dimanche 26 avril 2009

Claudine Dupuis, la môme Pigalle






Claudine Dupuis fut un peu un peu l’héritière de Viviane Romance ou de Ginette Leclerc, c’est à dire l’archétype de la fille facile et aguicheuse, effrontée, dans les polars français de série Z des années 50 et des petites comédies musicales(genre qui n’a jamais été le fort de la production française, est-il besoin de le rappeler) où elle incarnait souvent les filles de joie. La belle rouquine fut pourtant très populaire en son temps et François Truffaut l’admirait parait il beaucoup : il allait la voir systématiquement dans tous ses films, même les plus mauvais, et il y en eut pourtant beaucoup.

Comme cette vamp des années 50 n’a tourné dans aucun chef d’œuvre, contrairement à Martine Carol et Françoise Arnoul, les jeunes cinéphiles ne la connaissent ni d’Eve ni d’Adam, alors réparons cette injustice.

Née en 1924 à Paris, Claudine Dupuis est élevée par sa maman couturière, et prend très jeune des cours de danse. Son papa camioneur souhaitait qu'elle devienne sténo-dactylo : quelle ne fut pas sa déception de la découvrir en petit rat du Châtelet puis au Grand guignol dans le rôle de la femme coupée en morceaux. Elle débute au ciné dans la ferme du pendu (1945) aux cotés de Bourvil. S’ensuivront plusieurs petits rôles sur grand écran et des prestations un peu plus prestigieuses sur les planches (dans l’adaptation de la pièce de Steinbeck, les souris et les hommes).
En 1947, Claudine joue aux cotés de Luis Mariano dans le médiocre musical Cargaison clandestine, où pour la première fois elle danse à l’écran, sur les mélopées tziganes de l’orchestre d’Alfred Rode qui assure aussi la réalisation du film et va devenir le mari de Claudine.

Curieuse trajectoire que celle de ce violoniste passé derrière la caméra après avoir joué la sérénade dans des films anglais et français du début des années 30 (il a même tenu un rôle important face à l’exotique Lupe Velez dans un film de 1936 et l’affiche du film le Danube bleu (1932) avec Brigitte Helm le présente comme « l’inoubliable chef du fantastique orchestre tzigane »). Il tenait probablement mieux un violon qu’une caméra, ce qui ne l’empêcha pas de tourner toute une série de films de série B dans les années 50, avec Claudine dans le rôle principal et le plus souvent son orchestre en fond sonore.

Passer en revue les films que Claudine tourna en France, en Italie( où on l'appelle LA Dupuis) et en Espagne est chose difficile, car fort peu ont fait l’objet d’une réédition en DVD, au mieux en VHS.
La plupart du temps, elle y tenait le rôle d’une garce évoluant dans les maisons closes marseillaises (Tourbillon) ou les cabarets louches de Pigalle. Ces films, un peu coquins pour l’époque étaient le plus souvent interdits aux moins de 16 ans et diffusés dans des salles spécialisés comme le midi minuit car ils étaient truffés des scènes de strip-tease, on y parlait beaucoup argot.

Réalisé par Alfred Rode, et considéré comme le meilleur du lot, la Môme Pigalle (1956) est assez savoureux dans le genre. A peine sortie de taule, la belle est assassinée par le patron du cabaret où elle danse. C’est assez sympa de retrouver ce Pigalle d’opérette avec ses maquereaux et escrocs, et le film est saupoudré d’un soupçon d’érotisme « réaliste » (je pense notamment à la scène où Claudine se lave les pieds dans un lavabo). Coté musical, la belle chante également une version de c’est mon gigolo (probablement doublée) avant de se lancer, avec talent, dans une danse acrobatique avec un danseur-apache. Du bon boulot.

Egalement réédité chez René Château, Paris Clandestin se situe également dans les cabarets et le milieu des courses de chevaux. Là aussi, Claudine incarne une femme vénale. C’est encore du cinéma de papa, truffé d’attractions, de chansons, de sketchs et d’acrobaties comme tout bon spectacle de cabaret, avec des bagarres pour épicer le tout. On insiste bien sur les sentiments des personnages, quitte à rajouter des dialogues au cas où le public ne comprendrait pas (à la fin du film, Claudine Dupuis ivre soliloque en avouant qu’elle a tout raté dans sa vie, ce qu’on avait quand même compris).

La rue de la peur (1960) tourné en Espagne est un polar pas bien enthousiasmant où une fois de plus Claudine joue les garces, qui tente de faire diversion pour aider des mais braqueurs alors que Nadine Tallier (de Rotshild) incarne la parfaite épouse.
Parmi les autres films joués par Claudine on notera une adaptation de l’opérette la vie parisienne (1954), un sketch plutôt drôle du film les 7 péchés capitaux (la gourmandise) avec Henri Vidal, une version espagnole de la mégère apprivoisée en gévacolor (avec Carmen Sevilla) et d’autres films revues comme boite de Nuit (1952) ou Tourbillon(1953). L’actrice a également joué dans divers films européens avec des acteurs aussi renommés à l’époque que Rossano Brazzi, Raf Vallone ou Gustav Frölisch. Il est d’ailleurs fort possible que ses films italiens méritent d’être redécouverts. Très respectueuse de son public, la star s'arrangeait toujours pour paraître en public tirée à 4 épingles : "il est normal pour une comédienne de donner une impression délégance, de goût."En tous les cas, elle exécrait ses rôles de garce, très éloignés de sa vraie personnalité : fée du logis, elle adorait briquer son appartement, mijoter de bons petits plats. Sans enfants, elle accordait toute son affection à son filleul Xavier (le fils de Jean-Charles Tacchela et de Liliane Maigné, l'inoubliable gamine vicieuse du Corbeau)

Elle semble un peu paumée dans la distribution des pépées font la loi, comédie policière très moyennement drôle où la vamp Dominique Wilms , la piquante Louise Carletti (la maman d’Ariane du club Dorothée) sans parler de Suzy Prim tirent mieux leur épingle du jeu. (Demandez à vos grands parents, ces actrices furent très connues en leur temps !). Dans la suite du film, les pépées au service secret, on retrouve également la vamp argentine Tilda Thamar, dont la filmographie n’est pas plus reluisante que celle de Claudine. Truffaut dans les cahiers du cinéma « pardonnait volontiers au réalisateur Raoul André d’être le plus nul des plus nuls », car il adorait Claudine et Tilda.

