dimanche 29 mars 2009

Martha Eggerth, princesse czardas




Aimez vous l’opérette viennoise ? C’est sûr, c’est un genre totalement démodé et je me demande s’il existe en France beaucoup de personnes de moins de 60 ans sensibles aux œuvres de Franz Lehar, Ralph Benatzky ou Emmerich Kalman. Pourtant dans les années 30, on raffolait de ces musiques légères et des gazouillis de divettes telles que la blonde Marta Eggerth. Outre sa jolie voix cristalline, Marta disposait d’une fragile silhouette de poupée qui tranchait avec l’image que le public avait alors d’une cantatrice, puissante et rondouillarde.

Née en 1912 à Budapest, Marta a commencé très jeune à chanter sur les scènes de l’opéra comique (sa maman était cantatrice et son père directeur de banque).
C’est grâce à une méprise que la chanteuse d’opérette va faire ses débuts à l’écran en Allemagne. Alors qu’elle est en tournée en Allemagne, le futur réalisateur Geza Von Cziffra qui s’est trompé de salle de spectacle (il devait à l’origine se rendre à un spectacle jouée par la star du muet Liane Haid) est subjugué par sa voix. Malgré les réticences de la maman de Marta qui ne la quitte pas d’une semelle, il somme la très jeune femme de tenter des bouts d’essais avec le producteur Richard Eichberg. Elle est embauchée sur la champ.

J’ai eu l’occasion de voir un de ses tout premiers films à la cinémathèque « Casse cou -1931 », avec un doublage en français d’époque et des bruitages qui rendaient le tout assez croquignolesque. Quant à la timide Marta, elle minaudait entre les bras du puissant Hans Albers qui lui répétait de sa voix vibrante : Mounou, Mounou, Mounou…
En 1933, elle triomphe dans une bio de Schubert réalisée par le talentueux Willy Forst aux cotés d’Hans Jaray. Les disques 78 T de la sérénade et l’Ave maria tirés du film se vendront comme des petits pains. Très vite, Marat supplante auprès des spectateurs les autres divas et divettes de l’écran allemand comme Gitta Alpar ou Jarmila Novotna, dont les origines juives leurs valent bien des obstacles à partir de 1933.

On la retrouve dans de nombreux films opérettes comme Princesse Czardas, ou d’autres romances où elle joue toujours les soubrettes de charme. En 1935, elle donne la réplique au célèbre ténor polonais Jan Kiepura dans J’aime toutes les femmes. Très imbu de sa personne, le chanteur jouissait alors d’une incroyable popularité (et drainait à l’opéra de Paris, un public inhabituel très populaire qui l’avait adoré dans ses films) et n’appréciait nullement Miss Eggerth (craignait-il qu’elle lui fasse de l’ombre ?) : l’amour naîtra lors du tournage et finira par un mariage.

Alors que Kiepura tente (vainement) sa chance à Hollywood, Marta tourne quelques films agréables, en version française et allemande comme la chanson du souvenir (1936) dont la magnifique chanson composée par Franz Grothe est le principal attrait. Si la comédie fantastique « manoir en Flandres 1936» bénéficie d’une critique élogieuse dans le livre consacré à l’histoire du cinéma nazi, le film rediffusé sur cinéclassic ne m’a guère convaincu.



Mais le plus gros succès de Marta Eggerth fut sans doute Casta Diva, film italien de Carmine Gallone (1935) bio du compositeur Bellini où elle incarne l’inspiratrice du musicien, qui meurt en pleine jeunesse. Bien évidemment, Marta nous gratifie d’une belle version de l’air de la Norma, repris depuis en variétoche par Mireille Mathieu (mille colombes) et hymne sarkozien. Elle jouera également dans la version anglaise, the divine spark.
En 1937, Marta et Jan Kiepura se retrouvent pour une adaptation filmée de la Bohème de Puccini, curieux film où ils incarnent des comédiens qui jouent le célébrissime opéra tout en connaissant un destin tragiquement similaire : Marta meurt en scène juste à la fin du spectacle ! Elle y révéle un réel talent d'actrice et est très émouvante, sans jamais en faire trop. Des recherches généalogiques entreprises par les nazis révélant que Marta Eggerth a des origines juives, le couple est contraint de quitter l’Allemagne nazie en 1938.

Leur sort parait bien incertain étant donné l’échec cuisant de Jan dans son film tourné aux States en 1936 avec Gladys Swarthout. Cependant, la tournée qu’ils entament avec la veuve joyeuse va vite les remettre en selle. En 1942, Marta est même engagée par la MGM (Louis B Mayer étant très sensible aux opérettes viennoises) pour jouer les coquettes dans For me and my gal avec Gene Kelly et Judy Garland. Un excellent film, dans lequel elle n’a qu’un petit rôle, mais paraît bien plus jolie que dans ses films allemands (merci les maquilleurs d’Hollywood). Si on regarde bien la séquence où elle chante au piano une mélodie pour Gene Kelly, on peut remarquer que son décolleté et sa robe semi transparente ont été floutés (trop sexy Marta ?) Compte tenu de sa popularité en Europe, son nom apparaîtra pourtant au dessus de Gene Kelly lors de la sortie du film en France et en Belgique après guerre.
Marta chante aussi dans le modeste mais charmant « Lily Mars vedette 1943». Mais là aussi, son rôle n’est pas sympathique et c’est Judy la star.

Après guerre, on retrouve encore Marta avec Jan Kiepura dans une nouvelle version italo-américaine de la Bohème. Ce film est-il meilleur que le précédent ?
En 1949, Marta tente à nouveau sa chance en France, avec Jan dans la valse brillante, un film opérette léger de Jean Boyer (un spécialiste du genre) aux chansons sympathiques composées par Louiguy (l’auteur de la vie en rose). C’est une comédie de bon aloi, tout à fait charmante mais un brin désuète. Dans un passage, Marta exécute une sorte de conga, tout juste vêtue d’une sorte de bikini avec traîne qui met bien en valeur sa gracile silhouette.

