samedi 30 mai 2009

Lizzi Waldmüller, piquante vedette des opérettes viennoises





Pendant la guerre, le public allemand avait besoin d’évasion et de divertissement. Nombreuses opérettes filmées furent ainsi mises en chantier pour distraire les spectateurs qui le temps de quelques roucoulades pouvait ainsi s’échapper de leur sombre quotidien. La piquante brunette Lizzi Waldmüller fut la vedette principale de ces viennoiseries légères : des films, souvent très datés sont enfouis dans les mémoires, mais qui ne déplairaient pas aux amateurs du genre.
Née en 1901, Lizzi Wald Müller toujours baigné dans le monde du spectacle : sa mère était chanteuse et son père, directeur d’une compagnie théâtrale. Aussi la gamine débutera très tôt sur les scènes viennoises. Après avoir pris des cours de chant, la jeune artiste joue les soubrettes dans de nombreuses opérettes à Innsbruck, Vienne et Berlin.
Elle obtient notamment un succès notable dans l’opérette de Paul Abraham « Viktoria et son hussard », qui sera porté à l’écran en 1932 puis 1954. A l’arrivée du cinéma parlant, les producteurs sont plus que jamais à l’affût des jolies artistes des scènes théâtrales. Lizzi est engagée comme vedette de « la mouche espagnole », une farce mise en scène par Georg Jacoby, un vieux routier du muet plus connus pour ses films ultérieurs avec Marika Rökk. Néanmoins, ni ce film ni les suivants (dont lachenden erben de Max Ophuls une comédie bien enlevée mais totalement étrangère à l’univers de ce cinéaste) ne vont permette à la chanteuse de s’imposer. Un peu déconfite, Lizzi préfère se tourner vers la chaleur des applaudissements : elle rencontre et épouse Max Hansen célèbre cabarettiste à l’humour coriace, créateur à la scène du rôle principal de l’auberge du cheval blanc. L’artiste juif, attaqué par les nazis (qui lui avaient lancé des tomates lors d’un spectacle), est contraint de quitter l’Allemagne pour l’Autriche puis la Suède (ensemble ils tourneront un film là bas en 1936).
Après leur séparation, l’actrice revient en Allemagne où elle doit repartir à zéro : Willi Forst, probablement le plus talentueux confectionneur de viennoiseries filmées, l’engage pour un court rôle de soubrette dans l’adaptation de Bel ami de Maupassant. Dans le petit rôle d’une ex du fameux séducteur, Lizzi n’a pas beaucoup de scènes mais une chanson magique , l’entraînante « bel ami » qui remporte un triomphe aussi bien en Allemagne que chez nous (par Tino Rossi et Eva Busch).
Portée par cette mélodie triomphale, Lizzi devient enfin à près de 40 ans une grande vedette du film musical et va tourner sans discontinuer jusqu’à la fin de la guerre.
Parmi ses apparitions les plus remarquées, musique de rêve, un film revue avec le célèbre chanteur d’opéra Benjamino Gigli. Dans un passage très inspiré de Busby Berkeley (et copié plus tard par Ken Russell dans th boy friend), Lizzi monte sur un gramophone géant et danse sur un disque 78 tours tandis que les silhouettes des girls se reflètent sur les murs. Comme souvent dans les films allemands de l’époque, les décors sont hideux mais les chansons de 1er ordre. Lizzi tourne également dans la version italienne de ce film où Rossano Brazzi tient le rôle principal.
Dans une nuit à Venise qui reprend les motifs d’une fameuse opérette de Strauss, Lizzi donne la réplique à Heidemarie Hatheyer, actrice dramatique fort talentueuse.
La comédienne viennoise remporte son plus grand succès dans folies nocturnes (1941) , opérette de la fin du 19ème siècle, une pièce montée plutôt réussie si on se réfère aux critiques (très contrôlées) de l’époque. Elle y livre un très emballant « berliner luft" qui sera repris par Zarah Leander et même plus récemment par des patineurs allemands pour accompagner leur prestation.
La voix et l’entrain de Lizzi sont bien utilisés dans Es leben die liebe, musical de bon aloi, avec Johannes esters le « grand seigneur du film viennois ». Les mélodies romantiques sont superbes et placent cette opérette parmi les meilleures de cette sombre époque.
Réputée pour ses qualités de cuisinière, la vedette était connue pour mitonner pour ses collègues des bons petits plats dans ses chambres d’hôtels avec des produits achetés au marché noir. En pleine alerte à la bombe, pendant les bombardements viennois d‘avril 1945, la star se hasardera à quitter sa cave pour faire la cuisine. Elle sera tuée instantanément par une explosion. Compte tenu des circonstances tragiques, son compagnon, l’acteur du muet Egon Von Jordan sera obligé de l’enterrer lui même dans un bois voisin en recouvrant son corps de papiers d’emballage.
Une triste fin pour une artiste si souriante à la voix radieuse, fantôme d’un cinéma endormi sous les décombres.

vendredi 29 mai 2009

Juhi Chawla, vive et charmante star indienne des années 90










Portrait réalisé par Jordan White et reproduit ici avec son amicale autorisation :