Alors que Brigitte Bardot triomphe sur les écrans en imposant une écrasante sensualité, Alfred Rode accentue de films en films le coté sexy de Claudine, comme dans cette fille de feu (1958) où elle se trémousse voluptueusement sur la plage. Un argument porteur pour l’exportation et qui vaudra à ces nanars d’être exploités à l’étranger, alors que certains chefs d’œuvres de l’époque ne sont pas sortis des frontières.

La nouvelle vague a emporté avec elle beaucoup de chose, et très certainement les polars à l’ancienne comme les affectionnait Alfred Rode. En 1961, Alfred Rode réalise son dernier film avec Claudine : Dossier 1413 ou les ballets roses, situé dans le milieu des boites de nuit où chante le tout jeune Johnny Hallyday et l’orchestre d’Eddie Barclay. Elle y chante oh! oh! oh!, qu'elle aurait aussi enregistré chez Barclay.
Installé à Etampes, le couple ouvrira un restaurant russe (avec la musique de l’orchestre tzigane de Rode en fond sonore) avec la maman de Claudine, puis un hôtel à Deauville. L’actrice est morte complètement oubliée en 1991.

Vivian Blaine, la jolie rouquine




Certains rôles marquent parfois une carrière de façon indélébile : un avantage et un inconvénient. Ce fut le cas pour Vivian Blaine, identifiée pour toujours à son rôle de Miss Adelaïde dans l’opérette Blanches colombes et vilains messieurs, qu’elle joua 1300 fois à Broadway et 18 mois à Londres. Un personnage si écrasant, que l’actrice fut ensuite condamnée à reprendre sur scène des personnages similaires de blondes stupides, sans forcément beaucoup de succès, puis à rejouer inlassablement la même opérette lors de nombreuses tournées. La sortie d’un coffret DVD Carmen Miranda avec plusieurs films où la belle rouquine tient le rôle principal nous permet de redécouvrir cette charmante chanteuse
des années 40 sous un autre angle.


Née en 1921 dans le New Jersey, Vivian Blaine est la fille d’un ancien baryton devenu agent artistique. Elle débute très jeune comme chorus girl, et suit des cours d’art dramatique à l’académie américaine. Mais c’est en chantant dans les night clubs qu’elle est remarquée par un agent de la 20th century Fox, qui lui signe un contrat mais ne lui dégote que des rôles insignifiant dans des films de série B.
Vivian décroche enfin un rôle important dans « les rois de la blague » une comédie avec Laurel et Hardy, malheureusement, un des plus faibles films du célèbre tandem (dont elle garde un souvenir ému). Lasse de voir sa carrière piétiner on raconte que Vivian serait allé en personne réclamer des rôles plus consistants à Darryl Zanuck.


Ce dernier lui propose alors de reprendre alors un rôle taillé sur mesure pour Alice Faye, trop enceinte pour l’accepter. En dépit du technicolor, et de la présence de Carmen Miranda, Montmartre à New York (1944) n’est vraiment pas réussi. Pourtant, dans un style très proche de la délicieuse Alice, Vivian nous livre une fort jolie version d’un tube des années 20 « Whispering ». sa voix est chaude, son regard pétillant de malice ; Les critiques sont pourtant cinglantes : le New York Herald Tribune note sévèrement que l’actrice n’a ni la voix ni la présence d’une star.
La Fox qui connaît quelques soucis avec Alice Faye (qui va quitter le studio en 1945), insiste néanmoins pour imposer Vivian, en lui inventant le surnom de « Cherry blonde » qui va l’accompagner sur certains génériques. Curieux marketing…

Pour les gars en uniforme (1944), qui comporte au moins deux ou trois séquences plutôt drôles n’est pas mieux accueilli. Dans la façon de filmer et mettre en scène l’actrice (accoudée contre un pilier, l’air triste…), il est vraiment patent que la Fox entend la couler dans le moule d’Alice Faye.
Après avoir raté de peu un rôle dans Rhapsody in blue (1945), Vivian Blaine recueille enfin de bonnes critiques dans la version musicale de la foire aux illusions (1945) de Rodgers et Hammerstein. Personnellement, j’ai beaucoup apprécié sa prestation et son interprétation expressive de quelques airs superbes de ce film comme That’s for me.

Je n'ai pas eu la chance de visionner le baiser vole (1945) remake de Hello Frisco Hello, tourné 2 ans après (décidemment la Fox ne perdait pas de temps pour faire des remakes!), mais les critiques sont franchement positives, y compris concernant George Raft, acteur souvent inexpressif.
C’est très certainement nettement supérieur aux deux petits musicals fort décevant en noir et blanc « Doll face » et If I’m lucky qui marquent le déclin de Carmen Miranda. Vivian est tout à fait correcte dans ces deux films, mais les chansons guère emballantes et le tout manque de lustre.
Trois jeunes filles en bleu (1946), remake de 3 blind mices et de Soirs à miami (qui sera refait en 1953 sous le titre comment épouser un millionnaire avec Marilyn) est en revanche un charmant musical belle époque qui mériterait une ressortie en DVD. Si Vera Ellen décroche le meilleur passage du film, et que June Haver est la plus belle du trio, Vivian a un fort joli moment quand elle fredonne tristement le magnifique « somewhere in the night » …que n’aurait pas renié Alice Faye.