Une poussiéreuse version en couleur de l’opérette Le pays du sourire (1952) mettra fin à la carrière du couple (si on excepte une apparition de Marta en guest star dans un film catastrophe allemand de 1957, Menaces sur Berlin). Si l’opérette finit par totalement déserter les écrans (hormis des films pastiches ou remis au goût du jour avec Peter Alexander), elle draine encore un certain public sur scène où Eggert et Kiepura vont continuer à se produire jusqu’au décès de Jan en 1966. Après une longue période de retraite, Marta a repris ses activités de chanteuse dans des galas de charité. Et chose incroyable, elle a gardé une sacrée voix pour une octogénaire !(un CD allemand reprend une partie de ses enregistrements tout récents). En 1998, Marta a joué le rôle d’une cantatrice dans le feuilleton allemand Tatort sous le nom de Marta Eggerth-Kiepura.

Elle a participé en 2006 avec ses deux fils à l’inauguration d’une statue à Varsovie pour rendre hommage à son célèbre mari. Elle vit à New York depuis de très longues années et chante encore à l’occasion. Un vrai phénomène ! On peut trouver chez Marianne Mélodie un Cd de Jan Kiepura avec quelques solos de Marta dont de rares versions françaises de ses tubes allemands ou autrichiens et apprécier sa belle voix de soprano colorature (à moins d’être allergique aux voix trop aigues), aussi à l’aise dans l’opérette, l’opéra que les fox trots. Tout le charme rétro des années 30.

Bibi Johns, blondeur, charme et fantaisie



Et si on se replongeait un peu dans le cinéma allemand des années tunnel (années 50), si peu connu chez nous (Il faut dire qu’il existait alors une certaine réticence à tout ce qui venait de là bas) à l’heure du miracle économique : alors qu’aux USA, les comédies musicales étaient en train de disparaître progressivement des écrans, outre Rhin, elles fleurissaient à un rythme soutenu : au programme jazz et swing sur fond de Bavière de carte postale aux bleus pastels garantis agfacolor avec un petit coté Jean Mineur publicités.
La très jolie chanteuse suédoise Bibi Johns était fréquemment la star de ces aimables spectacles.

Née en 1930 en Suède, la jolie Bibi commence à chanter dans divers orchestres (dont l’un spécialisé en musique hawaïenne) à la fin de la guerre tout en vendant des disques dans un grand magasin : son idole est alors Ella Fitzgerald. En 1951, après avoir gravé un premier 78 tours, la jeune et blonde chanteuse tente sa chance aux USA : Grâce au soutien d’une tante américaine, elle y obtient un contrat avec la firme RCA : hélas les quelques disques qu’elle enregistre passent inaperçu. Peut être manque t’il un peu de personnalité à Bibi qui semble beaucoup s’inspirer de Doris Day ? En tous les cas, elle aura la chance de se produire dans des cabarets avec Eartha Kitt et Harry Belafonte.

Ce qui lui donnera une petite renommée lors de son retour chez elle en 1953 : Elle décroche du coup le rôle principal d’une comédie musicale « Flicka med Melodie », un bide. Nul n’est prophète en son pays. C’est en Allemagne que Bibi va enfin rencontrer la gloire. Son enregistrement de Bella Bimba, sorte de comptine folklorique est un tube. Le public allemand qui a toujours eu un faible pour les suédoises (Zarah Leander, Kristina Söderbaum) est sous le charme.

Grâce à son joli minois et ses formes généreuses on la compare parfois à Marilyn Monroe, Bibi est aussitôt engagée à l’écran : d’abord en tant que guest star et rapidement en vedette. Dans les premiers temps, elle maîtrise si mal l’allemand qu’on la double pour les dialogues, mais au fil du temps, elle va assurer elle-même son texte, avec un accent ravissant très prisé des spectateurs.

Musikparade (1956) est une comédie familiale bien enlevée avec le facétieux Peter Alexander. Dès le générique, Bibi étonne en chantant un rock endiablé. Probablement à cause de la présence des troupes américaines dans le pays, on était incontestablement largement en avance sur la France sur un plan musical ! Dans l’idiote du village (1957), elle nous livre encore un rock déchaîné, avec une sorte de pantalon en lamé, tout en remuant ses cheveux comme Dalida ! Cela dit, c’est Ruth Stephan, dans le rôle d’une fille un peu demeurée qui rêve de devenir une star, qui retient l’attention.

Parmi les nombreux films que Bibi va enchaîner entre 1954 et 1961, on retiendra Kleine leute, grosse reise (film pour enfants très mignon avec un adorable petit orphelin, envoyé en vacances à la campagne, et soigné par la très jolie sœur Birgit –alias Bibi- dont le tour de poitrine et les robes colorées ne collent pas trop avec son statut de bonne sœur, surtout quand elle danse et chante un morceau swing que n’aurait pas renié Line Renaud !), la joyeuse débandade (une fantaisie débridée, où Bibi chante à ses nains de jardin, tout en tondant le gazon, dans un paysage idyllique du Tyrol. Le clou du film demeure cependant le banquet lors duquel les animaux de la ferme vont se livrer à toutes les bêtises possibles : intellos s’abstenir !) et Ainsi sont les hommes 1957 (où elle se révèle étonnement bonne dans un rôle de voleuse, et chante son plus gros tube, le rock aber nachts in der bar).

En revanche, mieux vaut oublier de médiocres heimat-films (films musicaux folkloriques) comme l’amour est une mélodie (1956) où elle semble parachutée entre une fanfare et une intrigue sentimentalo-dramatique ou des comédies aux scenarii tenant sur un ticket de métro comme Sérénade et Calypso (1958) avec le chanteur italien Teddy Reno et l’ex star du muet Lil Dagover, en comtesse allergique à la musique (ça y est, j’ai résumé toute l’histoire) .
Au début des années 60, les schlagerfilms vont envahir les écrans allemands : un genre très germanique cherchant à promouvoir les chansons en vogue : en revanche, au niveau de l’intrigue, les spectateurs en sont pour leurs frais ! La Paloma (1959) n’a de commun avec le magnifique film d’Helmut Kautner que le titre et la chanson. Ici c’est un film-revue des plus plats, avec un morceau assez nul de Louis Armstrong en duo avec la petite Gabrielle à la fin.