Née le 13 novembre 1967, Juhi Chawla est une actrice très discrète au point que mettre un nom sur son visage n'est pas chose aisée d'autant qu'elle n'enchaîne pas les tournages actuellement et n'est pas souvent en une des journaux. Mais qu'à cela ne tienne. Le talent de cette jeune femme s'est révélé très tôt. D'origine punjabi, elle a grandi dans une famille où les langues se côtoyèrent entre une maman de langue maternelle gujarati et un papa de langue punjabi. Elle étudie à Ludhania et a un frère Sanjeev. Après un diplôme de l'enseignement supérieur elle se présente au concours de Miss India en 1984 qu'elle remporte. Comme un certain nombre d'actrices indiennes, elle est donc passée par la case Miss Inde avant d'entamer une carrière ciné. Les portes du cinéma s'ouvrent grandes à elles et elle tourne dans un premer film en 1986, à 19 ans dans Sultanat. Ce film existe probablement en VHS mais je ne sais pas si c'est le cas aussi en DVD. Le vrai rôle de la reconnaissance publique et critique arrive avec Qayamat Se Qayamat Tak réalisé par Indra Kumar en 1988 qui révèle au monde un acteur longiline à la touffe de cheveux explosive mais au regard de premier romantique...Aamir Khan. Les deux se rencontrent sur le tournage et c'est l'alchimie immédiate. A peine âgés de vingt ans tous les deux, ils forment le premier couple romantique du renouveau hindi dont Qayamat Se Qayamat Tak marque le tournant décisif. Pour la première fois depuis des années, un couple s'embrasse sur les lèvres dans un film. Sans être nommée comme meilleure actrice au FilmFar Awards cela ne l'empêche pas de poursuivre sa carrière alors même que Madhuri Dixit est-elle aussi en train d'exploser, particulièrement en 1990 avec Dil toujours signé Indra Kumar.Juhi enchaîne les rôles entre 1991 et 1992. Elle tourne par exemple avec Rajnikanth acteur mythique du Sud et de Kollywood qui pendant les années 90 va enchaîner les rôles dans les deux langues (en étant doublé) à la fois pour le public hindi et tamoul. On le verra par exemple aux côtés de Kamal Hassan. En 1992 pour la première fois elle a pour partenaire celui qui a explosé la même année avec Deewana, un certain ShahRukh Khan, issu de la sitcom télé et qui a remplacé au pied levé Salman Khan et Aamir Khan qui avaient refusé des rôles jugés trop violents à leurs yeux. Auréolé du succès de son premier vrai rôle et vainqueur d'un FilmFare, l'acteur originaire de Delhi est en train de devenir l'acteur le plus en vue. Et sera bientôt surnommé le Badshah (le roi). Le film semble-t-il médiocre d'après a2line s'intitule Raju Ban Gaya Gentleman. Elle retrouve Aamir pour Hum Hain Rahi Pyar Kai qu'elle tourne en 1993 et se voit dirigée par Muhesh Bhatt producteur aujourd'hui de bon nombre de productions Adlabs avec Emran Hashmi. Elle est associée à Sunny Deol dans Darr (1993) où elle est aux prises avec un Shahrukh devenu fou d'amour. En 1995 elle est à l'affiche du déjanté Ram Jaane dans lequel SRK joue à nouveau les amoureux fous. Mais la vague de films ultra-violents perd peu à peu du terrain en raison du succès monstre de la comédie familiale Hum Aapke Hain Koun qui a soufflé un vent d'air frais dans la production limite d'alors en 1994. SRK devient son comédien fétiche avec lequel elle tourne beaucoup jusqu'à la fin des années 90. Les deux comparses, amis dans la vie ont même crée une boîte de production avec l'impulsion de Subhash Ghai réal culte des années 70-80. Des années plus tard, ils ne produiront plus ensemble car à partie de 2005 et Kaal, ShahRukh produira des films sous l'égide de sa maidon de prod nommée Red Chilies qui sortira Om Shanti Om en 2007. En 1997 elle est dans Yes Boss puis Ishq avec Aamir Khan, Ajay Devgan et Kajol. En 1998 dans Duplicate avec SRK dans un double rôle comique,tournage durant lequel sa maman décède dans un accident. Elle se marie à un industriel avec lequel elle aura deux enfants, un fils et une fille.Au début des années 2000, elle tourne à nouveau en compagnie de Shahrukh dont elle ne sépare pas. Ensemble ils jouent dans Phir Bhil Dil Hai Hindustani, qui présente une incroyable dernière séquence durant laquelle les deux acteurs prennent à bouts de bras le drapeau de l'Inde pour renforcer le message patriotique du film en courant au ralenti. Le film vaut aussi d'être vu pour sa formidable chanson Banke Tera Jogi dont je me passais le clip en boucle quand je l'ai découvert. Il est constitué de petits plans-séquences que ne font qu'interrompre les passages comiques avec Johnny Lever. J'ai découvert la musique punjabi par ce clip et beaucoup de souvenirs y sont associés.Banke Tera JogiLa même année elle est à l'affiche de One 2 Ka 4 une parodie regardable de James Bond. Mais son rôle le plus fort est celui qu'elle tient dans 3 Deewarein, plaidoyer contre la peine de mort réalisé par Nagesh Kukunoor. Un rôle qu'elle partage au niveau de l'impact avec celui qu'elle tient dans le très beau My Brother Nikhil en 2005, film qui aborde deux thèmes sensibles : l'homosexualité et le sida. Elle fait ensuite quelques apparitions dans Paheli, produit par SRK, dans le très médiocre Bas ek Pal, puis dans Salaam E-Ishq en 2007 de Nikhil Advani où elle interprète une femme qui vit dans le silence l'adultère de son mari joué par Anil Kapoor. Un rôle très oubliable surtout mis en avant par la chanson éponyme :Salaam e IshqElle vient de sortir un film en 2008 avec Boothnath pas plus tard qu'hier dans lequel elle joue aux côtés de SRK et Amitabh Bachchan. Forte d'une carrière aux rôles variés, Juhi Chawla est une figure singulière, au charme bel et bien présent. Une actrice capable de changer de registres avec une grande facilité.
MON AVIS :

