mercredi 28 décembre 2011

Virginia Bruce, blonde sophistiquée du cinéma d'antan



Blonde sophistiquée au doux regard rêveur, la jolie Virginia Bruce n’a sans doute pas eu la carrière qu’elle méritait. Sans grande ambition pour se faire valoir, un peu trop directe, la glamoureuse actrice n’a brillé que quelques années à la MGM à la fin des années 30. Cependant la rediffusion de ses films sur certaines chaînes de télévision spécialisées a permis a beaucoup de découvrir cette élégante actrice au charme calme et aux traits graciles que Cole Porter avait en très haute estime et qui a joué dans quelques comédies musicales marquantes en noir et blanc. Une récente biographie, fort bien écrite, permet à nouveau de découvrir et de comprendre la trajectoire de cette beauté d’autrefois.

Née à Minneapolis en 1910, Virginia Bruce a débuté par hasard au cinéma alors que cet univers ne l’avait jamais fascinée. En vacances en Californie avec ses parents, elle a croisé lors d’un repas le cinéaste William Beaudine, qui lui a proposé un bout d’essai à la Paramount. Au tout début du cinéma parlant, la jolie blonde va ainsi faire un peu de figuration dans quelques films renommés comme Parade d’amour ou Whoopee, mais sans aucun enthousiasme. Alors qu’elle se voit confier enfin un rôle plus substantiel dans un film d’aventures (les titans du ciel) avec la gloire montante Clark Gable, l’actrice constatera avec amertume que toutes ses scènes ont été coupées au montage ! Remarquée parmi les girls réunies autour d’Eddie Cantor dans Whoopee, la débutante dépitée signe un contrat pour paraître dans les fameuses Ziegfeld follies à New York (Ziegfeld aurait confié à l’occasion qu’il n’avait jamais rencontré une aussi jolie meneuse de revue). Elle va ensuite paraître dans deux revues musicales à Broadway avant de retourner à Hollywood où le producteur Irving Thalberg de la prestigieuse MGM a des projets pour elle : Kongo, un des films les plus racoleurs et audacieux (il y est question de prostitution, inceste, drogue) de l’année 1932, qui horrifiera les ligues de décence (le Code Hays ne sera appliqué qu’à partir de 1934) et Downstairs, un drame écrit par la star du muet John Gilbert sur un chauffeur de taxi ambitieux et sans morale. On raconte que l’ex amant de Greta Garbo tenait tellement à ce que son projet aboutisse, qu’il avait accepté de vendre pour un unique dollar son scénario au studio ! Si le film se révèle, même 80 ans après original et réussi, le personnage central était si détestable et éloigné des créations précédentes de l’acteur, que le succès ne sera pas au rendez-vous. Au moins, permettra- t’il à Virginia de rencontrer Gilbert et de l’épouser. Il semble que l’actrice souhaitait alors se retirer de l’écran pour s’occuper de leur fille, mais le caractère irascible de l’acteur, dont la carrière est en pleine crise, et sa liaison avec Marlène Dietrich vont très vite nuire à leur union. On raconte d’ailleurs que l’ascension de Virginia Bruce et le déclin rapide de Gilbert ont inspiré à Selznick l’idée du film « une étoile est née ». Après son divorce, Virginia retourne à la MGM, où le studio ne semble avoir qu’une confiance très modérée en ses talents : il n’hésite pas à la prêter à la Monogram, une firme sans aucun prestige, qui cherche une interprète pour la première version parlante de Jane Eyre : le film sera tourné en 10 jours avec un budget de misère, mais Virginia en tirera des critiques positives.

En 1935, Virginia joue aux côtés du fameux ténor Lawrence Tibbett dans Metropolitan, le roman d’un chanteur (elle y chante un air de Carmen doublée par une artiste lyrique) , incrane à nouveau une cantatrice (le fameux rossignol suédois Jenny Lind)dans the mighty Barnum et a l’honneur de figurer dans L’Amérique chante qui est considéré comme le plus mauvais film musical de la MGM ; Heureusement, elle se rattrapera l’année suivante en jouant dans les deux films les plus marquant de sa carrière.