A la lecture du press book accompagnant le film, on constate que la Fox ne sait plus quoi faire pour relancer de Vivian. Elle propose d’organiser un concours pour savoir si les spectateurs la préfèrent en rousse ou en blonde… avant de la congédier. Il est clair qu’aux yeux du public, Vivian n’est pas parvenue à remplacer Alice, alors que June Haver et Betty Grable demeurent rentables.
Très dépitée par cet échec, Vivian tente de recentrer sa carrière dans les nights clubs. Mais sa prestation avec les débutants Dean Martin et Jerry Lewis est un échec retentissant.
Elle auditionne enfin pour le rôle principal de l’opérette Blanches colombes et vilains messieurs. Si elle n’obtient pas le rôle tant convoité de la missionnaire de l’armée du salut, les producteurs lui proposent celui moins important de la girl stupide amoureuse d’un joueur.

Des les premiers essais, l’actrice fait un tabac, au point que le rôle sera progressivement étendu et que des chansons seront rajoutées.
Sa chanson « Adelaïde lament » triomphe à chaque coup. Pourtant pour ce rôle, Vivian a abandonné sa jolie voix de velours des années Fox pour adopter une voix nasale et stridente, adaptée au personnage.
En 1952, Vivian chante et joue aux cotés d’Esther Williams dans jupons à l’horizon, un musical moyen (hormis un très mignon passage où des enfants blondinets surdoués nagent avec Esther).
Si Vivian Blaine n’était pas prévue à l’origine pour l’adaptation au cinéma de blanches colombes, la défection inattendue de Betty Grable (obligée de rester au chevet de son chien malade), lui donnera la chance de reprendre à l’écran le rôle qui l’avait rendue si populaire aux cotés d’acteurs extrêmement prestigieux comme Brando et Sinatra.
Si elle est très bien dans le film, j’ai pourtant préféré Jean Simmons…

Identifiée pour tous à son personnage de Miss Adélaïde, Vivian Blaine ne se voit plus proposer que des rôles de blondes débiles, au cinéma (un pigeon qui pige, avec Bob Hope : un gros échec commercial) ou à la télé.
Vivian Blaine se produira dans les années 60 et 70 dans de nombreux spectacles musicaux comme hello Dolly ou Follies et évidemment des reprises sporadiques de son rôle fétiche. Après avoir longtemps pesté contre ce rôle qui lui tenait à la peau, l’actrice finira par se réconcilier avec Miss Adélaïde et le prendre comme une chance.
Vivian Blaine, très (trop) liftée, fera encore beaucoup de télé jusqu’en 1984. Elle sera la toute première artiste en 1983, à soutenir la lutte contre le Sida, qui au tout début n’attirait pas du tout les people qui avaient peur pour leur image. Elle nous a quitté en 1995. On peut s’interroger sur la trajectoire de cette actrice si la Fox ne l’avait pas condamnée à copier Alice Faye, et si le public et les producteurs l’avaient laissé évoluer vers d’autres personnages que cette Miss Adélaïde qui lui collait à la peau.

dimanche 19 avril 2009

Elfie Mayerhofer, le rossignol viennois



En évoquant tour à tour les vedettes du cinéma musical international, nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’aborder le bel canto. Si aux Etats-Unis, certains chanteurs d’opéra eurent l’occasion de figurer dans quelques films (notamment au milieu des années 30 où le triomphe de Grace Moore avait entraîné un engouement finalement assez bref pour ce genre), en Europe et notamment en Allemagne et en Italie, le public goûtait davantage ce style ce qui permit à des grandes voix comme Maria Cebotari ou Rudolf Schock de faire de belles carrières non seulement sur les scènes les plus prestigieuses mais aussi à l’écran. Aujourd’hui, on se focalisera sur celle du rossignol viennois Elfie Mayerhofer.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le rossignol viennois est né en Yougoslavie (actuellement Slovénie) en 1917(mais de parents autrichiens), et c’est dans son pays natal qu’elle a suivi ses premiers cours de chant et chanté dans les églises avant de poursuivre ses études en Suisse puis à Vienne. Sa très jolie voix de soprano est très vite remarquée et la jeune chanteuse obtient une bourse pour pouvoir financer ses études. En 1935, on la retrouve ainsi sur les bancs de la prestigieuse Grande école de Berlin avec Elizabeth Schwarzkopf. Après avoir tenu avec succès le rôle de Chérubin dans les noces de figaro de Mozart, la chanteuse est engagée au Staatsoper de Munich où va ensuite enchaîner les rôles les plus convoités (Mimi dans la Bohême, Violetta de la Traviata, Pamina de la flûte enchantée, en ne dédaignant pas non plus les opérettes, genre extrêmement populaire (la veuve joyeuse, princesse Czardas …).

Surnommée le rossignol viennois en raison de la clarté de sa voix, la jeune colorature ne laisse pas insensible les producteurs de cinéma. Il faut dire qu’elle est fort jolie avec ses yeux clairs en amande.
En 1938, la chanteuse fait ses débuts dans Femme pour Golden Hill, western dramatique made in Germany, dans lequel des pionniers font venir des femmes (notamment des prostituées) pour peupler une ville en devenir en plein désert, dans un milieu particulièrement hostile. Curieusement, Elfie, dans un rôle de futur épouse qui tombe malade dans la ville abandonnée, ne chante pas du tout et laisse les airs du film à la fascinante Kirsten Heiberg, ersatz de Dietrich (oui, il n’y avait pas que Zarah Leander !), dans un genre très différent. En revanche, dans le sombre mélo Hôtel Sacher (1939), où l’on assiste à la préparation d’un complot à Vienne en 1913, dans une atmosphère politiquement tendue. Elfie, dans un rôle secondaire chante un air yougoslave.

Si depuis l’Anschluss de 1938, l’Autriche est annexée par l’Allemagne, on va continuer à produire pendant la guerre des pâtisseries viennoises, peuplées de soubrettes froufrouteuses, d’apprentis musiciens, de soldats en goguette illustrés de valse comme au bon vieux temps… pour arracher quelques instants les spectateurs de la triste réalité ou pour les abrutir ?