J'imagine que comme moi, de nombreux amateurs du cinéma de Bollywood ont découvert assez vite Juhi Chawla, en cherchant après avoir vu Laagan ou Devdas, au cinéma ou à la télévision, des films avec Aamir Khan ou Shahruhk Khan dans les magasins spécialisés : cette actrice a en effet joué dans beaucoup de leurs premiers films. La vedette a franchi le cap de la quarentaine, cap souvent fatidique dans le monde de Bollywood. On espère pour elle qu'elle ne sera pas contrainte rapidement de se teindre les cheveux en blancs pour jouer les braves mamans dans des seconds rôles, car entre la jeune héroïne et la maman gâteau, Bollywood n'a pas toujours proposé beaucoup d'alternatives aux comédiennes.

jeudi 28 mai 2009

Jo Stafford, la voix mélancolique des années 40





Jo Stafford, une des plus populaires chanteuses américaines des années 40-50 nous a quittés l'an passé à plus de 90 ans.

Elle avait débute toute jeune dans un quatuor vocal, les « Pied pipers », qui interprètait en parfaite harmonie des ballades romantiques dans l’orchestre de Tommy Dorsey et assurait les chœurs derrière le tout jeune Frank Sinatra.
Au sein des Pied Pipers, Jo Stafford va paraître dans quelques films musicaux (Las Végas nights, Croisière mouvementée...) où ses interventions se limitent à quelques refrains.
Dans La du Barry était une dame, elle chantait Katy went to Haïti, déguisée en marquise, dans la séquence se déroulant à la cour de louis XV.
En 1943, Jo Stafford quitte les pied pipers pour entamer une carrière solo très prestigieuse. La grande rivale de Dinah Shore devient la chanteuse favorite des GI (d’où son surnom de GI Jo) et collectionne les tubes jusqu’à la fin des années 50 :
Sa version de Trolley song (1944) du chant de Missouri se classera bien mieux dans les charts que celle de Judy Garland. L’énorme succès de You belong to me en 1952 (2 millions d’exemplaires vendus !) lui vaudra de recevoir un disque de platine (le tout premier remis à une artiste). Parmi ses autres succès, des cantiques (sa voix est vraiment idéale pour ce genre) en duo avec l’acteur chanteur Gordon MacRae, une version variété de l'étude op. 10 en mi majeur de Chopin (40 ans avant le Lemon incest de Gainsbourg) , le fameux hit country Jambalaya en 1953 et des chansons tirées de films (long ago and far away de Cover girl, bo bidibo de Cendrillon…) . Réputée pour la justesse de ses interprétations (Sinatra était très impressionné par sa technique et son aptitude à tenir une note pendant plus de 20 secondes) et sa voix décontractée presque sans aucun vibrato, Jo Stafford va s’offrir une récréation en 1947 en enregistrant sous un faux nom (Cinderella J Stump) une version parodique et country de Temptation avec un accent hillbilly à couper au couteau : c’est un triomphe. Du coup, parallèlement à sa carrière, elle va s’amuser à massacrer quelques chansons en chantant complètement faux sous le pseudo de Darlène Edwards dans des parodies souvent désopilantes : un rare exemple de schizophrénie dans la chanson ! Après avoir animé quelques shows télé au début des années 60, si Jo Stafford abandonne sa carrière principale vers 1966, Darlène Edwards va continuer à sévir pour le pire et pour le rire jusqu’en 1978 (à noter une version calamiteuse de staying alive des Bee Gees, qui montre bien l’humour de la chanteuse)


dimanche 24 mai 2009

Lizabeth Scott, du film noir à la chanson



Parmi les sirènes fatales évoluant dans les films noirs mythiques des années 40, qui ont séduit des générations de cinéphiles, l’une des plus troublantes figures demeure la ravissante Lizabeth Scott, qu’on a eu souvent tendance à sous-estimer, car son personnage cinématographique s’inspirait beaucoup des vamps incarnées par Lauren Bacall et Veronika Lake et qu’elle a peu de très bons films à son actif. Pourtant, elle a davantage joué dans des polars que les deux comédiennes précitées et le plus souvent avec davantage de talent (c’est un avis personnel). En outre, si comme les deux stars, elle est souvent doublée pour les scènes de chant, dans les cabarets enfumés où elle évolue et interprète des airs jazzy et langoureux, l’actrice s’est vite prise au jeu, a pris des cours et s’est finalement lancée dans la chanson à la fin des années 50.

Née en 1922 en Pennsylvanie, Lizabeth Scott a été encouragée par ses parents dans sa carrière artistique. Après avoir suivi des cours de piano et de diction, elle fait un peu de mannequinat et obtient un job de girl dans la revue Hellzapoppin. En 1942, elle est engagée à Broadway comme doublure de Tallulah Bankhead : manque de chance, la star ne sera pas malade un seul jour. On raconte que le climat était plutôt glacial entre l’ambitieuse jeune actrice et la mythique star qui avait peur d’être supplantée, et que leurs antagonismes auraient inspiré le scénario ‘All about Eve’. Le producteur indépendant Hal Wallis, remarque sa photo sur un magazine et lui propose de le suivre à Hollywood. (Très loyale, elle lui gardera une reconnaissance éternelle et continue de venter ses mérites et son professionnalisme lors des interviews).