Adieu, liebewohl, goodbye (1961) n’est pas meilleur : les innombrables chansons sont piètrement mis en bobine (où sont les chorégraphes ?). Plus Marilyn que jamais, gainée dans un fourreau en lamé, Bibi y chante un morceau assez sympa.
Je n’ai pas vu son dernier film « Aujourd’hui, nous faisons la bombe 1961». Si on en croit les critiques, c’est un vrai ratage qui sonne le glas de la carrière cinématographique de Bibi et de celle, plus longue et plus prestigieuse de Marika Rökk, sa partenaire.

Alors que Bibi doit faire face en Allemagne à la concurrence de chanteuses plus jeunes et plus dans le coup comme Conny Froboess ou Heidi Brühl, et surtout à la british wave, elle tente à nouveau de conquérir son pays natal et y parvient finalement : sa version suédoise de Chariot de Petula Clark est un tube. Elle reprendra aussi le « même si tu revenais » de Claude François. En Allemagne, on la voit beaucoup à la télé dans des shows nostalgiques où elle reprend ses vieux succès : on peut leur préférer sa belle version des moulins de mon cœur de Michel Legrand, très inspirée de celle, archi brillante, de Dusty Springfield.
En 2007, Bibi est toujours sur la brèche : elle fait même une tournée, si vous passez par là.
Sur un plan sentimental, après plusieurs divorces, elle a enfin trouvé le bonheur avec son pianiste … de 35 ans son cadet. Comme dirait Céline Dion « l’amour n’a pas de calculatrice » ! Il faut dire que les années ne semblent pas avoir prise sur elle !

Gloria de Haven, l'ingénue au sex appeal boudeur




Quand on visite les stands des salons des vieux papiers et autres brocanteurs, et que l’on feuillette les vieux journaux de cinéma de l’immédiat après guerre(Cinémonde, Ciné Revue, Ciné miroir, Cinévie), à s’en noircir les doigts, on reste souvent en extase devant les jolies couvertures en couleurs représentant des artistes français ou américains de l’époque ou de jolies pin-up comme la ravissante Gloria de Haven, qui présente un habile mélange d’ingénuité et de sex appeal boudeur.

Née en 1924, Gloria est la fille d’un couple d’artistes de vaudeville, Carter et Flora qui firent quelques films à la fin des années 20. En 1936, son père seconde Charlie Chaplin sur le tournage des temps modernes. Alors que Gloria et une camarade de classe visitent le plateau de tournage, les deux gamines sont réquisitionnées sur le champ pour faire un peu de figuration dans le célèbre classique. Pressentie par David O Selznick pour jouer le rôle de Becky dans Tom Sawyer, la petite Gloria n’est finalement pas retenue car elle a trop grandi lorsque le premier tour de manivelle est donné.

Tout en chantant pour l’orchestre de Bob Crosby, la jeune adolescente tient quelques minuscules rôles à la MGM (Suzanne et ses idées, la femme aux deux visages…) avant de se faire enfin remarquer dans le musical Best foot forward(1943), Broadway qui chante (1944) et surtout deux jeunes filles et un marin (1944) de Richard Thorpe. Ce musical patriotique avec de jeunes acteurs peu connus, prévu à l’origine comme un film de série B va tellement enthousiasmer la production au cours des rushs, qu’il sortira finalement sur les écrans à grand renfort de publicité, avec des numéros de guests stars prestigieuses comme Harry James ou Lena Horne, greffés à la fin du film. C’est vraiment un film charmant, d’une grande fraîcheur et le duo de sœurs formé par la délicieuse Gloria et la pétulante June Alysson remporte tous les suffrages, sans parler de Van Johnson qui va devenir la coqueluche des adolescentes.

Moue boudeuse et longue chevelure blonde, Gloria n’a pas son pareil pour jouer les coquettes capricieuses. Elle possède surtout une très belle voix chaude, particulièrement mise en valeur dans les chansons de charme (au passage, je conseille vivement son CD ressorti chez Jasmine Records avec une très belle version de blue moon). Pourtant sur la longueur, c’est sa partenaire et grande amie June Alysson, peut être plus atypique avec sa fantaisie et son étrange voix rauque, qui va retenir l’attention des spectateurs et devenir une star.

Pour le moment, Gloria a le vent en poupe : on la voit partout sur les couvertures de magazine, en ingénue sexy, jouant les fermières de charme, dans le foin avec un mouton dans les bras. Elle a aussi l’honneur de donner son premier baiser de cinéma à Frank Sinatra dans Dansons gaiement (1944) : un évènement de taille et qui du faire bien des jalouses, la popularité du jeune crooner auprès des bobbysoxers étant alors à son apogée. Sinon, rien de remarquable dans ce film et dans l’insipide prestation de la chanteuse, ni dans ses participations à deux célèbres séries : Dr Kildare et l’introuvable.

Afin d’imposer définitivement la jeune vedette, la MGM mise fort sur Belle jeunesse, un musical belle époque, dont elle espère le même rendement que le chant du Missouri. Tourné en décors naturels (une rareté pour l’époque), par le talentueux Rouben Mamoulian, c'est un excellent film avec quelques passages très imaginatifs (notamment celui où la robe de l’entraîneuse Marilyn Maxwell s’empourpre au fur et à mesure que Mickey Rooney s’ennivre ou alors le joli numéro en voiture), pourtant le succès ne sera pas au rendez-vous. Peut être parce que le public n’arrive plus à suivre un Mickey Rooney qui s’entête à 30 ans, à tenir encore des rôles d’adolescents pré pubères ? En tous les cas, malgré sa délicieuse interprétation des chansons, Gloria n’a pas l’ombre de la présence de Judy Garland et c’est peut être même l’une des faiblesses du film (d’ailleurs, il semble qu’elle ait eu le plus grand mal à tourner certaines scènes de danse qui furent en définitive coupées). Pour Gloria la raison de l’échec du film tient en deux mots « il était trop bon ! » (Ce en quoi elle n’a pas tout à fait tort). Avant même la sortie du film, Gloria épouse l’acteur John Payne(le premier d’une longue liste) , aussi connu pour ses comédies musicales que ses photos de pin up boy: deux maternités successives vont la tenir éloignée des écrans.