En tous les cas, comme Deanna Durbin aux USA, où Franceska Gaal avant guerre, Elfie sera la Cendrillon de ces jolis contes de fée rose bonbon comme Charivari (1940), le petit concert (1945 : une chanteuse à la recherche de son père découvre qu’il est roi) ou invitation à la valse (1941) avec Hans Moser et Paul Horbiger, indispensables seconds rôles du cinéma viennois.
Sans avoir les qualités des films réalisés par Willi Forst, le meilleur réalisateur du genre (Bel Ami, Opérette), ces productions inoffensives et surannées se laissent voir. Elfie est charmante avec son air réservé et timide et la lueur de malice qui brille dans son superbe regard.

Rediffusé sur ciné Classic, le chant du Rossignol (1944) est une petite comédie qui narre les péripéties d’une aspirante chanteuse qui trame maladroitement pour être engagée à l’opéra (en se faisant passer pour une authentique japonaise et jouer Mme Butterfly) : pas de quoi fouetter un chat, mais quelques jolis airs dont un célèbre extrait de l’opérette Gasparone et le plus fameux aria de Mme Buterfly (compte tenu de mon peu de connaissances dans le domaine lyrique, je me jugerai bien de noter la prestation de Miss Mayerhofer.- au secours, Francesco ! J’aime beaucoup sa voix, même si la qualité sonore défaillante ne doit pas lui rendre tout à fait justice) : en tous les cas, je l’ai trouvé fort mignonne en japonaise.
Après guerre, la chanteuse va se produire pour les troupes américaines et continuer sa carrière au cinéma dans les studios autrichiens, comme si de rien n’était.

Dans Mélodies viennoises (1947) avec Johannes Heesters, Elfie incarne des jumelles séparées à la naissance : l’une est élevée par des gens fortunés, l’autre connaît la misère mais grâce à ses talents vocaux, devient une célébrité et parvient à retrouver sa sœur dans la haute socitété. Derrière une romance très conventionnelle, on devine dans les scènes tournées en extérieur une Autriche ravagée par les bombardements. Anni (1948) dans lequel Elfie vit un cruel dilemme sentimental, a l’intérêt de proposer de très beaux extraits d’opéra chantés fort mélodieusement par la belle artiste : dommage que la copie VHS que l’on m’avait offerte, soir pixélisée à mort (le film ayant été enregistré en plein orage !),

Alors que la valse céleste (1949) est diffusée sur les écrans français, Elfie joue dans une opérette, la reine des valses, au Théâtre des Champs Elysées et enregistre plusieurs disques à Paris. Ces spectacles légers ne l’empêchent pas de figurer encore dans des projets plus ambitieux comme les Noces de Figaro sous la direction de Karajan avec Maria Cebotari pour le festival de Salzbourg, à la demande expresse de Karajan.
On aimerait bien découvrir Amour démoniaque, tournée en 1949, comédie du style le ciel peut attendre, qui paraît il aurait directement inspiré un film américain des années 80 avec Bill Cosby, ou le baiser n’est pas un péché (1950) avec Curd Jürgens en passe de devenir la vedette n°1 du cinéma allemand.
En 1952, Elfie quitte le cinéma pour se marier avec un architecte et tourne son dernier film, Mélodies perdues aux cotés du jeune Peter Alexander.
Après son divorce, la chanteuse va reprendre sa carrière et beaucoup chanter dans des opérettes filmées pour la télé (Madame Pompadour de Léo Fall) et enchaîner les tournées notamment aux USA, au canda et au Mexique jusqu’à la fin des années 70.
Elfie Mayerhofer est décédée en 1992.

Mis à part de rares films diffusés sur Cinéclassic, et un DVD déjà épuisé en Allemagne, les amateurs de lyrique voulant découvrir l’une des plus jolies cantatrice du cinéma, auront du mal ! même chose pour ses disques, si l’on excepte quelques chansons (comme le beau chant du rossignol du film du même nom) figurant sur des compils multi-artistes.

samedi 18 avril 2009

Zeenat Aman, la plus sexy des étoiles de Bollywood






Portrait réalisé par Jordan White, fan de Zeenat Aman devant l'éternel

Impossible d'évoquer la comédie musicale hindi sans parler de l'incontournable Zeenat Aman qui reste dans l'esprit de nombreux fans de ce cinéma comme une figure légendaire et indétrônable. Née en 1951 en Allemagne, le 19 novembre pour être plus précis, Zeenat est issue d'une famille dont la mère est hindoue et le père musulman. Son père était notamment connu pour avoir été un des auteurs du classique de 1960 Mughal E Azam avec Dilip Kumar et Madhubala. Unique dans tous les sens du terme bien que souvent imitée, Zeenat est fille unique par sa famille. Le premier drame arrive vite dans sa vie avec la disparition de son père quand elle a treize ans. Elle obtient après son Bac une bourse pour aller étudier aux Etats-Unis. Quand elle en revient, elle s'engage pour le magazine Femina vers 1968 dont elle est journaliste avant d'être très vite remarquée pour faire du mannequinat. Les campagnes de pub entre autres l'a font apparaître sur le devant de la scène d'un milieu qui s'ouvre de plus en plus à la promotion en rotation lourde. Son visage va ainsi acquérir un impact dans le monde la mode de Bombay. Elle se présente au concours de Miss India dont elle arrive à la troisième place. Plus tard dans quelques un de ses films elle jouera la mannequin qui arrive toujours première, distinguée pour sa beauté ! Elle devient la première Miss Asia/Pacific. Une constante pour Zeenat : celle de représenter un idéal de beauté, beauté indienne s'entend mais beauté tout court également. Sa vie sera associée tant personnellement que professionnellement à l'idée d'anticiper les modes et de les construire autour de son image.