En effet, auparavant la Warner lui avait fait passer un screen test jugé catastrophique « elle ne sera jamais une star, au mieux une actrice de second rôle » avait déclaré Jack Warner. Parce qu’elle ressemble trop à sa star Lauren Bacall ?
Wallis lance Lizabeth à Paramount, avec force publicité, beaucoup de photos et un gingle : Lauren Bacall était « the look », Lizabeth devient la « menace » ! Menace pour l’autre star blonde du film noir Paramount Véronika Lake dont elle va vite reprendre la relève (en tous les cas, elle n'a pas de mal à joer mieux qu'elle) ? Dans les journaux français, on la présente comme la nouvelle Garbo (son coté mystérieux ?)
Après un morne mélo avec Robert Cummings »le prix du bonheur », Lizabeth crève l’écran dans « l’’emprise du crime » un excellent film noir de Lewis Milestone et parvient à tirer son épingle du jeu face à une Barbara Stanwyck machiavélique, en apportant beaucoup de sensibilité et de subtilité à son personnage de jeune fille innocente. Autre point d’orgue dans la carrière de Lizabeth, en marge de l’enquête (1947), où elle aborde pour la première fois un personnage de vamp dangereuse : elle attire dans ses filets Humphrey Bogart qui recherche le meurtrier de son ami : hors, c’est elle la criminelle et elle va tenter de tuer Bogart à présent.
Un thriller classique, et fort agréable, très bien joué par les deux stars.

Rares sont les films noirs tournés en technicolor, aussi la furie du désert (1948) avec Burt Lancaster fait figure de rareté : sans être objectivement excellent, c’est le genre de film qu’on regarde avec délice, tant il a un coté camp, aussi bien dans la forme que dans le fond (il faut voir Mary Astor en mère possessive et abusive, tenancière de cabaret). Il fut lancé avec le slogan suivant : « elle veut piquer l’homme de sa mère ! »
Lizabeth Scott est désormais abonnée aux rôles de vamp. Pour séduire son auditoire, la vamp a sa panoplie : des lèvres pulpeuses, des fourreaux comme Rita Haywoth dans Gilda, une voix à la fois suave et grave comme Lauren Bacall, et quelques mélodies langoureuses qu’elle interprète avec émotion. Dès son premier film, elle reprend un des gros succès de Bing Crosby "out of nowhere" qui se prête bien à sa voix de crooneuse. Elle chante ainsi dans En marge de l’enquête, l’homme aux abois, racket et surtout la main qui venge(beaucoup de refrains connus dans ce dernier, le premier film de Charlton Heston). Il semble néanmoins que l’actrice soit le plus souvent doublée pour le chant par Trudy Stevens (qui a notamment doublé Vera Ellen dans Noel blanc et Kim Novak dans Pal Joey), même si la voix chantée semble pourtant très proche de la sienne (De son coté Lauren Bacall se faisait doubler par…un homme, le crooner Andy Williams, afin d’avoir un coté un peu ambigu).

Cependant, Lizabeth Scott tient à souligner qu’elle n’a pas joué que dans des films noirs et rappelle qu’on l’a vue aussi dans Noces rouges (1954, un très bon western d’Allan Dwan, où elle est très convaincante dans un rôle différent) ; Elle a beaucoup apprécié de tourner aussi dans le musical « Fais-moi peur « avec Dean Martin et Jerry Lewis, le duo protégé d’Hal Wallis. Une histoire de fantôme plutôt rigolote mais manquant cruellement de substance (sur un plan musical, une Carmen Miranda vieillissante vient faire son show). Pourtant, Lizabeth aurait adoré jouer à nouveau avec les deux zigotos !

L’occasion ne se présentera pas, et peu d’autres encore car un gros scandale va couler sa carrière du jour au lendemain : en effet, le magazine Confidential, spécialisé dans les ragots va sortir un papier qui va porter gravement préjudice à l’actrice, en insinuant qu’elle était lesbienne, menait une vie dissolue et participait dans une maison close à des orgies avec des prostituées. L’article comportait des sous-entendus particulièrement fielleux et dénotait d’une homophobie révoltante. En cette période de guerre froide, l’homosexualité passait en effet aux yeux de plusieurs sénateurs républicains pour une menace pour la morale et le gouvernement. On peut se demander pour quelles raisons les journalistes s’en sont ainsi pris à la pauvre actrice et pas à une autre. A-t-on voulu faire payer une comédienne qui n’avait jamais voulu se prêter au jeu hollywoodien en évitant soigneusement les soirées et les interviews des échotières d’Hollywood ? La Paramount n’a telle pas voulu aider une vedette dont la carrière battait déjà de l’aile ? En tous les cas, l’actrice va trainer le magazine en justice. D’aucuns prétendent qu’elle aurait plutôt du jouer l’indifférence car cela aurait fait beaucoup moins de bruit.

Après ce scandale, Lizabeth ne tournera plus que 3 films dont un musical avec Elvis Presley « Amour frénétique » en 1957 (le King n’a pas souvent eu la chance de jouer avec de vraies actrices). Boudée par le producteurs en raison du scandale, l’actrice tente alors de se tourner vers la chanson, et enregistre un 33 tours avec une série de slows jazzy « cela faisait longtemps que j’en avais envie, mais la Paramount n’y tenait pas. J’ai enfin pris des cours de chant et me suis lancée : le seul risque que je cours est que personne n’achète mes disques ».. Le succès d’estime de l’album lui vaudra un contrat de 3 ans avec la firme de disques RCA Victor. De belles chansons, interprétées avec sensualité et une voix rauque et tendre : j’aime beaucoup.