A son retour, l’actrice a des difficultés à retrouver sa popularité d’antan et surtout à effacer l’image de gentille voisine de ses films précédents. D’autant plus que dans le policier la scène du crime, elle n’est pas du tout convaincante en chanteuse de cabaret. Elle est plus à l’aise dans Yes sir that’s my baby (1949), même si l’étonnant Donald O Connor, comme souvent, tire la couverture sur lui.
En 1950, elle tient le rôle de sa mère dans le musical Trois petits mots, en reprenant fort joliment la chanson « Who’s sorry now » (dont la reprise en slow rock par Connie Francis allait faire un tabac 7 ans plus tard). Une émouvante expérience pour Gloria car sa mère, peu avant son décès, assiste au tournage de la séquence.

La même année, elle tient le rôle de la sœur de Judy Garland dans la jolie fermière. Un très beau souvenir pour la comédienne (qui nouera une amitié sur le plateau avec la star dépressive) même si elle n’y chante que brièvement, Gene Kelly et Judy se réservant les meilleurs morceaux. Du coup, on se souvient à peine de sa présence.

avec William Lundigan dans parade du rythme

Toujours en 1950, Parade du rythme ressemble à un remake des Dolly sisters. Quelques jolis duos avec la bellissime June Haver se laissent voir avec grand plaisir (notamment le très swing taking a chance on love, où elles sont belles comme deux magnifiques poupées), même s’ils sonnent très fifties alors que le film est censé se passer pendant la guerre.
Cela fait des lustres que je n’ai pas revu Ticket pour Broadway (1951) (et pour cause : la cassette vidéo s’est enroulée dans le magnétoscope et a été irrémédiablement endommagée), petit musical de la RKO plutôt sympa, avec de très jolies chanson et surtout une bonne brochette d’acteurs, notamment le très sous-estimé Eddie Bracken (D’ailleurs, Gloria s’en sortait très bien).
En 1951, Gloria enregistre « because of you », un slow qui devient un tube (repris en France par Frédérica) et l’incite à participer à plusieurs tours de chant dont un à Monte Carlo.

De retour sur les écrans en 1954, Gloria tente d’imposer une image beaucoup plus sexy. Cheveux platinés, coupés très courts, les jambes gainées de bas résilles, elle affirme que les femmes peuvent avoir encore beaucoup de sex appeal à …30 ans ! (A croire qu’à l’époque, les femmes étaient vite renvoyées au placard !).


Pourtant dans le film Ca c’est Paris (1954), même quand elle chante (en français, avec un délicieux accent), I can’t give you anything but love, contre un réverbère, accoutrée comme une prostituée de l’époque et entourée de danseurs jouant les mauvais garçons…on a vraiment l’impression de voir une douce ingénue à un bal costumé plutôt qu’une vamp. En tous les cas, c’est de loin le meilleur morceau de énième musical pour marins (avec Tony Curtis), et peut être un des meilleurs de la carrière de Gloria. Je n’ai pas vu « L’héritière de Las Végas », où Gloria en meneuse de revue, joue encore la carte sexy et chante qu’elle possède une île dans le Pacifique mais qu’elle aurait besoin d’un homme de temps en temps ».


Avec le déclin du film musical, Gloria est obligée de se tourner vers les planches et les cènes de Broadway. Son apparition avec Ricardo Montalban dans l’opérette de Victor Young Seventh Heaven est un succès et lui vaut de belles critiques personnelles. Par la suite, Gloria va continuer à participer à de nombreuses tournées de musicals n’ayant plus à faire leur preuve : Oliver, la Mélodie du bonheur. On la retrouve même à Londres avec Sammy Davis Jr, et également à la télévision, en guest dans des séries hyper connues. Dans les années 80, on a beaucoup vu Gloria dans des soap-operas qui pullulent à la télé américaines (et même une courte apparition dans Falcon Crest). Interrogée par la presse sur sa participation à de tels navets, Gloria sera brève : elle adore regarder ce genre de feuilletons à la télé, et rêvait d’y jouer.

En 1997, Gloria fait un come-back nostalgique dans une charmante comédie « la croisière galère » avec Walter Matthau, Jack Lemmon et Donald O’Connor. Une bonne surprise et un vrai régal pour les amoureux du cinéma d’autrefois. Et Gloria de Haven n’a rien perdu de sa beauté.
Si les films de Gloria de Haven n’ont pas marqué l’histoire du cinéma (hormis les Temps moderne pour lequel elle n’est même pas créditée, et peut être Belle jeunesse), et qu’elle n’a jamais été une superstar, son nom demeure associé à l’âge d’or de la MGM. Pour les adolescents américains de l’époque, elle demeure la « girl next door » sexy mais accessible dont on collait la photo, obtenue dans les tablettes de chocolat, sur un cahier d’écolier
A mon avis, ce sont surtout sa voix et ses disques qui méritent d’être redécouverts. J’ai tenté d’obtenir un autographe de sa part, mais mon courrier est revenu NPAI. Où êtes vous Gloria ?

samedi 28 mars 2009

Aishwarya Rai, sublime beauté de Bollywood






Portrait réalisé par Jordan White et reproduit ici avec son amicale autorisation

Personnalité aujourd'hui mondialement reconnue contrairement à certaines de ses compatriotes, Aishwarya Rai incarne pour certains (et certaines) la grâce ultime et l'ambassadrice idéale de son pays, pour d'autres un mannequin qui n'aura pas particulièrement brillé au cinéma jusqu'à présent. L'aura dont elle bénéficie aujourd'hui demande cependant un portrait.

L'histoire d'Aishwarya Rai pourrait être celle d'une princesse sur laquelle une fée s'est penchée au dessus du berceau dès sa plus tendre enfance. Rien à l'origine ne prédestinait la jeune actrice d'aujourd'hui à une carrière dans le ciné. Celle qui est née le 1 novembre 1973 dans une famille traditionnaliste du Sud de l'Inde à Mangalore dans le Karnataka, dont la maman s'appelle Vrinda et qui a un frère appelé Aditya, a d'abord été une égérie des pubs, apparaissant dans des spots ciblés pour Pepsi par exemple ou plus tard pour Vogue. Elle entame également des études d'architecture qu'elle n'achèvera pas.