Comme bon nombre de comédiennes nées depuis le milieu jusqu'à la fin des années 70, elle consacrera une première partie de sa carrière à la mode avant de se tourner vers une carrière florissante de comédienne. On peut aussi compter Aishwarya Rai, Priyanka Chopra, Lara Dutta, Bipasha Basu ou Preity Zinta parmi ses comédiennes anciennes modèles, et plus récemment la sublime Deepika Padukone. Zeenat se lance dans le ciné en 1971. Elle vient d'avoir vingt ans et son visage stupéfiant lui ouvre grand les portes. Mais cela ne suffit pas, et son talent précoce s'illustre dès lors. Zeenat sait tout jouer, et même si ses premiers pas peuvent paraître maladroits ou balbutiants cela n'enlève rien au charisme évident dont elle se pare. Sa voix douce, ses yeux de biche, et son sourire attirent les grands réals. Elle est aussi considérée derechef comme un sex symbol pour toute une génération. Elle assumera ce statut tout en le faisant régulièrement exploser par des audaces qui n'appartiennent qu'à elles et qui seront reproduits par d'autres actrices débutantes, à toutes les époques.
Un de ses premiers grands rôles dans lequel elle paraît pourtant très timide est Yaadoon Ki Baraat en 1973, fameux pour ses chansons entrées dans l'imaginaire collectif et laissant chanter (en playback) une Zeenat Aman alors fraîche et pimpante en comédienne quasi débutante. Malgré ses faiblesses et la banalité de sa mise en scène, le film reste célèbre pour son final.


Ajanabee qu'elle signe en 1974 la met face à la caméra aux côtés d'un Rajesh Khanna fort convaincant en homme échappant d'un village qui l'a condamné pour ce qu'il n'a pas fait. Fou d'amour (on le comprend) pour le personnage de Reshmi il décide de partir à la ville pour le vivre au grand jour. Ajanabee replace la femme dans la modernité alors naissante du ciné hindi qui vit ses premiers grands masalas mélangeant chansons époustouflantes et narrations parfois décousues mais mettant l'accent sur les performances techniques et comiques. Intime et frontal, traversé de fulgurances plastiques, Ajanabee est un des premiers classiques de la belle Zeenat. Fascinés par son jeu, les réalisateurs s'arrachent l'actrice qui tournent avec les monstres sacrés d'alors (Dev Anand, Raj Kapoor, Manoj Kumar). En 1975 elle joue dans Warrant, elle tourne beaucoup entre 1975 et 1978, dans des genres très différents, du masala au drame, de la comédie à la fresque. En 1978, elle tourne avec des acteurs internationaux dans Shalimar, invraisemblable navet doublé plus tard en anglais pour une exploitation aux Etats-Unis. Sa beauté est un temps reléguée derrière l'indigence du script et la pauvreté de la mise en scène. Cependant son charme inaltérable imprime la pellicule. Pas à l'abri de tourner dans des films à la teneur improbable Zeenat se fait un renom mondial par des films encensés tout de suite ou des années plus tard. Avec Rajesh Khanna elle forme un beau couple. Elle se trouve souvent avec Prem Chopra ainsi qu'Amitabh Bachchan avec lequel elle enchaîne une série de six films jusqu'en 1983.
Elle bouleverse les normes et la donne en tournant un de ses grands classiques Satyam Shivam Sundaram en 1978 dans lequel elle fait scandale pour poser en petite tenue blanche sous une fontaine, où dévoilées ses formes font tourner la tête des spectateurs. Aucune actrice ne s'était alors dévoilée ainsi et avait été filmée de la sorte avec une telle liberté et frontalité. Sa légende est née. Le film réalisé par Raj Kapoor étonne par sa modernité, ses enjeux d'actualité et l'apparition de séquences oniriques.

Dans la foulée elle est une femme qui en veut mortellement à Amitabh Bachchan dans Don

où elle apparaît sous des airs rappelant ceux de Pam Grier dans les oeuvres qui la rendirent célèbre à l'époque de la Blaxpoitation dont Dont est une adaptation sauce curry, comme Sholay a pu l'être à celle du western spaghetti. A noter qu'un item visuel reviendra souvent dans ses films : on la voit souvent dans une chanson apparaître dans un sari blanc qui très vite bercé par les flots et laissant apparaître son corps dénudé. Une charge érotique qui ne tombera cependant jamais dans la vulgarité. Très fort.

L'année suivante elle tourne dans le chef-d'oeuvre bis Qurbani,

où elle apparaît comme une des actrices les plus incroyables de son temps, arrivant à faire fantasmer de concert deux hommes que tout sépare et qui pourtant vont vivre une intense amitié. Présenté à Cannes durant le festival et tourné en pleine fureur disco le film continue aujourd'hui de surprendre par ses audaces formelles, la qualité de sa BOF et le jeu des comédiens, tous excellents dont Vinod Khanna le papa d'Akshaye Khanna. Encore aujourd'hui le film brille par son originalité, ses séquences délirantes et ses chansons dont Aap Jaise Koi. On a rarement fait mieux dans le genre film d'action disco.
Eprise de justice elle l'est dans le discutable et discuté Insaaf Ka Tarazu

dans lequel elle réclame justice après avoir été victime d'un viol par un agresseur sans scrupule. A la fois bouleversant et tirant sur la corde sensible du tire-larmes par le long réquisitoire final, Insaaf montre une actrice sidérante de charisme,à l'aise dans les registres difficiles de l'émotion et de l'intériorisation, tout en montrant un sex appeal débordant. Ce qui ne sera pas le cas dans Gopichand Jasoos en 1982 où elle est trop grimée, maquillée quasi outrageusement dans une comédie bien faiblarde dans laquelle elle retrouve pourtant Raj Kapoor qui l'avait dirigé dans Satyam Shivam Sundaram. Leur complicité ne fait cependant aucun doute.

