mardi 28 septembre 2010

La biographie de Damia sort enfin!


Amis lecteurs, je vous informe de la sortie en octobre aux éditions Perrin de la biographie de Damia, l'immense star des années 20 à 40, qui a tant marqué son époque. Un travail fouillé de Francesco Rapazzini s'appuyant sur la correspondance personnelle de la grande Damia.
Déjà en précommande à la Fnac.

Présentation de l'éditeur :


Présentation de l'éditeur
Les plus âgés s'en souviennent peut-être, les passionnés de music-hall l'adorent encore...:Damia fut l grande reine des nuits parisiennes de l'entre-deux guerres qu'elle hantait depuis le début des années 10 Le music-hall est alors ce creuset extraordinaire où se rencontrent écrivains (Colette, Giono, Morand... peintres (Foujita, Bérard, Colin, Lempicka), hommes politiques (Blum, La Roque, Cot...), et bie évidemment artistes (Gabin, Fernandel, Mistinguett....) L'existence de Damia est romanesque et hardie, sulfureuse au regard des conventions de l'époque Maîtresse d'hommes et de femmes (parmi ses nombreuses amours, on compte la danseuse Loïe Fulle Chaliapine, et le ministre Pierre Cot. Elle est aussi l'amie des stars du cinéma (Marlène Dietrich, Greta Garbo, Jean Marais...), des cinéastes (René Clair, Abel Gance, Duvivier, avec lesquels elle a tourné de films) et des intellectuels : Federico Garcia Lorca, Max Jacob, Simenon. Jean Genet s'inspire même de sa gestuelle pour créer sa Divine dans "Notre Dame des Fleurs". Damia née dans les Vosges a grandi à Paris dans un milieu populaire qu'elle fuit très tôt, encore mineure ce qui lui vaut plusieurs séjours en maison de redressements. La rue l'attire. Cette belle fille qu'on dit tantôt rousse tantôt brune, se voit danseuse : elle sera chanteuse. Est-ce de cette enfance difficile où pourtant elle ne fut pas si mal aimée, qu'elle conserve une mélancolie que seuls la drogue ou l'alcool lui font oublier ... ? Avant-gardiste dans sa façon d'occuper la scène, Damia incarne pour les observateurs avertis les valeurs de l'expressionnisme allemand en vogue dans les années 20. C'est ainsi qu'elle est à la fois très populaire (très "populo") mais qu'elle fédère aussi les riches aristos, et autres intellectuels engagés. Elle chantera pour le Front Populaire, contre le traité de Munich et ne se mêle point à l'Occupant nazi. Après la guerre, alors que Piaf devient si célèbre, Damia à qui elle doit beaucoup tombe peu à peu dans l'oubli. Même une extraordinaire tournée au Japon ne ravivera pas la flamme de son public.

samedi 4 septembre 2010

les Peters Sisters, 1000 livres d'harmonie et de rythme





Ah, les Peters Sisters, les internautes les plus âgés se souviennent sans doute de ce trio de chanteuses blacks rondouillardes et souriantes qui semaient la gaîté et la bonne humeur lors de leurs prestations scéniques et cinématographiques. Apprenant par un ami le dossier de la dernière survivante du groupe, la talentueuse Virginia Vee, dans l’anonymat de plus complet, j’ai eu l’envie d’évoquer ces pétulantes artistes , synonymes de rythme et d’optimisme.