Ce n'est qu'en 1994 que sa vie change à jamais grâce à sa participation et à sa victoire dans l'élection de Miss Univers. Agée de vingt ans, le regard bleu-vert (elle a déclaré qu'elle donnerait ses yeux à la science), la jeune indienne s'effondre en larmes à l'annonce du verdict. Elle est alors élue plus belle femme de la terre et s'ouvre un boulevard pour la postérité. A l'époque elle est une fierté nationale pour tout un pays qui la porte à bout de bras.
Ce triomphe la porte vers le cinéma avec une première incursion dans le ciné tamoul, d'où elle est originaire. C'est Iruvar réalisé par Mani Ratnam qui lui propose la première fois de s'exprimer. Elle a Tabu pour partenaire.

Elle gagne sa première récompense comme nouvelle actrice.
L'année suivante elle tourne dans Jeans (longtemps un des VCD les plus vendus, en fait il y a deux VCD du film, avec quelques chorégraphies mémorables dont une qui propose de visiter les 7 merveilles du Monde). Un film à nouveau sans répercussions particulières pour sa carrière qui ne s'envole pas. En parallèle elle continue de tourner pour des pubs.

La gloire ne venant toujours pas au ciné, elle enchaîne après le très remarqué Hum Dil De Chuke Sanam qui permet aussi à Sanjay Leela Benshali de se faire un nom. Le film bénéficie de la BOF de AR Rahman.
Elle gagne une troisième récompense, en l'occurrence le film fare de la meilleure actrice. Elle tourne dans ce film avec Salman Khan, qui se trouve être son compagnon dans la vie. Les déboires sentimentaux d'Aish (comme aiment à l'appeler ses fans) feront la une des journaux people. Brisée dans son couple, Aishwarya décide de quitter l'omniprésent Salman Khan qui ne lui pardonnera jamais. D'ailleurs dans le film on a carrément envie par un partis pris assez simple qu'elle quitte Salman pour aller avec Ajay.


Mais ce n'est pas tout car en 1999 elle tourne toujours avec la BOF de AR Rahman Taal, réalisé par Subhash Ghai capable du meilleur comme du pire qui en fait pourtant ici son égérie à travers le portrait d'une jeune femme de la campagne montant les échelons et se laissant entraîner dans la spirale du showbiz qui la modèle comme il l'entend sous l'égide d'un producteur interprété par un Anil Kapoor délicieux de cynisme. La BOF à tomber à la renverse fait beaucoup pour le succès du film.

Mais il en faut plus à Aishwarya qui désire être plus connue et reconnue pour ses talents d'actrice. Alors qu'elle brille souvent par ses performances scéniques (excellente danseuse à la base), ses interprétations laissent à désirer, tant sur le plan du registre de la comédie que de l'investissement. Bref les fans transis applaudissent à tout rompre pour sa beauté, tandis que les amateurs de Kajol (comme moi) demandent à en voir plus, et à voir ce qu'elle a vraiment dans le ventre. Faire fi de sa beauté plastique pour démontrer un talent d'actrice tout simplement.
Elle trouve un rôle qui fait parler d'elle en 2000 d'abord avec Kondukondain Kondukondain, avec à nouveau Tabu, puis et surtout avec Mohabbatein d'Aditya Chopra, fils de Yash, réal du légendaire Dilwale Dulhania Le Jayenge. Le film-fleuve de 3H40 d'une banalité scénaristique intégrale (un jeune idéaliste veut mettre de la nouveauté dans une école trop propre sur elle dirigée d'une main de maître par un vieux professeur aigri). Célèbre pour son Soni Soni de neuf minutes (seul morceau du bravoure d'une oeuvre très plate) , le film fait d'Aishwarya la seule véritable vedette féminine d'une oeuvre marquée par sa collaboration avec Shah Rukh Khan.
Il faudra attendre 2002 pour la star devienne superstar, non seulement en Inde, mais aussi dans le Monde. Il est vrai qu'aujourd'hui, hormis elle, qui peut se targuer d'être reconnue sur son seul nom quand on parle de ciné hindi. Son image de top modèle (alors qu'elle n'est pas un au sens strict) lui colle à la peau, mais ses films aussi font parler d'elle, et surtout un, Devdas, réalisé par Sanjay Leela Banshali. Du jour au lendemain, Aishwarya est acclamée comme une grande actrice sur la foi d'un seul film désormais visible partout en France, indépendamment de ses qualités intrinsèques (ou pas). Encensé à sa sortie, le film, immense patisserie surchargée dans une scène sur deux, éclipse totalement la présence de Madhuri Dixit pour mettre en avant celle d'Aishwarya qui incarne alors le rêve d'évasion tout comme l'amour sacrificiel. Elle est Paro, folle amoureuse de Devdas, qui noie son chagrin dans l'alcool, tandis qu'elle disparaît dans la scène finale du film derrière la grande porte. Une image qui ancre sa légende.
Aishwarya devient bankable, ultra médiatisée. Elle signe un contrat mirobolant pour l'Oréal, les photographes et les journalistes se l'arrachent. La jeune actrice est devenue l'ambassadrice d'une marque, au détriment de son jeu. Le teint parfait, l'oeil vif, le sourire carmin, elle enchante et fait même tourner les têtes.
Elle apparaît dans Shakti the power, le temps d'une danse (et rien de plus !). Elle tourne dans des drames (Kuch Na Kaho) drame, qui par ailleurs va sceller son union avec Abhishek Bachchan. Elle laisse Vivek Oberoi, et se rapproche d'un Abhishek qui deviendra son ange gardien.
Ou encore dans un film de guerre, Khakee en 2004, plutôt efficace.
Elle est à l'affiche de Coup de foudre à Bollywood ou le Bolywood pour les nuls, et se risque à son premier rôle difficile dans Mistress of Spices, son premier vrai rôle où elle interprète autre chose que la danseuse rêveuse ou la belle fille idéale. Sensible, le film montre une Aishwarya détachée, qui joue sur la corde raide, marche à tâtillon. Et ça fonctionne. Mais le film lui non. Flop commercial. Comme Shah Rukh quand il s'essaie à l'épique avec Asoka.

La révélation arrive toujours en 2004 avec Raincoat, film intimiste, le genre qui lui réussit le mieux où pour la première fois elle (m')émeut. Son portrait attachant d'une femme seule et pourtant mariée, recluse dans un appartement qui prend la poussière saisit et touche. Bien joué.