Après avoir tourné plus de soixante films, Zeenat délaisse les écrans à partir de la fin des années 80 pour s'occuper de sa famille. Veuve, mère de deux fils, elle les élève en restant loin des studios de cinéma. Sa vie privée est entachée de drames personnels mais aussi d'affaires politiques. Son amitié forte avec Dimple Kapadia, admirable actrice des 70's (c'est elle qui tient le rôle féminin principal de Bobby en 1973 et qui joue la femme esseulée quarantenaire dans Dil Chahta Hai dont tombe amoureux Akshaye Khanna) la sauve du pire. Elle fait un retour au ciné dans Bhopal Express en 1999 puis Jaana avec Rajesh Khanna un de ses partenaires les plus singuliers et doués. Elle devrait être à l'affiche en 2008 dans un nouveau film actuellement en postproduction.

En vingt ans de carrière très active Zeenat Aman a changé la face du cinéma indien, pimenté le ciné hindi par ses audaces constantes, réinventé la figure de la femme moderne, apporté une attitude nonchalante comme très pro, conjugué la beauté incandescente au jeu d'actrice développé voire surdoué. Figure adulée, modèle pour de nombreuses actrices ayant commencé leurs carrières au début des années 90, elle est à mon sens celle qui a inspirée sur de nombreux points Kajol, Nandita Das et Deepika Padukone. La légende de Zeenat Aman n'a en tout cas pas fini de s'écrire.


mercredi 15 avril 2009

Mirtha Legrand, l'indestructible




Bien souvent nous avons évoqués dans ce topic de bien tristes destinées, et la vie d’artistes pour lesquels la gloire fut de courte durée. Afin d’insuffler un peu d’optimisme, si l’on abordait la trajectoire de la star argentine Mirtha Legrand, vedette de cinéma des années 40 et 50, et star de la télévision depuis maintenant 40 ans, dont les émissions pourtant souvent décriées affichent un insolent succès depuis des décennies. La reine Mirtha, la femme la plus connue d’Argentine ou l’histoire d’une réussite sur la longueur. Mirtha et sa sœur jumelle Silvia ont vu le jour en 1927. Les parents possèdent une bonne situation (papa libraire et maman directrice d’école). Néanmoins, après le divorce des parents, et le décès du papa, les affaires tournent mal pour les Legrand qui emménagent dans un quartier mal famé de Buenos aires. Pour arrondir les fins de mois, Mme Legrand trouve un job pour ses deux gamines dans différentes petites revues, afin de pouvoir leur financer des études au conservatoire d’art dramatique. Le fait qu’elles sont jumelles attire l’attention des badauds.Elles finissent par décrocher un petit rôle dans un film aux cotés de l’actrice comique Nini Marshall (surnommée Catita par le public). Les jolies blondinettes gazouillent gaiement dans ce spectacle facile. Le producteur Ricardo Cerebello flairant la bonne affaire décide de prendre le duo sous son aile et de bâtir à leur intension une série de films à l’eau de rose pour les deux jumelles. En 1942, Mirtha est la vedette du film « los marques orchideas », un énorme succès commercial qui lui vaudra un contrat de 5 ans. Alors que sa sœur Silvia préfère quitter le show business pour épouser un lieutenant, Mirtha se retrouve seule en piste.En 1945, elle épouse le réalisateur français Daniel Tinayre, âgé de 18 ans de plus qu’elle. Il s’agit davantage d’un mariage de raison que d’amour, comme le laissera entendre la star qui cherchait à assurer sa position financière. Les clichés de la cérémonie seront confiés en exclusivité au magazine radiolandia. Egalement scénariste et producteur, Daniel Tinayre, qui fut longtemps snobé par les critiques cinématographiques, a pourtant une parfaite maîtrise de ses films et un certain talent qui ne se limite pas à l’aspect commercial. Il met en vedette sa femme dans passeport pour Rio, où elle incarne une danseuse en danger après avoir été témoin d’un meurtre. La présence de l’acteur mexicain Arturo de Cordova assurera au film une sortie internationale ; ajoutons que les chansons étaient composées par Paul Misraki, le célèbre auteur des airs de l’orchestre de Ray Ventura, réfugié en Amérique du Sud pour échapper aux nazis.Au programme de Miss Legrand, on trouve évidemment des films musicaux avec tango en bruit de fond comme la doctoresse aime le tango, la p’tite dame du moulin rouge, la chaste Suzanne ou encore vidalita avec Fernando lamas, des screwballs comédies comme l’épouse dernier modèle (1952), où elle se déchaine en chipie, incapable de mener à bien les taches ménagères sous la houlette alerte de Carlos Schlieper. Coquine et farceuse, elle n’a pas son pareil pour se genre de comédies adaptées du théâtre de boulevard. Mais on peut préférer la vendeuse de