Nées en Californie d’un père libraire, Anne, Virginia et Mattye chantent à l’église dès leur plus jeune âge tout en se livrant à des numéros de danse acrobatique et de contorsionnisme au collège avant de débuter dans des cabarets de Los Angeles. Elles sont très vite remarquées par Eddie Cantor, le célèbre fantaisiste de Broadway , devenue star de cinéma, sans doute aussi intéressé par leurs voix harmonieuses et mélodieuses que par leurs silhouettes très enrobées (365 kgs à elles trois!) qui leur donne un air de sympathiques doudous . Il les embauche dans son film « Ali baba goes to town », une comédie musicale fort drôle, où le comédien aux yeux ronds comme des boules du loto rêve qu’il se retrouve en Perse, à l’époque des mille et une nuits. Curieusement accoutrées de tenues tribales(notamment Virginia qui porte une plume au bout de son soutien gorge), les trois sœurs chantent et dansent auprès d’un Eddie cantor, au visage noirci par le maquillage et de la danseuse à claquette black Jeni LeGon (qui continue toujours sa carrière à Broadway à plus de 93 ans). Un numéro franchement sympathique .
On les voit aussi dans love and kisses, un musical de série B mettant en vedette la blonde Tobi Wing, girl préfère de Busby Berkeley et la Mannequin du collège avec la patineuse à fossettes Sonja Henie et Tyrone Power. Il s’agit toujours d’apparitions secondaires limitées à une chanson. C’était tout juste la dose supportable pour beaucoup d’états racistes des USA , où certains distributeurs coupaient même carrément la prestation des artistes noirs. Une attitude aussi choquante qu’injuste, car souvent les numéros des chanteurs et danseurs noirs surclassaient ceux des vedettes principales.
En 1938, les trois sœurs sont avec le grand Duke Ellington et son orchestre.
au Cotton Club de New York, fameux dancing de Harlem où les meilleurs artistes noirs se produisaient devant un public blanc. En 1939, lors de leur passage à Londres dans une revue, elles paraissent dans le film french without tears , une comédie spirituelle et bien enlevée d’Anthony Asquith avec Ray Milland, Pendant la guerre, on les retrouve à Broadway dans la revue musicale artistes et modèles. En 1947, les deux sœurs retrouvent l’infatigable Cab Calloway dans un film à très petit budget uniquement composé d’artistes blacks et destiné à la population noire, dont la distribution a du être à l’époque très confidentielle, et qui fait à présent le régal des amateurs de jazz sur DVD. Compte tenu du manque de moyens et de talent derrière la caméra, il ne faut pas chercher grand-chose dans cette curiosité qu’une opportunité d’apprécier Cab et les Peters sisters.
Les trois femmes entament ensuite une tournée en Europe qui va s’avérer triomphale. La France et l’Allemagne sont séduits par l’entrain des trois mamas. Engagée aux folies Bergère avec Henri Salvador, elles déchaînent les applaudissements déguisées en mousquetaires! Et chantent en français sweet, sweet, sweet de leurs voix melliflues
Un joli slow aussitôt repris par Eliane Embrun. En 1949, les Peters sisters font sensation dans Nous irons à Paris, comédie musicale de Jean Boyer qui raconte les péripéties d’une radio pirate. Anodin aujourd’hui, le film remporta un triomphe à l’époque et marqua une génération, en raison de la forte dose d’optimisme qu’il dégageait, et de ces rythmes jazzy. Avec une mention particulière pour nos sœurs débarquant en parachute avec Henri Salvador. On raconte que ce gros farceur s’était brouillé avec Mattye en lui suggérant de faire un bras d’honneur au public, lors d’un spectacle. Ignorant la signification de ce geste, la chanteuse s’était exécutée devant une salle offusquée! En tout état de cause, l’accueil chaleureux des français et la joie de vivre dans un pays où la ségrégation était absente allait dorénavant fixer le destin des Peters en Europe. Mattye épouse un danois, Anne le compositeur Emil Stern (auteur de chansons pour Renée Lebas et Serge Lama) et Virginia le dessinateur Michel Engel, qui devient l‘impresario des 3 grâces. Cette dernière aura deux enfants aux parrains prestigieux : Jean Richard , Bruno Coquatrix et Lena Horne!
Les puristes de jazz regrettent la baisse notable de la qualité du répertoire des Peters qui renoncent à exploiter toute l’étendue de leur registre vocal pour de la variété parfois facile, comme le rumbadi-tcha-tcha-tcha qu’elles enregistrent dans la langue de Goethe et de Molière.
Les trois sœurs demeurent dans les années 50 une attraction de choix, aussi figurent elles dans les émissions de radio de Jean Nohain, en marraine du tour de France et dans de nombreux musicals français et allemands de l’époque comme Pas de vacances pour monsieur le maire, un navet avec le mollasson crooner André Claveau ou les Jambes de Dolores, revue musicale en couleurs avec Germaine Damar qui s’exportera avec un succès inattendu jusqu’en Amérique du sud.
On reste perplexe devant Trois lettres d’amour du Tyrol (1962) ou la montagne qui chante (1957) films folkloriques allemands aux sujets éculés où les sœurs gazouillent entre deux tyroliennes. Dans bal masqué à Scotland Yard (63), musical allemand qui parodie les films de détectives si populaires là bas, les sœurs reprennent joliment le fameux « the best things in life are free ». Le décès brutal de Mattye, la plus plantureuse du trio, au cours de la même année, va mettre fin au groupe. La cadette Virginia Vee poursuivra sa carrière en France pendant plus de 20 ans. Amie des plus grands jazzmen de son temps de Nat King Cole à Louis Armstrong, elle a enregistré pas mal de 45 tours, en français comme en anglais (avec un fort accent) dont l’air du film Modesty Blase sans beaucoup de succès, en termes de ventes. Virginia est beaucoup parue dans les émissions de variété des années 60 et 70, chez Guy Lux notamment. On l’a vue aussi chanter dans Trois chambres à Manhattan, le film de Carné (dreaming of you de Martial Solal). Elle a participé à l’opéra d’Aran l’ambitieux projet de Gilbert Bécaud et obtenu un succès d‘estime avec une reprise des Bee Gees en 1969 « I can’t see nobody ».
En 1982, elle enregistre encore le générique du dessin animé d’Albert Barillé Il était une fois l’espace : la revanche des humanoïdes (sur une musique de Michel Legrand).
Toujours aussi souriante et ronde, Virginia a également chanté dans les églises mêlant gospels et soliloques sur ses souvenirs artistiques.
Elle nous a quitté récemment, sans que la nouvelle soit répercutée par les médias. On est peu de choses! Ici, on ne l’oublie pas de même que ses deux talentueuses sœurs.