Elle réitère le caméo avec celui ultra remarqué de Bunty Aur Babli en 2005, où durant Kajra Re elle devient la Reine du Monde, pulvérisant toutes les attentes, faisant revenir des spectateurs en salle rien pour elle, pour huit minutes que certains décrivent comme extatiques.
Le film sera en plus un gros succès populaire. Partout, son nom et son visage apparaissent dans la presse, les journaux spé. La folie Aishwarya !

Elle tourne dans Umrao Jaan pour lequel elle a Abhishek Bachchan pour lui donner la réplique. La rencontre fait une nouvelle fois des étincelles. Les deux tourtereaux tombent amoureux l'un de l'autre.
Remise de ce flop retentissant elle est à l'honneur (façon de parler) dans Dhoom 2, le carton de l'année 2006. Les spectateurs ont déjà collectionné les affiches du film qui appuient à fond sur sa présence aux côtés de...Abhishek Bachchan. Peu à l'aise, elle s'autorise des séquences d'action qui ne lui vont pas et des chants qui ne sont pas non plus époustouflants. Mais le baiser volé avec Hrithik fera beaucoup parler de lui.

Forte de l'impact de Dhoom 2 et Bunty Aur Babli, elle est choisie par Mani Ratnam pour Guru. Abhishek est à nouveau de la partie. Cette fois-ci plus de doutes, ces deux là sont faits l'un pour l'autre. A l'issue du tournage de ce film, par ailleurs formidable, les deux annoncent leurs fiançailles puis leur mariage, sous la bénédiction des familles respectives. La nouvelle fait bien sûr monter la sauce des journaux people qui couvrent pendant six mois l'évènement. Une union ultra privée qui se fera dans l'intimité. Mais qui aura des récupercussions certaines sur le couple le plus glamour de Bollywood.

Aujourd'hui on l'attend dans Jodha Akbar d'Ashutosh Gowariker. Car elle a pu prouver qu'elle était capable du pire comme du meilleur. Irrégulière, parfois peu spontanée, parfois troublante, souvent inégale, mais capable aussi de coups d'éclats. Elle compte aujourd'hui sur de nombreuses et nombreux fans (clin d'oeil à Sharmilee au passage à qui je dédicace ce post ) et toujours, non pas tapis dans l'ombre, bel et bien présents, ses détracteurs. Gageons qu'elle ait une filmographie qui explose encore dans les années à venir...

vendredi 27 mars 2009

Anna Neagle entre fantaisies musicales et biographies historiques






En 2007 est sorti en Angleterre un DVDBox consacré à Anna Neagle, l'actrice britannique la plus populaire de l’après guerre. L’occasion pour beaucoup de (re)découvrir une gracieuse comédienne qui s’est illustrée dans deux styles tout à fait différents : la comédie musicale et la biographie historique, avec plus ou moins de bonheur, mais toujours sous la direction un peu pesante de son compagnon puis mari Herbert Wilcox. Un cas assez rare dans les anales du cinéma de collaboration à long terme, car à de rares exceptions près, Wilcox n’a tourné qu’avec Miss Neagle.

Née en 1904, Anna Neagle est apparue sur scène et dans plusieurs revues avant d’entamer au début des années 30 une carrière à l’écran, déjà sous la direction d’Herbert Wilcox. Goodnight Vienna, son premier film important est une comédie plutôt inconsistante mais regardable, où le sémillant Jack Buchanan, l’acteur britannique le plus aimé des années 30 tient le rôle de son chevalier servant. Le coté suranné et extrêmement démodé confère un certain charme à cette production. Très vite les relations entre le réalisateur, pourtant marié et l’actrice prennent une tournure personnelle (ils ne se marieront qu’en 1943 après le divorce de Wilcox), et l’actrice se voit attribuée d’office le premier rôle de tous les films qu’il met en scène.

Si la petite demoiselle (1933) choque en raison de la robe transparente portée par l’actrice et la première version de l’opérette de Noël Coward « Bitter sweet » n’a rien de remarquable, le succès remporté par Nell Gwynn (1934), biographie romancée de la maîtresse du roi Charles II, va fermement installer et pour longtemps Anna Neagle dans la liste des acteurs préférés des britanniques. Pour être exploité aux USA et obtenir son visa de censure, sans heurter le code Hays, les producteurs demanderont qu’une scène supplémentaire soit rajoutée montrant le mariage entre le roi et Nell Gwyn et que les passages où Anna porte un décolleté trop plongeant soient coupés. Devant le refus de Wilcox de travestir ainsi la réalité historique, le film ne sera exploité outre Atlantique que dans des petits réseaux, avec une scène rajoutée, jouée par une doublure, où Nell Gwynn la pécheresse périt dans le ruisseau avec cette sentence finale « elle a vécu comme elle a voulu, elle est morte comme elle le méritait ».La morale(?) est sauve.

Après quelques comédies musicales, inédites chez nous, où les talents de danseuse d’Anna rattrapent largement une voix ténue et haut perchée, un peu bigote, le couple Wilcox-Neagle s’attaque à la biographie de la Reine Victoria, encore très présente dans les mémoires au Royaume Uni. Ce film assez pompeux remportera un énorme succès commercial, non seulement en Angleterre mais aussi en Europe et aux USA. Le public sera particulièrement sensible aux efforts accomplis par Anna pour ressembler physiquement à la célèbre souveraine, de sa jeunesse à la fin de sa vie. Les critiques seront un peu moins élogieuses et certains compareront Anna a un élégant automate sur roulettes venu faire son numéro. Comme suite au succès inattendu du film aux USA, la firme RKO signera avec le couple Wilcox-Neagle un contrat pour sortir leurs productions suivantes aux USA. Afin de battre le fer tant qu’il est chaud, on aura droit à une suite (60 années glorieuses) l’année suivante, avec d’autres épisodes de la vie de la Reine Victoria, et en technicolor (pas tout à fait au point). Pendant la guerre, les deux films seront remontés et coupés afin de n’en faire qu’un : A chaque fois ce sera un succès, le public ne semblant pas rassasié !