rêve (1956) aimable fantaisie contant la romance d’une vendeuse d’un grand magasin avec le fils du patron. En 1952, le magazine l’écran français accueillait par une grimace la comédie SOS grand-mère, en prétendant que Mirtha y était « grasse ».En 1955, Mirtha tourne en Espagne le premier film espagnol en couleurs Mascarade d’amour, de Ladislao Vajda, une adaptation filmée d’une zarzuela, pas du tout désagréable, tournée en gevacolor. Récemment diffusé à la cinémathèque, ce film ne manque pas de charme et Miss Legrand, en fausse ingénue calculatrice ; Par contre, je la soupçonne d’être doublée pour les passages chantés. En 1955, Mirtha partage l’affiche d'un film à sketch avec les deux autres grandes stars de la période péroniste la chanteuse de tango Tita Merello et Zully Moreno, sorte de sosie d’Ann Sheridan, appuyée par le chef de la propagande du dictateur Juan Peron. La presse se gargarise d’une prétendue rivalité entre Mirtha et Zully. En tout état de cause, c'est Mirtha qui sort gagnante du film tant son passage est plus enlevé que celui de ses deux fameuses collègues (elle y fredonne la petite tonkinoise). Afin de faire évoluer la carrière de sa femme, Daniel Tinayre abandonne les comédies sentimentales pour des drames un peu plus sulfureux. Dans le viol (la patota)1960, Mirtha est une prof d’un lycée sordide violée par plusieurs de ses élèves. On perçoit bien une atmosphère de malaise, qui fait songer un peu à graine de violence. Hélas, il est difficile d’apprécier les prises de vue de nuit, tant la bobine a souffert l’épreuve du temps (la plupart des films argentins mériteraient d’être sérieusement remasterisés). En 1962, on retrouve Mirtha dans son film préféré et probablement son meilleur rôle, Filles de joie, l’adaptation d’un roman de gare de Guy des Cars. Sorti en France dans les réseaux de cinéma bis et rediffusé au festival du film d’Amiens, ce film semble t’il transcende le douteux matériel sur lequel il repose (la rivalité entre 2 jumelles, l’une bonne sœur, l’autre prostituée) en un mélo vibrant ; si quelqu’un l’a en VHS ou DVD, qu’il me contacte !Dans ce film, Mirtha retrouve sa sœur Silvia sortie momentanément de sa retraite pour tenir le rôle de sa jumelle. Après la participation à un film à sketch un peu coquin de son mari l’amour en quarantaine (un gros succès commercial), Mirtha ne trouve plus guère de rôle dans les films de son mari qui se lance dans le genre érotique. Après l’échec de son dernier film en 1965, elle fait un peu de théâtre et triomphe dans la Lune était bleue et 40 carats.Alors que beaucoup la croient fini, l’actrice va réussir une incroyable reconversion en animant à la télé argentine un show qui s’apparente beaucoup à vivement dimanche de Michel Drucker. Autour d’une bonne table, elle reçoit non seulement les gens du show business venus faire leur promo (pas seulement les stars locales mais aussi Alain Delon, Anthony Quinn, Catherine Deneuve, Julio Iglesias, etc..) et beaucoup de politiques venus utiliser cette formidable lucarne. La formule fonctionne depuis maintenant 40 ans sans discontinuer (sauf un petit hiatus à la mort de Daniel Tinayre et du fils de Mirtha). Une pérennité dans le succès qui laisse pantois (elle détient le record de longévité pour une animatrice sur la même émission) et qui crée bien des jalousies. Celle qui fut comparée à Christine Okrent pour le mordant de ses interviews est détestée par toute une frange du public qui exècre son show people qui pue le luxe alors que l’Argentine connait depuis longtemps un marasme économique des plus alarmants. Elle est moquée par un nombre considérable d’internautes qui la détestent, délirent sur son âge et ses innombrables liftings et prétendent que sa sœur jumelle Silvia, qui a opté pour l’anonymat vivrait dans un sombre cachot, avec un masque de fer pour dissimuler son âge. Certains ont même exposé une récente photo (truquée ?) de Silvia pour montrer à quoi ressemblerait Mirtha sans la chirurgie esthétique. Enfin, les chiens aboient, la caravane passe et Mirtha qui prétendait prendre sa retraite en 2008 pour ses 80 ans anime toujours « déjeunons avec Mirtha Legrand » sur America TV.Il y a peu, la grande dame du petit écran a encore fait parler d’elle en insultant un technicien avec un langage très coloré alors qu’elle se croyait hors antenne. Mais cet incident lui a causé plus de publicité que de déconvenues.En 2009, Mirtha devrait faire son retour sur scène dans une comédie musicale. On ne sait jamais si vous passez par Buenos Aires (rassurez vous, elle séjourne souvent à Paris, si vous souhaitez la rencontrer un jour…)