Depuis, Lizabeth Scott a plus ou moins disparu du show business (hormis un come back dans un polar de 1972), ses exigences financières étant bien trop élevées pour les producteurs.
Elle donne encore des conférences sur le cinéma : même coiffure, même ligne, même classe. Une actrice fascinante qui mérite d’être redécouverte.

jeudi 21 mai 2009

Julie London, le top de la séduction





Imaginez une créature de rêve, presque trop belle pour être vraie, pour laquelle le mot glamour aurait pu être inventé, susurrant d’une voix chaude et sensuelle des mélodies romantiques et jazzy…
Oui, cette femme a bien existé, il s’agit de la chanteuse de charme Julie London dont les 33 tours ont fait rêver beaucoup d’auditeurs dans les années 50 et 60, autant pour leur contenant (des pochettes illustrées de magnifiques portraits d’une femme belle à damner un saint), que leur contenu (des ballades à écouter autour de minuit). Evidemment, une aussi belle plante n’a pu échapper à l’industrie cinématographique, et si la ravissante chanteuse n'avait pas été si modeste, elle aurait pu s’enorgueillir d’avoir paru dans quelques très bons westerns et autres films à la fin des années 50.

Née en 1926 en Californie dans une famille d’artiste de vaudeville, la petite Julie suit très tôt ses parents dans les tournées, et chante en public dès l’âge de 3 ans puis dans le show animé à la radio par sa famille. Après des études à l’école professionnelle d’Hollywood, et plusieurs petits jobs (dont celui de liftière dans l’ascenseur d’un hôtel), elle est remarquée par Sue Carol, ex-star du muet devenue agent à Hollywood et épouse d’Alan Ladd : Julie fait ses débuts de comédienne dans Nabonga (1944), un King Kong de série B, à réserver plutôt aux amateurs de second degré.

Après moult photos de pin-up pour les soldats (nous sommes alors en pleine guerre) et quelques petits rôles dans divers films de seconde zone (notamment un musical avec Jack Oakie) ou de la figuration dans des films à gros budgets (Broadway en folie avec Betty Grable), elle paraît dans un ou deux bons polars (la maison rouge ressorti en DVD) et déjà des westerns comme le cavalier masqué avec le chanteur Gordon Mac Rae (pourtant ni l’un ni l’autre ne fredonne le moindre refrain dans le film), avant de quitter les studios de cinéma pour épouser l’acteur Jack Webb (connu alors pour ses rôles à la radio) et élever leurs 2 filles.
Après leur divorce en 1954, l’artiste, encouragée par le musicien Bobby Troup, décide de se recentrer plutôt sur sa carrière de chanteuse et fait mouche en enregistrant l’album Julie is her name, une collection de ballades murmurées d’une voix sensuelle, comme un soupir, avec tout juste deux guitares en accompagnement.

Le disque remporte un gros succès (3 millions de copies), notamment la chanson cry me a river, qui deviendra un vrai standard et connaîtra moult reprises (Shirley Bassey, Mari Wilson, Annie Fratellini, Ella Fitzgerald, Joe Cocker, Viktor Lazlo, Diana Krall, Justin Timberlake et ce n’est pas fini…). Je ne surprendrai personne en affirmant que rien ne vaut l’original.
Dans l’amusant musical de Frank Tashlin, la blonde et moi (1956), la belle Julie chante son fameux tube dans une séquence très réussie où Tom Ewell, ivre, croit l’apercevoir à chaque coin de la maison, toujours plus sexy et glamoureuse comme sur ses pochettes de disques. (L’idée sera reprise dans le clip de la reprise assurée par Viktor Lazlo dans les années 80).

Nominée 3 années de suite chanteuse de l’année, Julie profite de se succès discographique et médiatique pour reprendre le chemin des studios : mais dans des films de série A désormais : le plus souvent des westerns et pas des moindres (les dernières grandes années du genre) : l’homme de l’ouest d’Anthony Mann (1958) avec Gary Cooper, sorte de huis clos shakespearien, prenant et angoissant, (la fameuse scène où Julie est contrainte d’effectuer un strip-tease (innocent) sous la menace d’un revolver a frappé les imaginations) ; libre comme le vent de John Sturges, encore un très beau film où deux hommes se disputent les faveurs de l’envoutante Julie (elle interprète aussi la fort belle chanson du générique) ; l’aventurier du Rio grande (1959 de Robert Parrish avec Robert Mitchum) encore un western magnifique mélangeant habilement l'action, la romance et l'aventure.

A la même époque, on a vu Julie dans des drames moins marquants comme le dernier damier (1959 avec le chanteur Nat King Cole), un drame un peu lourdingue sur le racisme, où l’actrice s’en sort encore avec les honneurs. Celle qui déclarait ne pas être Sarah Bernhardt n’était pas qu’une présence ensorcelante d’une beauté à couper le souffle, mais une actrice, certes passive mais tout à fait convaincante.

Elle joue le rôle d’une chanteuse de cabaret dans Allo l’assassin vous parle (1960) et dompteur de femmes (biopic sur George Raft), qui comprend pas mal de bons numéros musicaux.

Durant toutes les années 60, Julie va poursuivre l’enregistrement d’une série de 33T aux titres évocateurs (your number please, make love to me…) qui feront les délices des amateurs d’easy listening et de jazz vocal. Qu’elle soit entourée d’une grande formation, tout cuivres dehors (comme pour Daddy composée par son nouveau mari Bobby Troup), du minimum comme pour blue moon, qu’elle chante la bossa nova (girl from Ipanema), des airs exotiques (besame mucho, sway, reprise 50 ans après par Diam’s : laisse moi kiffer), des chansons de films (comme hello Dolly, Harlow, the days of wine and roses, moon river, l’ombre sous la mer), ses interprétations sont toujours excellentes et je ne saurais quel titre conseiller à qui voudrait la découvrir (sa version hyper sensuelle de round midnight peut-être, ou de « danser sur moi » du film Harlow, reprise chez nous par Nougaro, ou encore le délicieux nice girls don’t stay for breakfast).