En 1939, Anna entame une longue série de films à la gloire de grandes dames courageuses en incarnant Edith Cavell, infirmière et espionne britannique exécutée par les allemands pendant la première guerre mondiale (il semble que Piaf lui doive son prénom). Anna y fournit une prestation convaincante, quoique assez froide. Le coté anti-germanique fera le succès du film à une époque où les cinéastes anglais et américains restaient encore très prudents et réservés dans leurs relations avec l’Allemagne. En 1940, Anna et Herbert se rendent aux USA, pour le tournage de 3 comédies musicales, dans les studios même où Fred Astaire et Ginger Rogers ont écrit les plus belles pages de la comédie musicale : C’est sûr Anna Neagle ne risque pas de les faire oublier ni de les égaler !

Irène (1940).comédie plutôt ennuyeuse sera pourtant un joli succès commercial, ce qui montre à quel point le public avait besoin de se divertir. Dans un joli passage, on y voit Anna danser seule dans un jardin, avec infiniment de grâce et d’élégance. l’utilisation du ralenti permet de donner plus de lyrisme à la séquence.. et sera du coup utilisé à maintes reprises dans les autres films musicaux de Wilcox. Le meilleur du lot est probablement « Mardi gras »1941, charmante comédie qui offre à Anna un très beau numéro avec Ray Bolger, où la star tourbillonne avec légèreté dans une robe blanche vaporeuse avant de se livre à un numéro d’équilibriste sur un cheval. L’adaptation filmée de l’opérette No no Nanette est en revanche bien piteuse : le fait d’avoir retiré ou tronqué presque toutes les chansons rend le film particulièrement creux. Après cet échec, le couple Wilcox prend la courageuse décision de retourner en Angleterre en pleine guerre, geste qui sera infiniment apprécié par les Britanniques.

Grosvenor square (1944) qui raconte la passion d’une jeune anglaise pour un GI en permission à Londres qui perd la vie dans un crash est un film didactique très visiblement destiné à rendre un coup de chapeau aux américains venus épauler la Grande Bretagne pour lutter contre l’Allemagne. On en dégage quelques bons moments, avec des détails de l’époque qui sonnent vrais, ce qui donne à l’ensemble un côté documentaire. Anna Neagle perdue entre son fiancé (Rex Harrison) et le jeune américain qu’elle a rencontré donne une de ses meilleures performances.
Après la libération, le couple Wilcox-Neagle va enchaîner une série de comédies très british ou plus précisément très londoniennes avec des titres fleurant bon l’exotisme comme Maytime in Mayfair ou l’incident de Piccadilly. Rien de bien palpitant, dans ces films un peu guindés et affreusement démodés : pourtant les anglais se précipiteront dans les salles pour se changer les idées et y admirer Anna, au sommet de sa gloire, et Michael Wilding, qui partage très souvent l’affiche avec elle : Un couple de cinéma adulé par les anglais, pour des raisons qui m’échappent, je dois l’avouer.

Après cette parenthèse d’après-guerre , c’est le retour aux biographies « historiques ». Après Edith Cavell, Anna incarne Odette(1950), résistante française torturée par les nazis. (Celle-ci a d’ailleurs supervisé personnellement le tournage : il en ressort une œuvre assez étonnante et authentique, de loin le meilleur film du couple Neagle-Wilcox), puis Florence Nightingale (1951), missionnaire. (A noter qu’Odette ressort en DVD en décembre).
Au milieu des années 50, Herbert Wilcox signe un contrat avec le célèbre Errol Flynn pour deux comédies musicales avec Anna : cela dit, la star américaine, alcoolique invétéré est alors en situation délicate à Hollywood et on imagine qu’il était prêt à signer n’importe quel contrat contre quelques bouteilles de whisky. En effet, quelle curieuse d’idée d’associer la lady un peu guindée des bio historiques et des opérettes légères à l’interprète de Robin des bois ! Si Lilacs in springtime comporte quelques jolies séquences de danse pour Anna, idylle royale à Monte Carlo est soporifique et franchement nul .

A la fin des années 50, le couple Wilcox tente d’imposer à l’écran le crooner Frankie Vaughan en produisant plusieurs films avec lui : dans le dernier en 1959, il partage la vedette avec Anna. En dépit de la grande popularité du chanteur au Royaume Uni, les films (ringardises en noir et blanc) seront tous des échecs et mettront un point final à la carrière cinématographique du couple Wilcox-Neagle. En faillite et aux abois, Anna Neagle n’a pas d’autres choix que remonter sur scène, pour éponger les dettes du couple. Pendant plusieurs années, elle chante et danse dans le musical « Charlie Girl », et figure même sur le guinness des records pour le nombre de représentations qu’elle a assuré pendant 7 années consécutives.
Dans les années 70-80, on a revu sporadiquement à la TV (Histoires extraordinaires) celle qui a été nommée au rang de dame par la Reine d’Angleterre, en hommage à sa prestigieuse carrière. Elle décède en 1986 après une longue bataille contre la maladie de Parkinson.

Une artiste jadis très aimée en Angleterre et pourtant presque complètement oubliée : le fait d’avoir tourné pour un seul réalisateur, un peu trop conventionnel, l’a finalement certainement handicapée. Rien de bien mémorable et encore moins novateur dans la filmographie du couple. Reste néanmoins le charme délicat d’une actrice à la présence indéniable.

lundi 23 mars 2009

Eleanor Powell, la reine des claquettes




Il est temps de rendre hommage à Eleanor Powell, la plus grande danseuse à claquettes d’Hollywood et les aficionados du musical hollywoodien ne me contrediront pas ! Même si elle n’avait pas la personnalité juvénile et attachante de Ruby Keeler, ni la féminité d’Ann Miller, sur un plan purement technique, Eleanor Powell était certainement la plus douée. Certes, ses talents se limitaient aux numéros dansés (elle était souvent doublée pour le chant, et assez insipide dans les scènes de comédie), mais sa vivacité, sa précision et son énergie ont beaucoup apporté au tap-dancing.