Le grand Ziegfeld est une bio un peu lourde du célèbre producteur de revues connu pour ses numéros musicaux volontairement pachydermiques. Virginia qui avait autrefois dansé dans les fameuses follies était tout à fait légitime pour y figurer et chacun se souvient de l’incroyable numéro où elle est juchée en haut d’une immense pièce montée en carton-pâte, avec des danseurs et des girls à tous les niveaux.. ; d’aucuns prétendent que la froide et peu diplomate Virginia n’était guère appréciée de ses collègues et qu’à la fin de la séquence, tout le monde est parti en vitesse, la laissant toute seule au sommet de son gâteau en carton !

En tous les cas, sa prestation fut jugée tout à fait convaincante (et passe beaucoup mieux de nos jours que le jeu outré de Luise Rainer qui fut pourtant récompensée d’un oscar). Dans Broadway Melody of 1936, Virginia est encore plus exquise quand elle courtise James Stewart en lui fredonnant le sublime air de Cole Porter « I’ve got you under my skin ». Pour bien assurer son numéro, la vedette avait pris des cours de chant auprès de Roger Edens : son excellente prestation reçut même l’accolade de Porter, en personne, qui déclara des années plus tard que personne n’a mieux chanté qu’elle ce fameux refrain. C’est en effet, sans doute dans ce subtil mélange de haute sophistication et de séduction calme, que la vedette s’est montrée sous son meilleur jour. Elle se tire fort bien d’ une femme jalouse de GB Seitz, un mélo écrit par Erich Von Stroheim, inspiré par un drame personnel vécu par l’auteur.

En 1939, on la retrouve aux cotés de Nelson Eddy (avec lequel on lui prêta une aventure) dans le flambeau de la liberté, un western musical patriotique assez sympathique ainsi qu’une série de comédies de bonne facture, avec des acteurs aussi distingués que Fredric March, Melvyn Douglas ou William Powell, souvent totalement oubliées qu’on redécouvre avec plaisir quand TCM a la bonne idée de les diffuser.

On ne sait trop pourquoi la MGM a fini par se désintéresser totalement de l’actrice après le décès d’Irving Thalberg, qui semblait le seul à lui accorder de l’intérêt. Des rôles prévus pour Femmes de Cukor et Broadway qui danse avec Fred Astaire lui échappèrent et l’actrice vexée finit par quitter le studio.

Si l’on en juge par les films qu’elle tourné à partir des années 40, son étoile avait beaucoup pali : entre les films d’espionnage de série B (intrigue à Damas) et les rôles de potiche dans les farces d’Abbott et Costello (deux nigauds dans une île en 1942), Virginia n’avait visiblement plus la côte à l’écran. Après le décès de son second mari, le réalisateur J W Ruben, Virginia paraît encore dans un musical exotique, genre très en vogue en cette période de politique de bon voisinage avec les états d’Amérique du Sud. Dommage que son partenaire le chanteur mexicain Tito Guizar soit si insipide ! l’actrice aura beaucoup plus de chance à la radio où, très sollicitée, elle va jouer dans de multiples pièces et adaptations de films pour ce média. En 1946, l’actrice épouse Ali Ipar, un jeune millionnaire turc. Leur mariage lui causera beaucoup de soucis, notamment avec les autorités chargées de l’immigration.

Entre autres, le couple sera contraint de divorcer, pour la forme, quand Ali Ipar obtiendra un poste d’officier de l’armée turque, avant de se remarier l’année suivante. Il semble que l’actrice sera beaucoup affectée par cette succession de déconvenues. Pour sa belle Virginia, Ali va produire et réaliser « l’épidémie -1953 » le premier film turc en couleurs, dans lequel l’ex star d’Hollywood incarne une infirmière chargée de soigner des lépreux. Il y perdra beaucoup d’argent et connaîtra des déconvenues avec son pays qui le mèneront en prison. Le couple finira par divorcer pour de bon, et conformément à la législation turque de l’époque, c’est le mari qui empochera tous les biens de son ex épouse, liassant la pauvre Virginia très amere.

De retour aux USA, on l’a vue un peu à la télévision et au cinéma dans Liaisons secrètes avec Kim Novak en 1960.Virginia s’est éteinte en 1982, victime d’un cancer. A la fin de sa vie, l’artiste malade, vieillie et malheureuse, confiait à un photographe « pensez-vous qu’après ma mort, on se souviendra qu’autrefois j’avais de si beaux yeux ? » ; les téléspectateurs de TCM répondront assurément que oui.

Je leur conseille vivement la bio publiée aux USA par Scott O’Brien dont la lecture est passionnante.