Loin d’avoir la grosse tête, la chanteuse très introvertie semblait méconnaître son propre talent : « je n’ai qu’un filet de voix, c’est pourquoi je chante tout près du micro », « ma voix est rauque car je fume trop », « on a passé plus de temps sur la réalisation des pochettes que sur les chansons » (au sujet des splendides couvertures de ses disques dont le célèbre calender girl, où elle joue les pin up dévêtues pour tous les mois de l’année, avec une chanson pour chaque mois) ;

A lire ses déclarations lors des interviews, on peut se demander si la chanteuse n’avait réellement aucune confiance en elle ni aucune estime pour ce qu’elle faisait, où s’il s’agissait d’une hyper sensible qui se dévalorisait elle-même pour couper l’herbe sous le pied à un journaliste qui aurait pu la critiquer.
Dans les années 60, Julie apparaît en guest star dans de nombreuses séries télé comme les espions avec Bill Cosby ou la grande vallée. Elle enregistre son dernier album en 1968, juste avant que sa firme de disque liberty ne fasse faillite. Le concept du disque (la reprise de chansons rock du moment des Doors, les Beatles en version easy-listening) est trop en avance : les critiques pleuvent.

En 1972, l’ex-mari de Julie, Jack Webb lui propose un rôle d’infirmière le soap opéra « emergency » : un gros succès dans un programme probablement pas terrible (où l'actrice à 45 ans présente une étonnante ressemblance avec Sue Ellen de Dallas): c’est triste mais aux USA, il semble que les gens se souviennent plus de sa prestation dans ce feuilleton à l’eau de rose que du reste de sa carrière.
Victime d’une crise cardiaque en 1995, les dernières années de la chanteuse seront très pénibles : elle nous a quittés en 2000. Mais sa voix sensuelle, son répertoire intimiste et son image ultra glamour n’ont pas fini de faire rêver.

mercredi 20 mai 2009

Les soeurs Kessler, les jumelles du Lido





Imaginez deux sœurs jumelles, blondes, hyper sexy, douées pour la danse mais sachant également chanter à l’unisson. Avec de telles cartes en main, les Soeurs Kessler ont mené une carrière internationale, en enchaînant les comédies musicales en Allemagne, battant des records d’audimat dans des shows télévisés en Italie, descendant le grand escalier du Lido à Paris, ou dansant avec les crooners les plus fameux lors du Ed Sullivan show. Si on n’en parle plus du tout en France depuis des décennies, les plus de 40 ans n’ont pas oublié leur sex appeal et leur présence.

Alice et Ellen Kessler sont nées en 1936 près de Leipzig. Encouragées par leur papa, un ingénieur porté sur la bouteille, les deux gamines prennent des cours de danse classique à l’opéra de Leipzig dès 1947. Elle vont vite bifurquer vers le show business et trouver un engagement dans une revue au Palladium de Düsseldorf. Leur taille (1 m 76) et le fait qu’elles soient jumelles vont très vite attirer l’attention des producteurs et du public. Elles sont engagées au Lido, le fameux cabaret des Champs Elysées, et c’est le début d’une gloire qui va les mener dans toutes les grandes capitales. Le cinéma allemand qui à l’époque tournait en grandes quantités des films musicaux fait appel à leurs services pour Tant qu’il y aura de jolies filles, un film revue de Rabenalt, des heimatfilms (films folkloriques avec tyroliennes et paysages enchanteurs) comme 4 filles du Wachau (1957) où on les associe à deux autres jumelles, les sœurs Gunther.

Cependant, il n’est pas facile de trouver des intrigues valables pour les jumelles (les producteurs espagnols auront les même difficultés dans les années 60 avec les sœurs Pili et Mili), qui ne sont pas non plus spécialement douées pour la comédie, aussi les deux beautés vont-elles souvent apparaître dans des rôles secondaires pour faire ce qu’elles savent le mieux : danser. Évidemment la parfaite symétrie des mouvements et l’évidente complicité existant entre les deux sœurs garantit un joli spectacle.

Dans la catégorie film-revue (schlagerfilm pour les spécialistes), la Paloma(1959), film bien quelconque où elles dansent sur une sorte de ritournelle italienne aux paroles archi débiles. On les retrouve aussi dans des opérettes filmées comme l’étudiant pauvre (pas mal du tout avec un coté picaresque très film de cape et d’épée) ou le comte du Luxembourg (1958) et l’oiseleur (1962) ; des films qui sortiront en France, mais que les cahiers du cinéma, sans doute allergiques ne voudront même pas commenter. Leur seul ressort comique repose souvent sur des anachronismes et des adaptations twist ou yéyé des principaux morceaux musicaux ;

L’affiche du film insiste sur la présence des jumelles alors qu’en réalité elles n’ont que des rôles secondaires


Toujours présentes là où on ne les attend pas, les deux sœurs tentent l’aventure du disque et de la chanson, et participent au concours eurovision de 1959. Elles vont enregistrer pas mal de disque en français, allemand, italien et anglais durant toute la décennie (elles sont très à l’aise avec les langues étrangères). Les jolies sœurs sont fréquemment invitées dans les shows américains d’Ed Sullivan et, Dean Martin et les plus grandes stars d’Hollywood (John Wayne, Cary Grant, Fred Astaire) les congratulent. Elles côtoient dans leurs shows Harry Belafonte et Burt Lancaster et vivent leur rêve américain.
Si les sœurs jumelles triomphent partout, en Italie elles sont véritablement adulées comme des reines. Elles deviennent animatrices de shows télé aux cotés de Johnny Dorelli. Au milieu des shows, elles se réservent une longue scène de revue, où elles dansent légère et court vêtues : c’est quelque part aussi le début d’une certaine image de la présentatrice télé italienne, très sophistiquée et exagérément sexy, agaçant bien des féministes (ça ne s’est pas arrangé depuis).