Née en 1912, Eleanor Powell a débuté enfant en dansant dans de nombreux spectacles. Même si ces goûts la portent plutôt vers le ballet classique et la danse de salon, elle se met aux claquettes, pour pouvoir trouver plus facilement du travail (à la fin des années20, les producteurs recherchaient en priorité des tap dancers). On raconte que ses professeurs lui attachaient des sacs de sable aux pieds pour éviter des mouvements trop larges.
Vedette de plusieurs revues, Eleanor Powell triomphe notamment dans les « George White scandals » en 1934. Aussi, lors de l’adaptation à l’écran de cette revue par la Fox en 1935, un numéro de claquettes lui est confié (hélas, elle ne participe pas au meilleur moment du film, une parodie du continental de la Joyeuse divorcée, où les danseurs balancent en l’air leurs partenaires comme des poupées de chiffon) . La première apparition de la jeune femme à l’écran (en pantalon, pour éviter des mouvements acrobatiques disgracieux) passe pourtant inaperçue.

Louis B Mayer, le patron de la MGM, bien décidé à miser de nouveau sur le genre musical qui avait connu une désaffection du public au début des années 30, propose à la jeune artiste d’être la vedette d’un film baptisé Broadway Melody of 36, en hommage au premier succès musical du studio. Après avoir subi des soins intensifs en instituts de beauté (toutes les bios semblent indiquer qu’à l’origine, c’était un vilain petit canard. Pourtant, elle m’a paru très mignonne dans George White Scandals of 35), la jeune femme entame le tournage. Bien secondée par divers artistes de talent, Eleanor devient une vedette de l’écran du jour au lendemain. Chacun se souvient de la finale, avec Eleanor descendant à grandes enjambées un escalier en colimaçon, dans un décor de navire avec des canons en carton pâte. Pourtant, je préfère le charment numéro, bien moins tape à l’œil qu’elle danse sur le toit d’un immeuble (sing before breakfast). Le triomphe du film vaudra à Eleanor un contrat de 7 ans avec la firme du lion.

L’amiral mène la danse (1936) vaut surtout pour les magnifiques chansons de Cole Porter et tant pis si l’intrigue ne tient pas debout. (Eleanor incarne une danseuse qui remplace au pied levé la capricieuse chanteuse Virginia Bruce dans un show).
Le règne de la joie(1937) figure à mon avis parmi les sommets artistiques d’Eleanor. Le numéro final est particulièrement éblouissant : quelle énergie et quelle précision dans le geste ! Contrairement à certaines de ses collègues qui dansent les claquettes en faisant de nombreux tours sur elles-mêmes, Eleanor nous propose une chorégraphie beaucoup plus inventive et élaborée, acrobatique tout en restant infiniment classe, et toujours avec un glorieux sourire. En outre, elle se charge toute seule de la chorégraphie, veillant sur l’emplacement des caméras, et le montage des séquences : fait rare à Hollywood ! Je n’ai pas vu Rosalie (1937) avec Nelson Eddy mais le film est surtout connu pour l’extravagance du numéro final avec 2000 figurants et 27 caméras pour filmer Eleanor.

En 1940, c’est la rencontre au sommet : Fred Astaire le plus grand danseur du monde partage avec Eleanor l’affiche de Broadway qui danse. Certains critiques seront déçus par le manque d’alchimie entre les 2 danseurs, chacun se concentrant sur ses propres pas, sans qu’il y ait de réelle symbiose comme entre Fred et Ginger ou Rita. Pourtant, certains numéros sont admirables, notamment celui de « begin the beguine », d’abord en rumba puis en swing, une véritable leçon d’élégance et d’efficacité : un des must de l’histoire du film musical.
De divorce en musique (1941) on retiendra surtout la grandiose finale élaborée par le génial Busby Berkeley et un charmant numéro au cours duquel Eleanor danse avec un fox-terrier : craquant.

Depuis le début de sa carrière à la MGM, il semble que ses patrons n’aient jamais fait totalement confiance à Eleanor pour mener à bien un film (compte tenu de ses talents de comédienne plutôt limités), en l’encadrant de nombreux chanteurs (Frances Langford, Judy Garland, etc..) et comiques. A partir de 1942, il semble qu’ils misent bien davantage sur le comique Red Skelton, qui a plus de scènes que la danseuse dans Croisière mouvementée (1942). Pourtant le numéro dansé de « toréador » d’Eleanor vaut 100 fois les pitreries stupides du clown Skelton. Il semble que le torchon brûle ensuite entre Eleanor et sa hiérarchie. Prévu d’abord en couleurs (il n’en subsiste qu’une scène qui sera intégrée dans la Parade aux étoiles), Mlle ma femme (1943) atteindra finalement les écrans en noir et blanc avec beaucoup de passages copiés-collés pompés dans d’anciens films d’Eleanor !(on retiendra pourtant le seul numéro original du film, où la danseuse manie le lasso tout en dansant avec une dextérité qui laisse pantois. Chapeau !).

Le contrat de 7 ans avec la MGM vient alors à expiration, sans être renouvelé. C’est la vivace Ann Miller, maîtresse de Louis B Mayer, qui prendra le relais, mais sans jamais tenir la tête d’affiche.
Swing circus (1945) tourné pour l’United Artist n’a pas le prestige ni le budget des films de la MGM, mais n’est pas dépourvu d’intérêt sur un plan musical. Ici, c’est avec un cheval au trot et dans un flipper géant que danse Eleanor, et là aussi, c’est impeccable.

Mariée avec le jeune acteur Glenn Ford, Eleanor Powell délaisse alors sa carrière pour se consacrer à son mari (hormis une courte et bien décevante apparition en 1950 dans jamais deux sans toi), son petit garçon et ses activités religieuses qui vont beaucoup l’accaparer. Fervente catholique, l’actrice va même écrire des scripts pour des émissions religieuses à la télé. Divorcée de Glenn Ford (un coureur de jupons impénitent qui ne savait pas résister au charme des ses partenaires à l’écran), Eleanor décide de faire un come-back sur scène dans les années 60 pour épater son fils. Après un régime draconien (elle avait en effet pris beaucoup de poids), Eleanor, plus belle que jamais, triomphe pendant quelques mois dans les cabarets de Las Vegas, avant d’abandonner définitivement le monde du spectacle. La reine des claquettes décèdera d’un cancer en 1982.

Si pour le moment seul Broadway qui danse est disponible en DVD, il semble qu’un DVD-box dédié à Eleanor soit en cours de confection. On pourra trouver sans doute beaucoup à redire sur la qualité intrinsèque des comédies musicales qui ont fait sa gloire, mais ses talents de danseuse et de chorégraphe sont tout simplement sensationnels.