Subjugué par le charme piquant et l’esprit de la blonde divette, Sacha lui consacre plusieurs opérettes (dont la musique est signée Willemetz, un ex d’Yvonne) et 34 pièces de théâtres, taillées sur mesure pour mettre en valeur sa galathée.
Yvonne devient vite une égérie du tout Paris, à la pointe de mode, avec ses bijoux somptueux (des cadeaux de Sacha) et son tempérament caractériel.
Dès 1918, le couple paraît dans un film muet « un roman d’amour et d’aventures », avec des effets spéciaux très perfectibles, qui sera un échec commercial. Le film était-il si mauvais ? Comme il a entièrement disparu, on ne pourra en juger. En tous les cas, blessé dans son immense orgueil, le vaniteux Sacha jurera de ne plus toucher à la pellicule…parole qu’il tiendra pendant près de 15 ans. Peu photogénique en raison de son nez pointu et son menton en galoche, Yvonne dédaignera aussi longtemps le cinéma pour enchaîner les triomphes sur les scènes parisiennes.
Parmi ses immortels succès, on n’oubliera pas les fameux airs de l’opérette Véronique (poussez l’escarpolette…), son pot pourri en hommage au navigateur Alain Gerbault et ses interprétations d’œuvres d’Offenbach. Si son charisme, son incroyable présence avaient fait d’elle la « meilleure actrice d’opérettes de son temps » pour reprendre les louages de Colette, c’est sa voix incomparable et incroyablement nuancée qui étonne encore aujourd’hui : une façon toute personnelle de moduler chaque note, avec une aisance presque surnaturelle, et surtout une voix toute emprunte de sa personnalité à la fois primesautière et malicieuse.
Au début des années 30, la très infidèle Yvonne quitte Guitry pour le comédien Pierre Fresnay. Les innombrables bijoux que lui offraient le roi de théâtre ne pourront pas la détourner de sa passion pour le comédien qui vient de triompher dans Marius de Marcel Pagnol : Une idylle qui fait le bonheur des journalistes. Encouragée par le nouvel homme de sa vie, et surtout désireuse de rester le plus souvent à ses cotés, Yvonne revient au cinéma, malgré ses réticences et son mépris pour le milieu des studios. Elle incarne la dame aux camélias, hélas sous la direction du fort médiocre Fernand Rivers, heureusement secondé par Abel Gance. Si le film parait bien fade, l’actrice s’en sort avec les honneurs et d’excellentes critiques qui saluent une performance meilleure que celle de Sarah Bernhardt…avant qu’elle ne soit elle-même supplantée 2 ans plus tard par la divine Garbo dans le superbe film de Cukor ;
En 1934, la Diva le plus cotée de Paris se rend à Londres pour jouer dans une pièce de Noël Coward, que beaucoup ont surnommé le Guitry anglais, écrite tout spécialement pour elle. On en retiendra surtout le merveilleux air « I’ll follow my secret heart ».
En 1937, Yvonne fait un véritable tabac dans l’opérette « trois valses », confirmé par le succès triomphal de l’adaptation cinématographique très réussie qui demeure une des opérettes filmées les plus réussies de l’histoire du cinéma français.
. Toujours aux cotés de Pierre Fresnay, Yvonne crève en effet en incarnant brillamment 3 personnages avec un charme insolent. Galvanisée par ce succès, l’actrice poursuit avec une autre opérette filmée « Adrienne Lecouvreur », une production franco-allemande très agréable à l’œil et à l’oreille, alors que les nazis viennent d’envahir l’Autriche.
En 1939, Pierre Fresnay s’essaie à la réalisation en confiant à son épouse le rôle principal, mais c’est un échec cuisant. Pendant la guerre, on retrouve le couple dans une très décevante fantaisie musicale complètement ratée « Je suis avec toi » pourtant signée du très inégal Henri Decoin. Les dialogues censés être drôles sont pénibles, et Miss Printemps pourtant si plaisante dans les trois valses, n’arrange pas les choses en sur jouant comme dans une mauvaise comédie de boulevard ; Le seul bon moment est la jolie séquence où le couple Fresnay/Printemps revient ivre de la soirée, et où elle lui emprunte son chapeau claque pour chanter le délicieux « mon rêve s’achève » composé par Sylviano.
En 1943, la comédienne triomphe sur scène dans Léocadia de Jean Anouilh (d’où est tirée les chemins de l’amour, une sublime valse de Francis Poulenc).
Après guerre, on retrouve le couple Fresnay-Printemps dans un mélo bien poussif « les condamnés », « la valse de Paris » un film musical réussi sur la vie d’Offenbach (où elle fournit une excellente prestation dans le rôle de la cantatrice Hortense Schneider). Yvonne fait sa dernière apparition à l’écran dans le voyage en Amérique, comédie qui prône le confort de la bourgeoisie campagnarde face au rêve américain.
L’actrice se produit encore sur scène jusqu’en 1958 puis préfère se retirer pour ne pas écorner son mythe. On raconte qu’elle était fort méchante avec son pauvre compagnon, qu’elle le trompait sans arrêt (elle avouera elle-même 396 soupirants !!), le menait par le bout du nez alors qu’il exauçait benoîtement ses nombreux caprices. Il est possible que la très prétentieuse Yvonne lui reprochait de l’avoir supplantée en popularité au fil des années : en tous les cas, pour maintenir le train de vie luxueux de Madame, Pierre Fresnay n’hésitera pas à se compromettre dans de nombreux navets lucratifs.
Yvonne printemps est décédée en 1977, deux ans jour pour jour après la mort de Pierre Fresnay., et avec elle c’est tout une époque, à la fois frivole et charmante, qui disparaissait.

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