Jamais les deux sœurs ne tenteront de faire carrière à part, même si les histoires de cœur ont sans doute provoqué quelques dissensions dans leur duo : Ellen sera longtemps fiancée à l’acteur Umberto Orsini qui la quittera pour une femme plus jeune, et Alice liée au célèbre chanteur Marcel Amont.
Dans les années 70, on voit encore un peu les deux sœurs à la télé (un show des Carpentier leur sera consacré) et elles posent nues ensemble dans l’édition italienne de playboy, pour monter qu’à 40 ans, elles sont encore dans le coup.

Néanmoins, dans ce métier et dans le monde de la revue, c’est surtout logiquement l’âge de passer à autre chose.
Aujourd’hui ; les deux sœurs continuent de vivre ensemble, dans la même maison comme un vieux couple. Cependant, elles ont chacune leurs pièces avec en commun la salle à manger où elles partagent leurs repas (avec un gros faible pour la cuisine chinoise). Un système de cloison leur permet de s’isoler quand elles se font la tête, mais cela ne dure jamais très longtemps. Elles partagent tout, y compris les liftings, en se faisant opérer en même temps ! On les retrouve à l’occasion dans des talk shows en Allemagne et évidemment en Italie où elles ont laissé un souvenir vivace.

lundi 18 mai 2009

Maria Antonieta Pons, le cyclone des Caraïbes





Connaissez-vous la voluptueuse danseuse cubaine Maria Antonieta Pons qui pendant plus de 25 ans fut la star de très nombreuses comédies musicales au Mexique ? Il y a peu de chance car, sauf erreur, aucun de ses films n’a été exploité chez nous ! Depuis quelques années, ses films ressortent petit à petit en DVD au Mexique, et on peut enfin découvrir cette artiste et tenter de comprendre les raisons pour lesquelles les musicals dans lesquels elle tient la vedette ne sont jamais sortis contrairement à ceux de ses collègues Rosa Carmina et surtout Ninon Sevilla.
Films policiers situés dans des boites louches où la belle actrice danse frénétiquement (trop pour le public européen ?) des rumbas sensuelles, ou comédies ranchéras avec airs folkloriques entonnés par des mariachis, il s’agit de produits conçus une consommation strictement locale, qu’il n’est pas interdit de goûter pour les amateurs d’exotisme qui voudraient découvrir des spectacles plus typiques sans doute moins glamour et stylés que les musicals hollywoodiens,


Née en 1922 à La Havane, la brune Maria débute très jeune au théâtre avant d’être remarquée par la réalisateur espagnol Juan Orol, venu à Cuba réaliser une comédie musicale typique Siboney, ayant pour thème la célèbre rumba de Lecuona. Sur fond historique (rébellion des indépendantistes contre l’Espagne en 1868), le film raconte les déboires d’un impresario (interprété par Orol lui-même) épris d’une jeune et jolie esclave dont il ignore la véritable identité. A la fin du tournage, Juan Orol, fraichement séparé de Margareta Mora, sa précédente découverte, épouse la jolie cubaine et l’emmène avec lui pour une série de tournées aux USA. On raconte qu’Orol, grand séducteur et collectionneur de jolies femmes a exercé toutes sortes de métiers auparavant (toréro, joueur de base ball, boxeur…).

En 1942, le couple s’installe à Mexico et la danseuse est engagée pour une série de films musicaux comme Konga roja (1943, avec Pedro Armandariz) où sa sensualité fait merveille dans les scènes de danse. Attention, on est très loin de l’érotisme classe et aseptisé des films musicaux d’Hollywood et de sirènes comme Rita Hayworth ou Cyd Charisse. Elle se trémousse et remue les fesses à une allure folle. C’est chaud, très chaud, typique voire cru et aussi peu intellectuel que possible. Aussi, les classes les plus huppées de la société vont systématiquement snober ces films qui vont au contraire fédérer un public d’origine très modeste venus au ciné pour oublier sa misère et en avoir pour son argent. Il n’est pas rare d’ailleurs qu’à la fin de la séance la foule réclame à corps et à cris au projectionniste de repasser la bobine avec les passages dansés !

Si Maria Antonieta Pons tourne avec de nombreux réalisateurs, ce sont les films réalisés par son mari comme Embrujo antillano, tourné à Cuba qui vont faire sa gloire.
En 1946, Juan Orol tombe amoureux d’une autre danseuse cubaine, plus jeune et plus jolie que Maria Antonieta, la troublante Rosa Carmina : il la lance dans un mujer de oriente (1946) et fait d’elle une star et sa nouvelle femme. On notera au passage qu’Orol la laissera tomber en 1955 pour une autre jolie cubaine, Mary Esquivel dont il fera également son épouse et une vedette de l’écran. Dinorah Judith lui succédera dans les années 60 à la ville comme à l’écran. Quel parcours sentimental toujours étroitement lié à la vie professionnelle du réalisateur !