lundi 13 avril 2009

Marie-France, la petite Shirley française








Autrefois, le public raffolait des enfants vedettes, et le public ressortait des salles obscures le cœur soulagé après avoir assisté aux mésaventures mélodramatiques de chers petits bambins attendrissant, qui finissaient toujours par un happy end. Quand les chères têtes blondes ou brunes étaient de surcroit pourvus de talents vocaux, on applaudissait les prodiges à tout rompre. Josélito l’enfant à la voix d’or et Marisol ont ainsi emballé l’Espagne, les pays latins et une bonne partie de l’Europe. L’Allemagne et la Hollande ont réservé un accueil triomphal au petit Heintje, tout comme l’Italie à Robertino : les deux gamins se collèrent à la reprise du Mama rendu célèbre par Benjamino Gigli.En France aussi, nous avons eu le petit Mirsha, qui chanta petit homme c’est l’heure de faire dodo avant guerre et tourna 2 films en France et un en Hongrie (l’enfant connut un sort tragique : il mourut en camp de concentration) et la petite Marie-France, mini vedette de la chanson et du cinéma. Dans les années 30, la petite Shirley Temple avait remporté un succès sans précédent dans une série de sucreries destinées à faire oublier momentanément les affres de la dépression à un public en quête d’optimisme. En France, dans l’immédiat après guerre, alors que les denrées alimentaires étaient rationnées et la situation sociale des plus précaires, on avait toujours besoin de rêver. Avec ses yeux rieurs, ses joues rebondies, ses socquettes et ses souliers vernis, ses nœuds dans les cheveux frisés, ses courtes robes à froufrou, la petite Marie France Plumer (née en 1943) avait tous les atouts pour attendrir un public bienveillant. Après avoir gagné concours de chant à l’âge précoce de 4 ans dans à radio Luxembourg et fait la couverture du magazine Radio pour cet exploit, la fillette est engagée dans une série d’émissions de radio pour les enfants (les beaux jeudis de Jacques Pauliac) enregistrées en public. Elle enregistre son premier disque en 1948 : « la fête de maman ». Le résultat est culcul à souhait, et tellement démago qu’il ne pourra qu’enchanter les amateurs d’humour au troisième degré (dont je suis). Marie France chantonne plutôt mal, en appuyant sur les notes et en détaillant avec application chaque ânerie pour finir par nous livrer un merveilleux dérapage les dernières secondes. Les paroles sont ridicules à souhait : « ce jour est le plus beau de l’annéeeeee, puisque de ta fête il est le joooour », « je promets de te ramener que des bons points.. ». J’imagine qu’à l’époque, on a du trouver son interprétation des plus touchantes. En écoutant ce joyeux massacre, on ne peut s’empêcher de penser à Bette Davis de Baby Jane tant la petite Marie-France semble ressembler au personnage du film d’Aldrich, et je ne parle même pas de sa chanson ! En tous les cas, la gamine continuera à enregistrer pendant près de 10 ans, dont notamment quand allons nous nous marier de Georges Ulmer, abadaba du film les heures tendres, et l’enfant de la balle d’Eddie Constantine, et pas mal de compositions de Charles Humel, compositeur aveugle connu pour « dans les plaines du far West » de Montand. Un tel petit phénomène se devait de faire du théâtre et du cinéma. Sur les planches, elle donne la réplique à Pierre-Richard Wilm, le grand séducteur romantique des années 30 en fin de carrière. Présentée sur les affiches comme la petite Shirley française, Marie-France va également tourner dans pas mal de films. Jamais de chefs d’œuvre mais du cinéma populaire. Dans le remake de la ronde des heures, elle joue aux cotés de Jacques Jansen, baryton qui a fait les beaux jours du palais Garnier. Elle obtient un rôle plus important dans sous le ciel de Paris (1951), son meilleur film de loin. : Un bel hommage à la capitale, conçu de façon avant-gardiste avec la célèbre chanson éponyme interprétée par Jean Bretonnière.La même année, Marie-France est la vedette des deux gamines, un mélo pour faire pleurer Margot (plus poignant que la porteuse de pain, plus bouleversant que mensonge d’une mère, promet l’affiche) jadis tourné par Feuillade et un nanar des plus croustillants, très jouissif en fin de compte. Malgré son numéro de cabotinage (ou à cause de cela), Marie-France donne tout son sel à cet incroyable film qui mélange mélo, conte de fée et polar parigot. Et que dire de la prestation génialissime de Suzy Prim en marâtre qui s’acharne sur Marie-France et la punie en lui demandant de faire douze pages de bâtons. Quand la fillette lui demande pourquoi des bâtons, elle lui réplique que c’est juste à la hauteur de son intelligence. Alors que la crooneuse Léo Marjane chante les deux principales chansons du film, Marie-France gazouille une comptine « la bergère et le capitaine ». Si ces deux gamines sont un vrai régal kitsch (doublé d’un gros succès commercial, y compris à l’étranger), on ne pourra en dire autant de Musique en tête, sorte de devoir de vacances bâclé de l’orchestre de Jacques Hélian : quel laisser aller et quelle indigence dans ce navet où seules les chansons de Rudy Hirigoyen sauvent la mise. Marie-France y va aussi de son petit refrain tout en jouant à la marelle. La petite fille incarne sainte Thérèse de Lisieux dans un bien conventionnel Procès au Vatican (genre de films qu’on rediffusait l’après midi dans les années 70. Le coté mystique (apparitions..) et un peu morbide (nombreuses scènes où Thérèse est alitée) m’avait fait peur d’ailleurs à l’époque). Dans le genre mélo, elle incarne une fillette atteinte de leucémie dans son dernier Noël (1952) avec Tino Rossi, qui n’omet pas de reprendre son fameux petit papa Noël. Dans le genre tire-larmes dégoulinant de bons sentiments et de roucoulades, difficile de faire pire. Le film inspirera plus tard l’arbre de Noël avec Bourvil. Préparez vos mouchoirs ! Je n’ai pas vu le gamin de Paris (1955) dernier film interprété par Marie-France dans lequel elle retrouve Christian Fourcade autre chanteur enfant de la radio. Il s’agit encore d’un remake d’un vieux mélo de Feuillade, genre devenu complètement anachronique. Dans ces films, c’est son coté petite bonne femme qui amuse. Sinon, la petite actrice n’a pas à mon avis le talent de Margaret o’Brien ou de Brigitte Fossey. Mais elle peut se venter d’avoir donné la réplique à Jean Marais, Michèle Morgan, Noël Noël, Gisèle Pascal et Jean Gabin. Pas mal non ?En 1957, Marie-France se produit encore à la kermesse aux Etoiles et enregistre avec Sacha Distel et Maurice Chevalier la version française des chansons du film Gigi. Elle tourne dans quelques pièces de théâtre pour la télé comme le malade imaginaire avec Fernand Ledoux. Au début des années 60, la gamine a bien grandi, et file le parfait amour avec Danny boy du groupe les pirates qu’elle quitte pour un autre chanteur yéyé, Dick Rivers des chats sauvages (et sa fameuse banane), avec lequel elle enregistrera un duo (je suis bien). Elle le laissera tomber pour le guitariste Mick Jones. Dick Rivers raconte que la jeune femme possédait une photo d’elle dans les bras d’Elvis Presley qui aurait peut être eut un flirt avec elle, ce qui le faisait mourir de jalousie. Depuis Marie-France n’a plus jamais cherché à faire parler d’elle et se réfugie dans un anonymat qui lui convient parfaitement. Quand le prénom de Marie-France apparaît sur certains génériques, il s’agit d’homonymes (l’une d’elles joua justement avec Josélito, l’autre une chanteuse transsexuelle égérie de Pierre et Gilles, une autre encore a joué dans la version allemande du dernier des mohicans). Si cela fait belle lurette qu’elle a préféré tourner la page, les cinéphiles ne pourront que regarder d’un œil sympathique cette petite fille délurée aux grands écarquillés, amusant souvenir d’un autre monde. Et si vous voulez goûter une expérience inédite et plus naphta que naphta, pourquoi pas un extrait de la fête de maman ou de je voudrais un mari ?http://www.virginmega.fr/musique/titre/interpretes-divers-la-fete-de-maman-c-hummel--103614456,page1.htmIl suffit de cliquer sur « écouter le titre ». Bon courage.