Néanmoins, en 1946, Maria Antonieta a acquis une telle popularité qu’elle n’a plus besoin de son mentor pour continuer sa carrière. C’est l’époque dorée des films de « rumberas» dont elle est une des égéries principales, voire le prototype avec Meche Barba, Ninon Sevilla et bien sûr sa rivale Rosa Carmina. Il s’agit de mélodrames situés dans des cabarets sordides où dégringolent de jeunes femmes pauvres, incapables d’échapper à leur fatale destinée. Histoires d’amour malheureuses, trahisons, prostitution et surtout des rythmes afro cubains à réveiller un mort (la rumba dans les années 40 puis le mambo et enfin le tcha tcha) sont les ingrédients efficaces de ses films de genre.

Un exemple typique et pas des meilleurs : la bien pagada (1948) pourtant réalisé par Alberto Gout (connu pour ses films avec Ninon Sevilla) inspiré d’une célèbre copla et disponible en DVD avec sous titres anglais. Une jeune fille très amoureuse d’un jeune homme attentionné succombe à son attrait pour le luxe et la richesse : elle devient danseuse dans un cabaret mal famé. La réalisation est rudimentaire, l’histoire nulle mais on peut apprécier la vivacité de la plantureuse danseuse qui se déchaine sur la piste de danse. Rien que les titres des films de l’artiste donnent une idée du genre « rumberas » : la femme du port (remake décevant d’un classique des années 30 avec Andréa Palma), un corps de femme, maison de perdition, ange ou démon. (Dans ce dernier, la belle danseuse incarne avec conviction une fille à la double personnalité : sage le jour et une entraîneuse fatale la nuit. Finalement, c’est son mauvais coté qui va l’emporter ! )

En somme, beaucoup, beaucoup de films (jusqu’à 6 par ans), mélodrames terrifiants sur l'infidélité conjugale, l'abnégation féminine, très inspirés des feuilletons radiophoniques mais hélas tous invisibles chez nous.
Si les films de la belle cubaine ne sont jamais exportés en France ni aux Etats Unis, elle a le privilège de figurer dans le film brésilien « Carnaval atlantida » en 1952, aux cotés de la crème des acteurs de musical de ce pays (Oscarito, Grande Otelo, Eliana Macedo), chose très rare pour l’époque, car les cloisons entre les cinémas brésiliens et mexicains étaient très étanches. Il s’agit d’un classique du genre « chanchada », une comédie délirante située dans les milieux du cinéma.


Les affiches aux couleurs éclatantes rendent justice à la sensualité de la star, souvent moulée dans des tenues transparentes. Dans la gaviota (1955), son premier film en couleurs, le cœur de Maria Antonieta balance entre un peintre et un beau marin, condamné au fauteuil roulant pour avoir courageusement défendu l’ honneur de sa belle ; Sans le sou, elle se retrouve dans un cabaret minable où elle tente de plaire à un public de marins ivrognes en susurrant une jolie rumba. Devant son insuccès et la menace d’un renvoi, la star callipyge ôte sa jupe et se met à danser en sous vêtements sexy avec frénésie en se trémoussant comme une possédée ; il faut le voir pour le croire, sans doute pas très gracieux mais unique en son genre ! Les talents de danseuse de Maria Antonieta et son incroyable façon de remuer une certaine partie de son anatomie lui vaudront d’ailleurs le surnom du « derrière » !

J’ai nettement préféré sa prestation dans Théâtre du crime, un who done it situé dans un music hall pendant la première d’une revue ; le sujet a été maintes fois traité à l’écran, mais les numéros musicaux, en couleurs sont sympas notamment ceux de Silvia Pinal et de Maria. Autre joli moment, la prestation de la star dans le bien nommé « la reine du mambo (1953) » cette danse popularisée par Perez Prado et son orchestre. Elle est imbattable pour cette danse.

La profusion des films de rumberas va finalement entrainer une saturation et une désaffection du public. En outre, des mouvements moralisateurs menés par le gouverneur de Mexico vont porter un coup fatal à ce genre de productions. Alors que Meche Barba et Amalia Aguilar se voient contrainte de mettre un terme à leur carrière, Maria Antonieta qui s’est remariée en 1948 avec le réalisateur Ramon Perada aborde une nouvelle phase de sa carrière avec des films musicaux folkloriques destinés à un public plus familial.

Ramon Pereda est en effet un ardent défenseur du cinéma moralisateur destiné à éduquer les masses. En résumé, les gentils l’emportent toujours sur les méchants. Si on peut apprécier les mélopées chantées par les mariachis, les intrigues sont trop simplistes comme celle des 4 Milpas (1958), remake d’un film dans lequel s’était illustrée la précédente épouse de Pereda, la très belle Adriana Lamar. On dirait un feuilleton de Zorro avec une famille de braves gens et un vilain méchant qui veut brûler le ranch du père de la jeune fille qui se refuse à lui. Curieux d’ailleurs que la comédienne âgée de 40 ans se mette ainsi de jouer les adolescentes de bonne famille après avoir incarné les pécheresses pendant près de 20 ans !
L’actrice ne danse plus beaucoup mais chante assez joliment. On la retrouve aussi dans des comédies loufoques avec les comiques les plus aimés du public mexicain comme Tin-Tan ou le bondissant Resortes.

L’échec de cana brava (1966) où elle donne la réplique à l’excellent chanteur folklorique Javier Solis met un terme à la carrière professionnelle de la danseuse et à celle de son mari Ramon Pereda.
Après le décès de son époux, la star va quitter l’écran et la vie mondaine pour se réfugier dans l’anonymat refusant les interviews et les nombreuses propositions pour jouer dans des feuilletons télés.

Elle s’est éteinte discrètement en 2004. Les meilleurs numéros dansés de la star cubaine viennent d’être réunis sur un DVD disponible à Cuba.